Le Plan ORSEC a été encore une fois déclenché samedi 21 août par le ministre de l’Intérieur. Selon Antoine Félix Diome, 50 camions hydrocureurs et 150 motopompes seront déployés dans la banlieue pour apporter secours aux sinistrés qui sont dans un total désarroi.
Au niveau des destinataires, on dénonce un rafistolage qui ne règle pas le problème de fond des inondations. « Nous nous posons la question de l’efficacité des plans ORSEC puisque chaque année, lorsque la situation devient intenable, l’Etat déclenche ledit processus. C’est simplement un échec patent des autorités du régime de Macky Sall puisqu’en lançant en 2012 le Progep (Ndlr, Programme de gestion des eaux pluviales et d’adaptation aux changements climatiques) sur une décennie allant de 2012 à 2022, on ne devait plus parler de plan ORSEC dans sa déclinaison dans la mesure où il ne reste plus qu’une seule année pour la fin de ce programme qui a coûté près de 800 milliards avec des résultats négatifs à tous les niveaux » souligne un cadre du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat sous l’anonymat. Il pointe du doigt la responsabilité de l’Etat dans une situation où, malheureusement, la planification et la communication ont été laissées en rade dans les stratégies qui devaient accompagner le Progep.
Toutefois, la position de ce premier interlocuteur est relativisée par un ancien cadre de ce même ministère. Notre deuxième interlocuteur estime que la question de la gestion des inondations est complexe surtout à l’orée d’une situation de dérèglement climatique. « Le plan ORSEC est mis en œuvre lorsqu’il y a un problème qui ne peut être réglé que par le déploiement de l’ensemble des moyens opérationnels publics et privés pour faire face à des questions d’urgence » souligne ce dernier.
Est-ce que l’Etat a failli sur ce registre ?
Notre deuxième cadre ne répond pas par l’affirmative. Mais il estime que si l’Etat a failli quelque part, c’est surtout sur le fait de n’avoir pas associé les populations, les collectivités locales et l’ensemble des personnes physiques et morales concernées et/ou compétentes dans le processus de gestion des inondations. « Parce que quand vous arrivez dans un quartier donné, les populations qui ont déjà vécu le calvaire des inondations savent là où il faut poser une canalisation où installer des bassins de rétention, c’est à ce niveau qu’on peut parler de faillite de l’Etat » souligne notre deuxième cadre.
1er plan ORSEC en 2002
Le Plan national d’Organisation des secours (ORSEC) a été adopté en 1993 par le décret n° 93-1288 du 17 novembre 1993. L’adoption du Plan ORSEC est survenue après l’explosion d’une citerne d’ammoniac de la SONACOS le 24 mars 1992 qui avait entrainé plusieurs morts. Le texte avait été révisé en 1999 en vue de l’adapter aux risques de catastrophe. Aujourd’hui régi par le décret n° 99-172 du 04 mars 1999 abrogeant et remplaçant le décret n° 93-1288 du 17 novembre 1993, « le plan ORSEC est le principal mécanisme de coordination et de gestion des catastrophes et urgences au Sénégal », indique le ministère de l’Intérieur sur son site.
Depuis son adoption, le Plan national ORSEC a été déclenché et mis en œuvre sept (7) fois : le 27 septembre 2002 suite au naufrage du bateau le JOOLA ; le 22 août 2005 (inondations) ; le 27 août 2009 (inondations); le 26 août 2012 (inondations) ; le 02 septembre 2013 (inondations dans le département de Mbour) ; le 17 septembre 2019 (inondations dans la région de Dakar) ; le 05 septembre 2020 (inondations). Et, bien sûr, le samedi 21 août 2021. Au total, donc, le président Macky Sall l’aura déclenché cinq fois à lui tout seul depuis 2012 soit, en moyenne, une fois tous les deux ans !
« Dans sa teneur le Plan ORSEC, c’est une organisation transversale et horizontale. Il concerne tout le monde, tous les ministères, les collectivités locales », souligne l’ancien directeur adjoint de la Protection Civile, Bara Ndiaye Thioub, expert en sécurité, incendie et gestion des catastrophes à travers le site La Vie Sénégalaise. « Quand on parle de plan ORSEC, les gens pensent principalement aux sapeurs-pompiers. Mais, il n’y a pas qu’eux. Certes, ils sont les bras armés du ministère de l’Intérieur et se chargent des secours.
Mais, il y a aussi la police et la gendarmerie qui se chargent de la sécurité. Dans le cas de figure des inondations, ils auront probablement besoin, entre autres, de la Senelec par exemple pour isoler l’électricité dans ces zones, des services de l’Hydraulique, des services de la santé, la Croix Rouge, d’une partie de l’armée pour la logistique car il faut transférer les gens, les loger et les ravitailler en eau, etc. Il y a une cellule qui répertorie tout ce dont on a besoin pour mener à bien ce plan», poursuit Bara Ndiaye Thioub.
Un deuxième Plan décennal doit être envisagé
La complexité de la gestion des inondations n’exonère pas l’Etat accusé d’incompétence et de manque de prévention. Cité par la Vie Sénégalaise, l’ancien directeur adjoint de la Protection Civile, Bara Ndiaye Thioub, estime que « le plan ORSEC doit être revu, adapté, et surtout spécifié à chaque risque ».
«Il doit y avoir un plan ORSEC inondations, ORSEC hébergement lorsque les gens sont rapatriés, ORSEC ferroviaire s’il y a un accident ferroviaire… Ainsi donc, la réponse que l’on réserve à un évènement ne doit pas être la même », préconise-t-il. Selon lui, « dès qu’on parle de plan ORSEC, dans les normes, on doit savoir comment faire face ». « Pour ce qui est des inondations, on savait bien que cela allait venir. Donc, on aurait dû mettre en place des plans, des prévisions, faire des simulations. De ce fait, on aurait mobilisé tous les moyens d’alerte pour impliquer la population, les maires, les associations, ainsi que les forces de l’ordre et de défense, la Senelec, les journalistes tout le monde, pour se préparer à faire face », estime-til. Selon Abdou Sané, géographe-environnementaliste, président de l’Association Africaine pour la Promotion de la Réduction des Risques de Catastrophes, « pour la durabilité, il est nécessaire d’envisager des solutions de prévention contre les risques de catastrophes ».
« Le plan ORSEC est une réponse humanitaire conjoncturelle à une crise. Il est très coûteux en ce sens que, dans l’urgence, les marchés sont exempts d’appels d’offre et que c’est le gré à gré qui fonctionne dans un contexte marqué par la mal gouvernance (corruption, absence de transparence…). Or, la réponse à la crise coûte plus cher que l’investissement dans la prévention ». Mais puisque certains trouvent plus leur compte dans la réponse à la crise… L’ancien haut fonctionnaire du ministère de l’Urbanisme estime que, face à la complexité du problème, l’Etat doit penser à devancer le phénomène. Il ne doit pas être dans la réaction. Surtout, préconise-t-il, il (l’Etat) doit surtout bien communiquer pour dire la vérité aux populations.
A en croire le géographe-environnementaliste Abdou Sané, le seul schéma viable pouvant mettre fin aux inondations sera de mettre en place un deuxième plan décennal de lutte contre les inondations qui intégrera totalement les populations dans les réponses à donner. Un deuxième plan décennal qui coûtera encore 750 milliards ? Certains doivent déjà se frotter les mains et se pourlécher les babines !
Le Témoin
Au niveau des destinataires, on dénonce un rafistolage qui ne règle pas le problème de fond des inondations. « Nous nous posons la question de l’efficacité des plans ORSEC puisque chaque année, lorsque la situation devient intenable, l’Etat déclenche ledit processus. C’est simplement un échec patent des autorités du régime de Macky Sall puisqu’en lançant en 2012 le Progep (Ndlr, Programme de gestion des eaux pluviales et d’adaptation aux changements climatiques) sur une décennie allant de 2012 à 2022, on ne devait plus parler de plan ORSEC dans sa déclinaison dans la mesure où il ne reste plus qu’une seule année pour la fin de ce programme qui a coûté près de 800 milliards avec des résultats négatifs à tous les niveaux » souligne un cadre du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat sous l’anonymat. Il pointe du doigt la responsabilité de l’Etat dans une situation où, malheureusement, la planification et la communication ont été laissées en rade dans les stratégies qui devaient accompagner le Progep.
Toutefois, la position de ce premier interlocuteur est relativisée par un ancien cadre de ce même ministère. Notre deuxième interlocuteur estime que la question de la gestion des inondations est complexe surtout à l’orée d’une situation de dérèglement climatique. « Le plan ORSEC est mis en œuvre lorsqu’il y a un problème qui ne peut être réglé que par le déploiement de l’ensemble des moyens opérationnels publics et privés pour faire face à des questions d’urgence » souligne ce dernier.
Est-ce que l’Etat a failli sur ce registre ?
Notre deuxième cadre ne répond pas par l’affirmative. Mais il estime que si l’Etat a failli quelque part, c’est surtout sur le fait de n’avoir pas associé les populations, les collectivités locales et l’ensemble des personnes physiques et morales concernées et/ou compétentes dans le processus de gestion des inondations. « Parce que quand vous arrivez dans un quartier donné, les populations qui ont déjà vécu le calvaire des inondations savent là où il faut poser une canalisation où installer des bassins de rétention, c’est à ce niveau qu’on peut parler de faillite de l’Etat » souligne notre deuxième cadre.
1er plan ORSEC en 2002
Le Plan national d’Organisation des secours (ORSEC) a été adopté en 1993 par le décret n° 93-1288 du 17 novembre 1993. L’adoption du Plan ORSEC est survenue après l’explosion d’une citerne d’ammoniac de la SONACOS le 24 mars 1992 qui avait entrainé plusieurs morts. Le texte avait été révisé en 1999 en vue de l’adapter aux risques de catastrophe. Aujourd’hui régi par le décret n° 99-172 du 04 mars 1999 abrogeant et remplaçant le décret n° 93-1288 du 17 novembre 1993, « le plan ORSEC est le principal mécanisme de coordination et de gestion des catastrophes et urgences au Sénégal », indique le ministère de l’Intérieur sur son site.
Depuis son adoption, le Plan national ORSEC a été déclenché et mis en œuvre sept (7) fois : le 27 septembre 2002 suite au naufrage du bateau le JOOLA ; le 22 août 2005 (inondations) ; le 27 août 2009 (inondations); le 26 août 2012 (inondations) ; le 02 septembre 2013 (inondations dans le département de Mbour) ; le 17 septembre 2019 (inondations dans la région de Dakar) ; le 05 septembre 2020 (inondations). Et, bien sûr, le samedi 21 août 2021. Au total, donc, le président Macky Sall l’aura déclenché cinq fois à lui tout seul depuis 2012 soit, en moyenne, une fois tous les deux ans !
« Dans sa teneur le Plan ORSEC, c’est une organisation transversale et horizontale. Il concerne tout le monde, tous les ministères, les collectivités locales », souligne l’ancien directeur adjoint de la Protection Civile, Bara Ndiaye Thioub, expert en sécurité, incendie et gestion des catastrophes à travers le site La Vie Sénégalaise. « Quand on parle de plan ORSEC, les gens pensent principalement aux sapeurs-pompiers. Mais, il n’y a pas qu’eux. Certes, ils sont les bras armés du ministère de l’Intérieur et se chargent des secours.
Mais, il y a aussi la police et la gendarmerie qui se chargent de la sécurité. Dans le cas de figure des inondations, ils auront probablement besoin, entre autres, de la Senelec par exemple pour isoler l’électricité dans ces zones, des services de l’Hydraulique, des services de la santé, la Croix Rouge, d’une partie de l’armée pour la logistique car il faut transférer les gens, les loger et les ravitailler en eau, etc. Il y a une cellule qui répertorie tout ce dont on a besoin pour mener à bien ce plan», poursuit Bara Ndiaye Thioub.
Un deuxième Plan décennal doit être envisagé
La complexité de la gestion des inondations n’exonère pas l’Etat accusé d’incompétence et de manque de prévention. Cité par la Vie Sénégalaise, l’ancien directeur adjoint de la Protection Civile, Bara Ndiaye Thioub, estime que « le plan ORSEC doit être revu, adapté, et surtout spécifié à chaque risque ».
«Il doit y avoir un plan ORSEC inondations, ORSEC hébergement lorsque les gens sont rapatriés, ORSEC ferroviaire s’il y a un accident ferroviaire… Ainsi donc, la réponse que l’on réserve à un évènement ne doit pas être la même », préconise-t-il. Selon lui, « dès qu’on parle de plan ORSEC, dans les normes, on doit savoir comment faire face ». « Pour ce qui est des inondations, on savait bien que cela allait venir. Donc, on aurait dû mettre en place des plans, des prévisions, faire des simulations. De ce fait, on aurait mobilisé tous les moyens d’alerte pour impliquer la population, les maires, les associations, ainsi que les forces de l’ordre et de défense, la Senelec, les journalistes tout le monde, pour se préparer à faire face », estime-til. Selon Abdou Sané, géographe-environnementaliste, président de l’Association Africaine pour la Promotion de la Réduction des Risques de Catastrophes, « pour la durabilité, il est nécessaire d’envisager des solutions de prévention contre les risques de catastrophes ».
« Le plan ORSEC est une réponse humanitaire conjoncturelle à une crise. Il est très coûteux en ce sens que, dans l’urgence, les marchés sont exempts d’appels d’offre et que c’est le gré à gré qui fonctionne dans un contexte marqué par la mal gouvernance (corruption, absence de transparence…). Or, la réponse à la crise coûte plus cher que l’investissement dans la prévention ». Mais puisque certains trouvent plus leur compte dans la réponse à la crise… L’ancien haut fonctionnaire du ministère de l’Urbanisme estime que, face à la complexité du problème, l’Etat doit penser à devancer le phénomène. Il ne doit pas être dans la réaction. Surtout, préconise-t-il, il (l’Etat) doit surtout bien communiquer pour dire la vérité aux populations.
A en croire le géographe-environnementaliste Abdou Sané, le seul schéma viable pouvant mettre fin aux inondations sera de mettre en place un deuxième plan décennal de lutte contre les inondations qui intégrera totalement les populations dans les réponses à donner. Un deuxième plan décennal qui coûtera encore 750 milliards ? Certains doivent déjà se frotter les mains et se pourlécher les babines !
Le Témoin
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