Ma première fusion d’avec cette merveilleuse sourate date d’il y’a environ 35 ans, au cours d’une prière du Maghreb. L’homme qui dirigeait la prière ce jour là, de toute évidence, vivait intensément cet instant magique d’audience particulière avec son Seigneur. Il était transporté très loin par les paroles divines. L’homme avait-il oublié qu’il est généralement recommandé de choisir des versets courts pour le Maghreb ? Toujours est il que, tout jeune que je fusse à l‘époque, j’étais fasciné (je le suis toujours !) par le rythme de « Ar Rahman », avec son délicieux refrain, qui fait l’originalité de cette sourate : « lequel des hauts faits de votre Seigneur nieriez vous ? »
L’homme en question « vivait » littéralement Le Coran ce jour là, avec le timbre du croyant soumis, avec surtout ce débit accéléré de la voix, cette élocution qui avait tendance à amputer les mots, et dont ses cousins autorisés (enfants de ses oncles maternels) n’ont cessé de se moquer toute sa vie.
L’homme aimait le Coran par dessus tout ; grâce à lui et dans la même période, j’ai eu le privilège, au bloc des médecins de Fann résidence, de voir dans ses œuvres l’un des plus grands lecteurs contemporains du Coran, l’égyptien Mahmoud Khalil Al Hossari. Pendant de bonnes heures, Al Hossari a « vécu » le coran avec nous, la tête en perpétuel mouvement, évoquant une athétose, respirant profondément pendant les longues tirades, observant de longues pauses tout de suite après…J’ai compris ce jour là que Le Coran ne se chante pas. Il se respire, se scande, se déclame, plus qu’il ne se psalmodie. En un mot, le coran se vit !
Dédé Ciré est donc parti. Pendant plusieurs jours, la maison mortuaire ne désemplissait pas ; comme depuis ma plus tendre enfance quand j’allais chez dédé Ciré, la voix envoutante d’Al Hossari a encore empli les lieux, des jours durant.
Il est difficile de parler d’un homme qu’on a connu de si près et de si loin à la fois. Il me semble plus facile de parler du musulman que j’ai connu. Parce que nous aspirons à devenir des croyants sincères, chevillés aux valeurs de l’islam authentique, dépouillé des superstitions et contre valeurs insidieusement inoculées par Sheytan.
Ar Rahman, dans un autre verset, nous apprend aussi, sous la forme d’une interrogation positive : « quelle est la rétribution du bien, sinon le bien ? »
Le Dr Ciré LY savait chercher le bien où qu’il puisse être, et se l’approprier.
Le bien dans la posture, l’habillement et le maintien ; d’une élégance remarquable mais sans excès, toujours propret, stylé jusque dans l’écriture, discret et affable dans ses relations avec les autres. Je pourrais dire comme un de ses oncles l’a dit ailleurs, en d’autres circonstances, qu’ « en homme d’honneur, il était soucieux de style, et en homme d’action, soucieux de résultats »
Car, Ciré était aussi un homme d’action. Le fameux « himmé » expression poular qui signifie à la fois détermination, énergie et engagement, constituait un de ses traits de caractères, mieux, comme sa principale caractéristique. C’est d’ailleurs une expression qui sortait souvent de sa bouche quand, en père, grand frère ou cousin, il gourmandait ou conseillait ses proches. Il a ainsi fortement pesé dans ma décision d’aller au pèlerinage à La Mecque en 2010, en m’enjoignant, sur le ton quelque peu sévère qui était souvent le sien, de mettre du « himmé » à ce projet, citant un hadith fort à propos à cette occasion…Ciré était un homme résolu, qui s’est toujours activement engagé pour les grandes causes.
Homme d’action, il l’aura été jusqu’à la fin. La veille de la survenue brutale de la maladie qui devait l’emporter, il participait à une réunion du comité des Assises Nationales. À cette occasion d’ailleurs, semble-t-il, il aurait eu une attitude et des propos d’adieu particulièrement prémonitoires.
Son frère utérin, le Dr Daha KANE, en témoin privilégié, a raconté comment, dès son plus jeune âge, Ciré LY, son exemplaire du Coran sous le bras, allait se recueillir sur la tombe de leur mère, partie dans sa verdeur, avant même que la plus jeune de ses enfants n’ait été sevrée…Le Coran, il l’a porté toute sa vie, partout et toujours, comme un viatique, physiquement comme virtuellement.
En homme d’action, Ciré a d’abord été le président fondateur de la turbulente AMEAN (Association Musulmane des Étudiants d’Afrique Noire) devenue plus tard AMEA (le « noire » ayant été fort opportunément jugé inopportun !). Les tribunes que lui offraient alors « Vers l’Islam », ainsi que d’autres périodiques protestataires de l’époque, lui donnèrent l’occasion, avec la belle plume qu’on lui connaît, de dénoncer les nombreuses injustices et exactions de l’ère coloniale finissante, particulièrement envers les musulmans. Il fut désigné par ces mêmes autorités coloniales pour représenter l’AMEA au pèlerinage à la Mecque en 1954 : il n’avait que 25 ans. Durant la même période épique, il fit paraître son « Christianisme ou Islam : à la recherche d’une attitude religieuse valable». Cet opuscule à la fois philosophique et théologique, qui témoigne déjà à l’époque de l’ouverture d’esprit et de la tolérance de l’auteur était devenu mon livre de chevet durant une bonne partie de mon adolescence (avec « l’Aventure Ambigüe » et « Le Coran/Garnier Flammarion). Rarement un ouvrage m’aura autant frappé par sa densité, par sa précision, mais aussi par l’approche méthodique qui, compare, « pièce par pièce » les 2 plus grandes religions révélées. Suivirent « A la mère des Cités », « Où va l’Afrique ? », « la légende de Saikou Oumar TALL », «L’islam et la science », « Le message de Seydi El Hadj Malick SY », « le coran et les Sciences Positives Modernes », « l’Islam et la crise sénégalaise », « Pèlerinage et visite pieuse : Makkah Madina », puis, raboutant sa plume, son dernier ouvrage, recueil sur une trentaine d’années de divers articles parus dans la presse, « Consciences musulmane et voix citoyenne ».
Tous ces essais sur différents sujets, ont bien entendu eu pour épicentre l’Islam, que l’auteur plaçait au centre de son militantisme. Après plusieurs années de combat acharné pour sa reconnaissance en ONG, Action de Solidarité Islamique vit enfin le jour en 1985.
Notre Seigneur ayant dit « Rivalisez dans les bonnes actions » (), Ciré, avec des compagnons de très grande qualité, travailleur infatigable, déployant des efforts qui n’étaient plus de son âge, une expertise qu’on pensait réservée aux spécialistes de santé publique, un acharnement témoin de son « himmé », a pu obtenir des financements conséquents pour mettre en œuvre les interventions de l’ASI à Podor en particulier, son « pays » natal dont il parlait avec une certaine nostalgie. « Rivalisant dans les bonnes actions » avec certaines ONG qui se croyaient en terrain conquis, ASI a pu s’imposer et développer des actions de santé communautaire dans le district sanitaire de Podor, en particulier dans la CR de Guédé Village. D’autres actions de santé publique sont également à l’actif d’ASI, dont la création de dispensaires à Thiès et Dakar.
Homme d’action mais aussi de style, Ciré aimait le Beau et le Bien. Il savait offrir avec élégance, dans la discrétion. Il offrait aux puissants comme aux plus humbles. Il se plaisait à offrir, et il le faisait de fort belle manière, à la fois avec magnanimité et humilité.
Nous ne te pleurerons pas dédé Ciré. Nous garderons simplement ton souvenir vivant dans nos mémoires. Par ton comportement, tu as su incarner le bon musulman, l’homme que le modeste bédouin d’Arabie, l’envoyé de Dieu, était chargé de promouvoir, grâce à La Parole.
Par tes actes quotidiens, tu as cherché en permanence à te fondre au modèle par Excellence, Muhammad l’Envoyé d’Allah. Puisse Le Tout Puissant te réserver une place de choix auprès d’Al Karim (Le Généreux), comme récompense d’une vie remplie de …générosité.
Dr Issa WONE
Maristes Dakar issawone@yahoo.fr
L’homme en question « vivait » littéralement Le Coran ce jour là, avec le timbre du croyant soumis, avec surtout ce débit accéléré de la voix, cette élocution qui avait tendance à amputer les mots, et dont ses cousins autorisés (enfants de ses oncles maternels) n’ont cessé de se moquer toute sa vie.
L’homme aimait le Coran par dessus tout ; grâce à lui et dans la même période, j’ai eu le privilège, au bloc des médecins de Fann résidence, de voir dans ses œuvres l’un des plus grands lecteurs contemporains du Coran, l’égyptien Mahmoud Khalil Al Hossari. Pendant de bonnes heures, Al Hossari a « vécu » le coran avec nous, la tête en perpétuel mouvement, évoquant une athétose, respirant profondément pendant les longues tirades, observant de longues pauses tout de suite après…J’ai compris ce jour là que Le Coran ne se chante pas. Il se respire, se scande, se déclame, plus qu’il ne se psalmodie. En un mot, le coran se vit !
Dédé Ciré est donc parti. Pendant plusieurs jours, la maison mortuaire ne désemplissait pas ; comme depuis ma plus tendre enfance quand j’allais chez dédé Ciré, la voix envoutante d’Al Hossari a encore empli les lieux, des jours durant.
Il est difficile de parler d’un homme qu’on a connu de si près et de si loin à la fois. Il me semble plus facile de parler du musulman que j’ai connu. Parce que nous aspirons à devenir des croyants sincères, chevillés aux valeurs de l’islam authentique, dépouillé des superstitions et contre valeurs insidieusement inoculées par Sheytan.
Ar Rahman, dans un autre verset, nous apprend aussi, sous la forme d’une interrogation positive : « quelle est la rétribution du bien, sinon le bien ? »
Le Dr Ciré LY savait chercher le bien où qu’il puisse être, et se l’approprier.
Le bien dans la posture, l’habillement et le maintien ; d’une élégance remarquable mais sans excès, toujours propret, stylé jusque dans l’écriture, discret et affable dans ses relations avec les autres. Je pourrais dire comme un de ses oncles l’a dit ailleurs, en d’autres circonstances, qu’ « en homme d’honneur, il était soucieux de style, et en homme d’action, soucieux de résultats »
Car, Ciré était aussi un homme d’action. Le fameux « himmé » expression poular qui signifie à la fois détermination, énergie et engagement, constituait un de ses traits de caractères, mieux, comme sa principale caractéristique. C’est d’ailleurs une expression qui sortait souvent de sa bouche quand, en père, grand frère ou cousin, il gourmandait ou conseillait ses proches. Il a ainsi fortement pesé dans ma décision d’aller au pèlerinage à La Mecque en 2010, en m’enjoignant, sur le ton quelque peu sévère qui était souvent le sien, de mettre du « himmé » à ce projet, citant un hadith fort à propos à cette occasion…Ciré était un homme résolu, qui s’est toujours activement engagé pour les grandes causes.
Homme d’action, il l’aura été jusqu’à la fin. La veille de la survenue brutale de la maladie qui devait l’emporter, il participait à une réunion du comité des Assises Nationales. À cette occasion d’ailleurs, semble-t-il, il aurait eu une attitude et des propos d’adieu particulièrement prémonitoires.
Son frère utérin, le Dr Daha KANE, en témoin privilégié, a raconté comment, dès son plus jeune âge, Ciré LY, son exemplaire du Coran sous le bras, allait se recueillir sur la tombe de leur mère, partie dans sa verdeur, avant même que la plus jeune de ses enfants n’ait été sevrée…Le Coran, il l’a porté toute sa vie, partout et toujours, comme un viatique, physiquement comme virtuellement.
En homme d’action, Ciré a d’abord été le président fondateur de la turbulente AMEAN (Association Musulmane des Étudiants d’Afrique Noire) devenue plus tard AMEA (le « noire » ayant été fort opportunément jugé inopportun !). Les tribunes que lui offraient alors « Vers l’Islam », ainsi que d’autres périodiques protestataires de l’époque, lui donnèrent l’occasion, avec la belle plume qu’on lui connaît, de dénoncer les nombreuses injustices et exactions de l’ère coloniale finissante, particulièrement envers les musulmans. Il fut désigné par ces mêmes autorités coloniales pour représenter l’AMEA au pèlerinage à la Mecque en 1954 : il n’avait que 25 ans. Durant la même période épique, il fit paraître son « Christianisme ou Islam : à la recherche d’une attitude religieuse valable». Cet opuscule à la fois philosophique et théologique, qui témoigne déjà à l’époque de l’ouverture d’esprit et de la tolérance de l’auteur était devenu mon livre de chevet durant une bonne partie de mon adolescence (avec « l’Aventure Ambigüe » et « Le Coran/Garnier Flammarion). Rarement un ouvrage m’aura autant frappé par sa densité, par sa précision, mais aussi par l’approche méthodique qui, compare, « pièce par pièce » les 2 plus grandes religions révélées. Suivirent « A la mère des Cités », « Où va l’Afrique ? », « la légende de Saikou Oumar TALL », «L’islam et la science », « Le message de Seydi El Hadj Malick SY », « le coran et les Sciences Positives Modernes », « l’Islam et la crise sénégalaise », « Pèlerinage et visite pieuse : Makkah Madina », puis, raboutant sa plume, son dernier ouvrage, recueil sur une trentaine d’années de divers articles parus dans la presse, « Consciences musulmane et voix citoyenne ».
Tous ces essais sur différents sujets, ont bien entendu eu pour épicentre l’Islam, que l’auteur plaçait au centre de son militantisme. Après plusieurs années de combat acharné pour sa reconnaissance en ONG, Action de Solidarité Islamique vit enfin le jour en 1985.
Notre Seigneur ayant dit « Rivalisez dans les bonnes actions » (), Ciré, avec des compagnons de très grande qualité, travailleur infatigable, déployant des efforts qui n’étaient plus de son âge, une expertise qu’on pensait réservée aux spécialistes de santé publique, un acharnement témoin de son « himmé », a pu obtenir des financements conséquents pour mettre en œuvre les interventions de l’ASI à Podor en particulier, son « pays » natal dont il parlait avec une certaine nostalgie. « Rivalisant dans les bonnes actions » avec certaines ONG qui se croyaient en terrain conquis, ASI a pu s’imposer et développer des actions de santé communautaire dans le district sanitaire de Podor, en particulier dans la CR de Guédé Village. D’autres actions de santé publique sont également à l’actif d’ASI, dont la création de dispensaires à Thiès et Dakar.
Homme d’action mais aussi de style, Ciré aimait le Beau et le Bien. Il savait offrir avec élégance, dans la discrétion. Il offrait aux puissants comme aux plus humbles. Il se plaisait à offrir, et il le faisait de fort belle manière, à la fois avec magnanimité et humilité.
Nous ne te pleurerons pas dédé Ciré. Nous garderons simplement ton souvenir vivant dans nos mémoires. Par ton comportement, tu as su incarner le bon musulman, l’homme que le modeste bédouin d’Arabie, l’envoyé de Dieu, était chargé de promouvoir, grâce à La Parole.
Par tes actes quotidiens, tu as cherché en permanence à te fondre au modèle par Excellence, Muhammad l’Envoyé d’Allah. Puisse Le Tout Puissant te réserver une place de choix auprès d’Al Karim (Le Généreux), comme récompense d’une vie remplie de …générosité.
Dr Issa WONE
Maristes Dakar issawone@yahoo.fr
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