Si les chiffres montrent une réelle avancée dans la lutte contre le sida, ils cachent trop souvent une dure réalité. Les nouvelles infections, chiffre-clé pour un véritable recul de la maladie, ont baissé d’un tiers depuis le début des années 2000, mais là encore l’inégalité est forte. Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, l’objectif de réduire le nombre des contaminations ne pourra être atteint.
Les observations de cette année montrent que le monde est parvenu à un véritable tournant en atteignant le début de la fin du sida. Si des progrès remarquables ont permis à 26 pays de réduire de moitié leurs nouvelles contaminations, ils ne doivent pas masquer qu’à l’opposé, les populations marginalisées connaissent, elles, une augmentation des infections.
Une meilleure prise en charge avec un dépistage précoce et une mise sous traitement rapide doit rester une priorité dans le Nord comme au Sud. La sensibilisation et l’information destinées aux jeunes vivants en Afrique subsaharienne reste un enjeu primordial dans la lutte contre le sida. D’autant que l’épidémie du virus Ebola sévissant en Afrique de l’Ouest dérègle les systèmes de santé, car même si l’accès aux soins reste possible, les personnels de santé sont largement touchés. Une course contre la montre a débuté afin que le fléau du sida ne reprenne le dessus.
- France : les seniors se sentent peu concernés par le sida
Les seniors français divorcent, se remarient et ont souvent plusieurs partenaires sexuels. Et pourtant, ils ne se sentent pas concernés par le sida. Bien qu'ils s'estiment suffisamment informés sur le sujet, ils croient que le VIH est une affaire de jeunes, d'homosexuels et de drogués. Telle est la conclusion de l'enquête réalisée tout récemment par OpinionWay à l'initiative du laboratoire Janssen, très impliqué dans la lutte contre le sida. Les enquêteurs ont interrogé 1 300 personnes âgées de plus de 50 ans. 80 % d'entre elles ne se sentent aucunement menacées par le sida. Inconscientes du danger, elles ne se protègent pas et ne se dépistent pas.
« Je crois que l’arrivée des multithérapies et les bons résultats qu’on obtient avec ces multithérapies ont conduit à banaliser l’image du sida, tente d’expliquer le professeur Gilles Pialoux, médecin infectiologue à l'hôpital Tenon à Paris. On oublie que si la mortalité s’est cassée au milieu des années 90, on a encore une mortalité qui existe et des personnes qui sont non dépistées, non traitées et n'ont pas les outils de prévention adaptés au fait d’être séropositif. »
Conséquence : les seniors risquent de découvrir leur séropositivité très tard, quand la maladie est déjà avancée. Le traitement devient alors bien compliqué. « C’est plus compliqué parce que plus vous prenez le système immunitaire bas, moins vous avez de facilité à le remonter, détaille le professeur Gilles Pialoux. Et deuxièmement parce que le déficit immunitaire, qui a déjà été installé, a déjà fait un certain nombre de désordres, d’effets sur le système endocrinien, rénal, neurocognitif. On voit maintenant des gens qui arrivent avec un sida qui ressemble au sida des années 80. C’est très difficile à réparer et vous réparez partiellement. » Entre 2003 et 2012, la proportion des seniors dépistés séropositifs est passée de 12 à 18 %.
- Afrique du Sud : priorité à la prévention des moins de 24 ans
L’Afrique du Sud est l’un des pays les plus touchés au monde. 6,4 millions de Sud-africains vivent avec la maladie. C’est quasiment 10% de la population. Aujourd’hui une des priorités des associations de lutte dans le Sida est la prévention chez les moins de 24 ans. L’année dernière, 11 000 adolescents sont décédés du VIH/ sida. La maladie est la principale cause de mortalité chez les jeunes.
Nsoake a 19 ans. Elle a découvert qu’elle était séropositive il y a quelques mois après avoir contracté la tuberculose. Elle ne voulait pas se faire dépister : « J’avais peur de ce qu’allaient dire les gens. Seule ma famille est au courant, mais pas la plupart de mes amis. »
Les jeunes ont peur de se faire dépister et que leur famille ne les mette à la porte. A côté d’elle, une copine de 18 ans, également séropositive. Elle va à la clinique en cachette, ses parents ne sont pas au courant. Toutes deux n’utilisaient pas de préservatifs, comme beaucoup de leurs copines. « Les garçons préfèrent les relations peau à peau », disent-elles avec un sourire gêné.
Pour les associations, la prévention chez les adolescents est une priorité. La majorité n’utilise pas de préservatif, a des rapports avec des hommes plus âgés et ne se fait pas dépister. Pour Sibongile Tshabalala, de l’association TAC, il faut faire de la prévention dans les écoles. « Si une fille va à l’école enceinte, ça veut dire qu’elle ne se protège pas. On sait qu’il se passe des choses dans les écoles, il y a eu tellement de cas de viols, de cas d’enseignants qui ont des rapports avec leurs élèves, détaille-t-elle. Il faut qu’ils mettent des préservatifs dans les écoles, au moins dans leurs toilettes. » Les associations estiment que 139 000 adolescents sont infectés chaque année.
- Bénin: les camionneurs cible de l’Organisation du Corridor
Depuis 10 ans, l’Organisation du Corridor Abidjan-Lagos intervient aux huit frontières entre le Nigeria et la Côte d’Ivoire. 47 millions de personnes circulent chaque année sur cet axe qui relie deux pays à forte prévalence. Le projet Corridor, principalement financé par le Fonds mondial contre le sida, joue un grand rôle dans la prévention auprès des prostituées, des migrants et des routiers.
Kader Balogoun est chauffeur, il peut aller du Nigeria au Ghana. C’est au parc où il gare son camion parfois pendant plusieurs jours qu’il a été sensibilisé par d’autres routiers formés par le projet Corridor. « Avant, quand le Corridor n’existait pas, le sida se promenait partout. C’est nous qui sommes des routiers qui prenons des maladies pour les faire entrer dans les autres pays, admet Kader Balogoun. C’est pourquoi s’ils nous en parlent tous les jours, nous sommes contents. Ils nous apprennent et nous après on en parle à nos camarades. »
De chaque côté de la frontière, il y a un centre d’information et de dépistage. On y trouve des préservatifs gratuits. Michaël Williams, camionneur nigérian, fait le plein régulièrement. « C’est quand j’ai commencé à traverser la frontière que j’ai commencé à utiliser le préservatif et maintenant, j’en mets tout le temps, affirme-t-il. Il y en dans mon camion. Si je sors et que je n’en ai pas dans les poches, je reviens en chercher. »
La prévention porte ses fruits, mais pour Idrissa Koné, secrétaire exécutif de l’Organisation du Corridor Abidjan-Lagos, elle doit être permanente : « 80 % des camionneurs rapportent avoir utilisé systématiquement un préservatif lors de leurs rapports occasionnels. Ca reste un combat perpétuel. Il y a un renouvellement permanent au niveau des camionneurs, des apprentis. Donc il faut toujours sensibiliser, puisqu’il y a toujours un risque. » Entre janvier et juin, le projet Corridor a distribué plus de 4 millions de préservatifs et dépisté 85 000 personnes sur les huit frontières.
- Ouganda : une situation en dégradation selon les derniers chiffres
L’Ouganda a enregistré près de 20 ans de progrès dans la lutte contre le VIH, principalement grâce à une campagne de sensibilisation agressive essentiellement axée vers l’abstinence, la monogamie et l’usage du préservatif. Mais d’après une enquête publiée en 2011, restée une référence en la matière, le taux de prévalence est passé de 6,4 % en 2005 à 7,3 % en 2011, alors même que les capitaux américains affluaient dans le pays pour lutter contre l’épidémie.
Plusieurs facteurs expliquent ce pas en arrière selon les spécialistes : le désengagement relatif des autorités après la forte mobilisation des premières années, le manque d’accessibilité des moyens de prévention notamment le préservatif, mais aussi la stigmatisation des groupes les plus à risque, tels les homosexuels ou les prostituées.
Enfin, une loi promulguée en août criminalise désormais la transmission volontaire du VIH. Les associations de défense des droits de l’homme craignent que ce texte en stigmatisant les personnes vivant avec le VIH décourage les Ougandais à se faire dépister ou même soigner.
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