« L'éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde.» Nelson MANDELA
Il me plait, à la suite de l’expiration de l’ultimatum du Comité du Dialogue Social/Secteur Education-Formation (CDS/SEF) lancé aux acteurs de l’école, au cours de sa 5e session ordinaire tenue à Saly, pour la finalisation et de la signature du protocole d’accords entre Gouvernement et syndicats d’enseignants, de revenir sur les conclusions des ces importantes assises, de dresser la méthodologie et le déroulement des négociations, de comprendre les points d’achoppement et de formuler des propositions en vue d’installer une paix durable dans l’espace scolaire.
I- Les longues séries de négociations
Voilà bientôt deux ans qu’au milieu d’une année scolaire tumultueuse en proie à une longue grève des enseignants, accentuée par l’indifférence du gouvernement d’alors, plus préoccupé par des questions électorales que par la destinée de l’école publique sénégalaise, le Cadre Unitaire des Syndicats d’Enseignants (CUSE) décidait de suspendre son mot d’ordre de grève en mi-février 2012, de participer au réaménagement du calendrier scolaire et à l’organisation des examens. Les promesses et engagements des actuels tenants du pouvoir avaient entre autres raisons fini de convaincre des organisations comme la nôtre à sauver une année scolaire que tous les observateurs avertis qualifiaient de déjà perdue. De juillet 2012 à ce jour, les syndicats d’enseignants se sont engagés avec les gouvernants actuels dans des négociations interminables.
A la séance d’ouverture des négociations tenue le 13 juillet 2012, la délégation gouvernementale, sous la conduite du Ministre de la Fonction publique, du Travail, du Dialogue social et des Organisations professionnelles, a présenté aux partenaires sociaux un document de travail comprenant trois rubriques : accords réalisés, accords en cours d’étude et questions nouvelles. L’assemblée plénière, après avoir passé en revue le document, a mandaté une commission bipartite pour sa stabilisation.
Réunie le mercredi 18 juillet 2012, la commission, au terme de ses travaux, a proposé un document stabilisé comportant quatre rubriques : accords réalisés, accords en cours de réalisation, accords en cours d’étude et questions nouvelles. Aussi elle a réparti les questions nouvelles dans les différentes commissions.
La 2e séance plénière a validé, le 27 juillet 2012, le rapport de la commission bipartite relatif à l’inventaire des différents points de revendications introduits par les syndicats et répartis entre les commissions «Statut et carrière», «Finances», «Pédagogique» et « Habitat». En outre, il a été demandé à chaque commission d’examiner les points stabilisés et de faire des propositions en direction de la prochaine plénière. C’est ainsi que les 31 juillet et 7 août, les séances de travail des Commissions ont eu lieu autour des ministères concernés conformément au mandat issu de la deuxième plénière. Chaque commission a examiné les points de revendications qui lui avaient été soumis.
A la 3e séance plénière de négociations du 5 octobre 2012, alors que la partie syndicale s’attendait à des arbitrages sur les questions qui n’ont pas fait l’objet de consensus lors des travaux des commissions, le gouvernement a préconisé la mise en place d’une Inter-commission bipartite chargée de réexaminer de manière approfondie les points revendicatifs contenus dans les quatre rapports des commissions. Après une série de réunions organisées les 17, 23 et 30 octobre et les 6 et 13 novembre 2012, sous la présidence du Directeur général de la Fonction publique, en présence des représentants des ministères concernés et des plénipotentiaires des syndicats d’enseignants, l’Inter-commission est parvenue aux conclusions déclinées dans un rapport général. Pour étudier ces conclusions et formuler des recommandations visant à accélérer le processus de leur mise en œuvre, le CUSE a organisé une journée d’étude le mardi 27 novembre 2012.
Mais il a fallu attendre le 13 mars 2013 pour que la 4e séance plénière soit convoquée. Sans doute, le Ministère de la Fonction publique était plus préoccupé par le déroulement de l’audit physique et biométrique des agents de l’Etat initié en cette période. Malheureusement, cette rencontre tant attendue ne parviendra pas à décrisper la situation. En effet, le gouvernement, en se refusant à formuler des propositions acceptables sur les questions nouvelles et en tardant à concrétiser les points d’accord des différents protocoles et à boucler les négociations, s’écartait de la voie qui mène à une année scolaire paisible. A noter que ce fiasco, qui a conduit la partie syndicale à se retirer de la concertation, est la résultante de l’impréparation et du manque d’harmonisation dont a fait montre la délégation gouvernementale. Dans le même temps, les syndicats d’enseignants, regroupés dans le grand cadre et plus que déterminés, déroulent leur 1er plan d’action en observant une grève les 19 et 20 mars 2013.
Pour corriger les maladresses notées au cours de la dernière rencontre, le gouvernement a convoqué la 5e séance plénière le 22 mars 2013. Cette fois, le Ministre de la Fonction Publique, a tenu à préciser que le Gouvernement a fini d’approfondir la réflexion sur les revendications des enseignants et a proposé notamment:
1. Valider aux 2/3 les années de volontariat, de vacation et de contractualisation des enseignants titularisés comme fonctionnaires sans paiement de rappels, avec un différé d’un an.
2. Faire une étude sur les systèmes de motivations et de rémunérations des agents de l’Etat pour donner suite aux revendications portant sur les éléments de salaires (indemnités de logement, indemnité documentaire compensatoire de surcharge horaire, prime scolaire, indemnités des Inspecteurs de l’Enseignement Moyen et Secondaire, etc.). Toutefois, le principe d’annualiser le salaire des vacataires est accepté.
3. Poursuivre l’immatriculation des MC et des PC au niveau de l’IPRES (23 499 agents ont été déjà immatriculés).
4. Attendre le vote des nouvelles lois sur l’enseignement supérieur pour l’application des réformes sur la Formation déconcentrée, les Passerelles professionnelles et les Corps des administrateurs scolaires.
Le Gouvernement, se bornant à ces propositions, refuse d’accéder à la demande des syndicats qui souhaitait un peu plus d’effort pour parvenir à la pacification de l’espace scolaire. Néanmoins, ces derniers demandent une suspension de séance en vue d’étudier ces nouvelles propositions.
Toujours est-il que le grand cadre des syndicats d’enseignants, faisant preuve de bonne volonté et privilégiant le dialogue et la concertation, transmis par lettre en date du 22 avril 2013 transmis au gouvernement une fiche technique contenant la plateforme minimale composée de onze (11) points et les attentes des organisations syndicales de l’enseignement en perspective de la prochaine séance. Il y a lieu de signaler que cette plateforme a été déclinée avec des indications précises sur les niveaux d’exécution et de blocage, les actions à initier et les échéances. En conséquence, les syndicalistes attendaient des réponses concrètes du gouvernement sur l’ensemble des questions inscrites constituées en majorité d’accords déjà signés. Mais au cours de la 6e séance plénière du 29 avril 2013, le gouvernement s’est limité aux propositions qu’il avait déjà formulées auparavant sans aucune précision sur les délais d’exécution.
Consciente que la mobilisation et la détermination demeurent des voies incontournables pour préserver les acquis du mouvement syndical et stabiliser l’espace scolaire, la Coalition des Syndicats d’Enseignants décrète des journées de débrayage et de grève totale les 14, 22, 28 et 29 mai 2013 dans le cadre de leur 2e plan d’action. En plus des manifestations organisées à l’intérieur du pays, une Marche nationale le mardi 28 mai 2013 à Dakar.
La Coalition des Syndicats d’Enseignants réunie le jeudi 30 mai 2013, à l’effet d’évaluer le deuxième plan d’actions et de dégager de nouvelles perspectives pour la satisfaction de sa plate forme minimale, constate une fois encore le mépris du gouvernement. Toujours est-il que le grand cadre, fort de la dynamique de lutte antérieure, lance son 3e plan d’action qui s’articule comme suit : débrayage le mardi 04 juin à partir de 10 heures et grève totale les mercredi 05 et jeudi 06 juin 2013. Au surplus les syndicalistes recommandent à tous leurs camarades militants de l’école sénégalaise d’observer scrupuleusement le mot d’ordre de la rétention des notes et des informations administratives dans toutes les institutions scolaires.
Finalement, le mardi 25 juin 2013, le Ministre de l’Education nationale rencontre les représentants des organisations syndicales pour échanger sur la situation scolaire. Cette rencontre fait suite à celle du 06 mai 2013, au cours de laquelle il avait été proposé aux organisations syndicales, soit de mettre à la disposition du Ministère leur évaluation du coût de la revendication portant sur la validation des années de volontariat, de vacation, et de contractualisation, ou de procéder à cette évaluation en liaison avec les services compétents du Gouvernement. Les deux parties ont convenu d’examiner les onze points contenus dans la plateforme minimale, d’explorer ensemble des pistes de solutions et de soumettre les conclusions à l’attention de Monsieur le Premier ministre.
Réunis en séance plénière ce mercredi 26 juin 2013, les Secrétaires généraux de la Coalition des Syndicats d’Enseignants, après avoir procédé à l’analyse approfondie de la situation de l’école sénégalaise ont décidé de suspendre provisoirement le mot d’ordre et à participer aux examens de fin d’année tout en demandant au Gouvernement d’apporter, dans les plus brefs délais, des réponses appropriées aux revendications justes et légitimes, notamment celles contenues dans la plateforme minimale. Cette décision a été motivée d’une part, par les conclusions issues de la dernière rencontre avec le Ministre de l’Education et les avancées notées relativement à la validation des années de volontariat, de vacation et de contractualisation, à l’annualisation du salaire des vacataires, aux diverses indemnités ainsi qu’aux lenteurs administratives ; d’autre part à l’appel solennel du Président de la République à tous les acteurs du système éducatif pour un dépassement dans l’intérêt exclusif de l’école.
Ces événements se déroulèrent dans un contexte marqué par la visite du Président B. OBAMA au Sénégal…
Le vendredi le 05 juillet 2013, le Ministre reçoit à nouveau les représentants des syndicats d’enseignant pour leur faire le compte rendu de l’audience avec Monsieur le Premier ministre qui s’est déroulée en présence des représentants des ministères impliqués dans les négociations. Il ressort de la réunion que toutes les conclusions issues de la rencontre du 25 juin 2013 ont été validées. Dès lors, on s’acheminait logiquement vers la rédaction du protocole d’accord. Le comité mis en place à cet effet se réunit pour décliner le rapport général de l’inter commission et les conclusions de la plateforme en projet de protocole d’accord
La 7e session plénière a été convoquée le 23 août 2013 pour la signature du protocole d’accord. Cependant, la mouture présentée fera l’objet d’amendements. La commission de rédaction du protocole conformément au mandat de la séance plénière s’est réunie les 30 août et 24 septembre 2013 pour finaliser le document. Ce dernier qu’on croyait définitif a hélas fait l’objet de réserves émises par une partie de la délégation gouvernementale ; ce qui retarde sa signature. Au cours de cette dernière rencontre, la délégation syndicale a tenu à marquer son accord à la mouture qui lui a été présentée et a sollicité la convocation de la séance plénière en vue de procéder à la signature du protocole avant la rentrée des classes et la tenue de la 5e session du CDS/SEF. Lorsque que les acteurs se sont retrouvés à Saly pour réfléchir sur les conditions de pacification de l’espace scolaire, ils ont recommandé principalement la signature du protocole avant fin novembre. Le 29 novembre 2013, le Ministre de l’Education a convié les secrétaires généraux de syndicat d’enseignants, en présence d’autres partenaires sociaux autour d’échanges d’informations sur la rentrée scolaire. Interpellé sur le protocole, le Ministre a déclaré qu’il reste attaché à la ligne définie ensemble lors de la rencontre du 05 juillet 2013.
L’échéance a expiré hélas sans que le protocole d’accord ne soit signé.
Malgré l’engagement réitéré de la tutelle et les directives du Premier Ministre Abdou MBAYE, il y a encore des blocages qui nous amènent à nous poser des questions. Le principe de collégialité du Gouvernement est-il toujours en vigueur ? Pourquoi tarde-t-on à exécuter les arbitrages du Premier Ministre ? En tout état de cause le nouveau Premier Ministre est interpellé.
II- Le point d’achoppement : la validation
Nous voudrions rappeler au Gouvernement que la neutralité étant un des piliers de la Fonction publique, il ne peut refuser aux fonctionnaires ce qu’il a accepté pour les décisionnaires alors que nombreux sont les jeunes enseignants qui ont fait un long et pénible parcours avant d’accéder à ces statuts.
En 1992, pour pallier la pénurie d’enseignants notamment dans le moyen-secondaire, le Gouvernement du Sénégal, de façon cavalière, a initié la politique de recrutement de professeurs vacataires. Des enseignants sont recrutés sur la base d’un diplôme académique et envoyés dans les classes sans formation initiale. Payés à l’heure, n’ayant aucun contrat et ne bénéficiant d’aucune indemnité, le vacataire est souvent muté dans des zones reculées, sans assistance aucune pour servir de bouche-trou. En 1995, M. Mamadou Ndoye, alors Ministre de l’Education de base inventa le volontariat comme mode de recrutement complémentaire d’enseignants de l’élémentaire.
La signature du décret 99-908 du 13 septembre 1999 fixant les conditions générales d’emploi et de rémunération des maîtres contractuels, modifié sonne comme le début de l’expression d’une volonté de formalisation et de légalisation d’une politique essayiste et non concertée aux antipodes de la légalité et de la promotion d’une école de qualité. Les décrets 2002-78 du 29 janvier 2002 et 2002-1055 du 25 octobre 2002, modifiés fixant respectivement les conditions générales d’emploi et de rémunération des professeurs contractuels, et contractuels chargés de cours apparaissent, avec la transformation de l’ENS en FASTEF et l’érection de plusieurs Ecoles de formation des instituteurs et institutrices (EFI), comme le dernier dispositif pour enterrer définitivement les principes réglementaires de recrutement d’emploi et de rémunération des personnels enseignants. Dans les Universités et les centres universitaires, le nombre de vacataires augmentait sans cesse ! Ainsi, ce qui était une exception est devenu la règle. Désormais, le seul moyen d’entrer dans l’enseignement reste le « volontariat » ou la vacation. La réalité des chiffres le démontre parfaitement. Au total, le nombre virtuel de MC et de PC s’élevait à 49 396 dont plus de 18 000 étaient encore en projet de contrat et 6882 ont été déjà intégrés[i]. Ce qui représente plus de 60 % du personnel enseignant.
Les salaires alloués aux corps émergents (CE) allaient du tiers à la moitié du salaire versé à leurs collègues titulaires pour le même travail, dans les mêmes conditions. Pourtant, la recommandation OIT-UNESCO concernant la condition du personnel enseignant (5 octobre 1966) Titre 10, Paragraphe 119 énonce : « Les différences de traitement devraient être fondées sur des critères objectifs, tels que les qualifications, l’ancienneté ou le degré de responsabilité, mais la différence entre le traitement le plus bas et le traitement le plus élevé devrait être maintenue dans des limites raisonnables ».
Acquérir le statut de fonctionnaire relevait d’un parcours du combattant pour le jeune enseignant qui embrasse cette profession. Dans l’élémentaire, il fallait faire quatre ans, puis trois et finalement deux ans de mercenariat, j’allais dire volontariat, avant d’être versé automatiquement dans le corps des maîtres contractuels. Ces derniers pour être titularisé devaient passer avec succès un diplôme professionnel CAP ou CEAP et se soumettre à la loi des quotas. Dans le moyen- secondaire le schéma est quasi- identique. Après deux ans de vacation, l’enseignant est automatiquement versé dans le corps des Professeurs Contractuels –PC- ou Contractuels Chargé de Cours –CCC- Après une formation diplômante conditionnée par les capacités de l’ENS et l’ancienneté dans la vacation, entre autres, le PC qui passait avec succès son diplôme professionnel était soumis à la loi des quotas pour prétendre à un reclassement. De dures conditions d’étude et de travail qui leur sont imposées. Un grand nombre de reclassés ont fini par devenir des décisionnaires pour des questions d’âges. Pour ceux qui n’ont pas réussi leur examen professionnel, un plan de carrière en 12 catégories leur est confectionné pour faire carrière dans le corps des contractuels ; ce qui est un paradoxe.
En matière de sécurité sociale, le niveau de traitement offert aux CE était de loin inférieur au niveau requis par la recommandation concernant la condition du personnel enseignant. Leur situation matrimoniale n’était même pas prise en compte pour qu’ils puissent bénéficier d’allocations familiales ou d’un allègement d’impôts. Les fonds prélevés sur les salaires de nos camarades aux titres des cotisations à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (IPRES) et à la Caisse de Sécurité Sociale (CSS) et qui n’étaient jamais intégralement versées, ou avec beaucoup de retard, posent le problème de l’usage qui en était fait.
La fonction enseignante n’était plus attractive : on ne devient plus enseignant mais on finit enseignant.
Notre expérience commune de vacataire de l’éducation nous aura ouvert les yeux sur les conditions exécrables d’existence et de travail imposées aux CE. Aujourd’hui encore, on se souvient des journées entières passées à faire la queue pour percevoir, nos maigres pécules. On se rappelle nos attentes anxieuses d’un salaire qui tombait bien après le 10 du mois, nos reliquats de vacataires toujours en deçà de nos attentes, nos relations heurtées avec certains chefs d’établissement et autres inspecteurs qui voyaient en notre manque de formation une opportunité pour exercer leur diktat.
L’histoire aura retenu que dans la décennie 1992-2002, le génie de la classe dirigeante du pays aura créé une nouvelle race d’enseignants communément appelés corps émergents. Des enseignants de seconde zone taillable et corvéable à souhait , de jeunes citoyens qui auront commis la lourde faute, le péché congénital d’être arrivés sur le marché du travail à une époque ou l’obsession narcissique de nos dirigeants à briller sur la scène internationale par des chiffres a pris le dessus sur la nécessité historique de préserver un des piliers de la République : restaurer et préserver l’honneur et la dignité de chaque citoyen.
Dès lors, il importe plus que jamais de méditer cette recommandation de l’UNESCO-OIT concernant la condition du personnel enseignant : « La condition des enseignants devrait être à la mesure des besoins en matière d’éducation, compte tenu des buts et objectifs à atteindre dans ce domaine, afin que ces buts et objectifs soient atteints, il faut que les enseignants bénéficient d’une juste condition et que la profession enseignante soit entourée de la considération publique qu’elle mérite. »
Permettez-nous, au passage, de rendre un vibrant hommage aux pionniers de la vacation, à ceux-là qui dans les années 1990 ont débarqués dans des contrées perdues de l’intérieur du pays muni d’un seul ordre de service, trinquant en silence mais dans la dignité, neuf (09) mois durant sans salaire. Permettez-nous de louer le sens de l’honneur de milliers de volontaires, de vacataires et de contractuels qui ont servi et continuent de servir dans des zones hostiles, loin de leur famille, loin de la civilisation de l’électricité et des TIC. Le dépaysement, les rigueurs du climat, la méconnaissance des réalités culinaires, les longues heures autour d’une lampe tempête le soir sont autant de sacrifices que toutes les Sénégalaises et tous les Sénégalais devraient et apprécier à leur juste valeur. Là encore des gens saignants continuent de saigner en silence.
En vérité, le qualificatif de volontaire est une arnaque, une atteinte grave à la dignité humaine. Nos volontaires de l’éducation ne sont pas des volontaires. Ils ne sont pas des prestataires de service bénévole comme les volontaires de le JICA ou de l’USAID, ils sont des mercenaires de l’éducation sous formés pour être sous-payés. Le vocable de vacataire de l’éducation est un quolibet dévalorisant à la limite péjoratif. Tel un gouffre, il engloutit notre dignité et nous empêche de marcher la tête haute partout ou nous allons. Tous ces maux, cette existence chiche ont sans nul doute conduit à la création des premiers syndicats des Corps Emergents, qui, fort du constat amer que leurs préoccupations spécifiques n’ont pas été prises en compte de manière satisfaisante par les premiers syndicats d’enseignants, ont jugés nécessaire de prendre leur destin en main. C’est dans ce sillage que notre organisation a été portée sur les fonds baptismaux un 04 juin 2005 à Thiès.
Pour cette organisation devenue l’Alliance pour la Défense de l’Ecole Publique et des Travailleurs- ADEPT-depuis le premier congrès ordinaire du 17 septembre 2008, il fallait avoir le courage de reconnaître que la politique des enseignants à bon marché n’a pas donné les résultats escomptés. Le taux brut de scolarisation avait certes fait un bond de 20 points en cinq ans mais la qualité en avait pris un sacré coup. La responsabilité de cet échec était grandement imputable aux décideurs mais nous en étions en partie comptables.
Voilà pourquoi nous avions très souvent invité les autorités à refermer dans les meilleurs délais cette sombre page de notre histoire commune. En clair, l’ADEPT, a de tout temps appelé l’Etat à assurer de meilleurs schémas de formation initiale et continue des enseignants et mettre en place d’un plan de dépérissement des corps émergents. Egalement, nous avons longtemps rejeté le système de rémunération et exige une prise en compte des années de volontariat, de vacation et de contractualisation.
III- Les conditions pour la pacification de l’espace scolaire
L’Ecole publique sénégalaise est fortement secouée par des crises récurrentes malgré les efforts considérables consentis par le peuple sénégalais en termes de réformes ou de budget alloué au secteur. Selon le doyen Youssoufa Wade, « cette situation qui affecte même les valeurs morales et éthiques de notre société appelle de la part de tous les Sénégalais et Sénégalaises, toutes catégories confondues, une nouvelle prise de conscience pour sauver ce qui reste encore possible de l’être [ii]».
Notre école doit absolument sortir de ce cycle chaotique et traumatisant de grèves, de débrayages, de rétention de notes et de boycott d’examens. Pour y arriver, l’ADEPT, ancrée dans sa vocation de défenseur de l’école publique, attachée à la revalorisation de la condition des enseignants et fidèle à sa philosophie de mettre en avant un dialogue sincère et constructif, recommande :
Au Gouvernement de renoncer à la politique de pourrissement, de bannir la communication fondée exclusivement sur la ruse et la manipulation et visant essentiellement à diaboliser les enseignants, et d’aller sans détours vers la signature et la mise en œuvre du protocole d’accord avant la fin du mois pour rester en phase avec les recommandations de Saly V formulées au cours de la 5e session du Comité du Dialogue Social/Secteur Education Formation (CDS/SEF).
Le Gouvernement gagnerait à comprendre que la validation aux deux tiers des années de vacation et de contractualisation avec rappel, en plus d’être une question d’éthique et de justice sociale, reste un impératif pour aller dans le sens d’une trêve. Oui une trêve : cette recommandation ô combien vitale de Saly V.
A l’endroit de nos camarades syndicalistes, nous comprenons les velléités guerrières et les luttes de positionnement des uns et soutenons l’engagement militant des autres. Toutefois, il faut avoir le courage de reconnaître les efforts consentis par le Gouvernement sur le pilotage et la gestion du système et sur bien des points de la plateforme revendicative. On peut noter : la transparence dans le recrutement des personnels enseignants, la mise en œuvre des plans de formation et de dépérissement des corps, l’habitat social, la diligence dans le paiement des salaires et des indemnités, l’annualisation du salaire des vacataires ainsi que l’organisation, pour la première fois, du Baccalauréat Arabe.
Nous voudrions inviter ici les camarades à faire encore des concessions sur les modalités de la prise en charge du rappel qui ne s’éloigneraient certainement pas du sillage de la position exprimée depuis plus d’an et consignée dans le rapport général de l’inter-commission cité plus haut relativement à son consentement à une modulation du paiement des rappels sur deux (2) à trois (3) années. Tout comme l’on pourrait envisager le versement en tenant compte du critère de génération à laquelle l’on nous a habitués.
Au demeurant, cette volonté de pacifier l’espace scolaire a été déjà manifestée à par les organisations syndicales par le biais de leur porte-parole M L DIANTE : « Nous estimons que pour garantir cette paix que nous souhaitons de toutes nos forces dans le secteur de l’éducation et de la formation, il faut remettre les choses à l’endroit. Autrement dit redonner à chaque acteur la place qui est la sienne pour éviter des frustrations inutiles[iii]. »
Par ailleurs, l’ADEPT tient particulièrement à s’appesantir aux questions trop souvent reléguées au second plan et dont la prise en charge efficiente aiderait à éviter bien des frustrations légitimes qui plombent de façon significative le bon fonctionnement du système. Les retards de salaires, les décisions et rappels au titre de reclassement, de validation ou d’avancement et autres indemnités d’examens, les lenteurs administratives en somme constituent un frein à la motivation et au progrès.
Le dépérissement des corps émergents dans le secteur éducation/formation exigé depuis longtemps par notre organisation est en cours. Il reste que cette phase de transition doit être gérée avec réalisme et souplesse tout en préservant l’honneur et la dignité de nos collègues d’où la nécessité de trouver des solutions en vue d’assurer le recrutement des nouveaux sortants des écoles de formation des enseignants. Toutefois, cette situation préoccupante nous inspire un questionnement. Serait-il réellement approprié d’évoque un surplus d’enseignants avec des effectifs allant jusqu’à 75 élèves par classe? L’institution de formation des professeurs devait-elle être érigée en faculté ?
En outre, le respect des principes et normes de la gestion démocratique est une exigence impérieuse. La gestion démocratique doit être préservée en tant qu’acquis fondamental du mouvement syndical mais aussi elle demeure un moyen privilégié d’anticipation sur les conflits.
Il est impossible d’instaurer la paix durable dans l’espace scolaire si l’on ne substitue pas la logique négociation à celle de la confrontation. Dès lors, il apparaît judicieux de renforcer les mécanismes de prévention et de gestion des conflits dans le secteur. En conséquence, les recommandations de Saly V sur la redynamisation du comité de branche doivent être mises en œuvre afin que le nouveau bureau du Comité du Dialogue Social/Secteur Education-Formation CDS/SEF dirigé par Mamadou DIOP « Castro » retrouve la plénitude de ses moyens et qu’il s’investisse constamment à la pacification de l’espace scolaire.
Il est plus impossible encore d’arriver à cette paix si la confiance mutuelle n’est pas restaurée. Ainsi que le recommande le Doyen Bakary BADIANE : « Il faut se mettre les uns les autres en capacité de dépasser les à priori qui existent chez les parents, chez les enseignants, chez les gouvernements[iv] ». Celle-ci passera par la volonté de respecter tous les engagements.
Toutes ces clauses, pour reprendre les propos du Secrétaire général de la CSA se réduisent à une seule : « Les uns et les autres ont l’obligation d’avoir l’intérêt national en ligne de mire. Ainsi une seule philosophie va conduire le fil des dialogues : ne pas exiger l’impossible et ne pas refuser le possible.[v]»
En guise de conclusion, le chaos qui a prévalu sur l’espace scolaire sénégalais depuis plusieurs décennies et qui menace de refaire surface à tout moment peut et doit être éviter. Il y va de la solvabilité du gouvernement et de sa capacité à prévenir et à résoudre les conflits mais aussi de notre crédibilité et notre bonne foi en tant que partenaire. Un nouveau pacte de confiance est nécessaire pour engager les Assises de l’Education qui permettront de poser les jalons d’un système éducatif crédible et performant dans un environnement apaisé. Nous devons méditer sur cette assertion du Ministre de l’Education: « Penser d'abord au citoyen de demain dont on nous a confié l'éducation et la formation est d’abord une responsabilité collective que je considère comme un devoir : le devoir de génération. Nous devons tous aux plus jeunes de les préparer aux mutations du monde et de les doter des aptitudes nécessaires à la construction de leur propre destin, qui doit se traduire par une vie meilleure que celle des générations passées et présente.
Il me plait, à la suite de l’expiration de l’ultimatum du Comité du Dialogue Social/Secteur Education-Formation (CDS/SEF) lancé aux acteurs de l’école, au cours de sa 5e session ordinaire tenue à Saly, pour la finalisation et de la signature du protocole d’accords entre Gouvernement et syndicats d’enseignants, de revenir sur les conclusions des ces importantes assises, de dresser la méthodologie et le déroulement des négociations, de comprendre les points d’achoppement et de formuler des propositions en vue d’installer une paix durable dans l’espace scolaire.
I- Les longues séries de négociations
Voilà bientôt deux ans qu’au milieu d’une année scolaire tumultueuse en proie à une longue grève des enseignants, accentuée par l’indifférence du gouvernement d’alors, plus préoccupé par des questions électorales que par la destinée de l’école publique sénégalaise, le Cadre Unitaire des Syndicats d’Enseignants (CUSE) décidait de suspendre son mot d’ordre de grève en mi-février 2012, de participer au réaménagement du calendrier scolaire et à l’organisation des examens. Les promesses et engagements des actuels tenants du pouvoir avaient entre autres raisons fini de convaincre des organisations comme la nôtre à sauver une année scolaire que tous les observateurs avertis qualifiaient de déjà perdue. De juillet 2012 à ce jour, les syndicats d’enseignants se sont engagés avec les gouvernants actuels dans des négociations interminables.
A la séance d’ouverture des négociations tenue le 13 juillet 2012, la délégation gouvernementale, sous la conduite du Ministre de la Fonction publique, du Travail, du Dialogue social et des Organisations professionnelles, a présenté aux partenaires sociaux un document de travail comprenant trois rubriques : accords réalisés, accords en cours d’étude et questions nouvelles. L’assemblée plénière, après avoir passé en revue le document, a mandaté une commission bipartite pour sa stabilisation.
Réunie le mercredi 18 juillet 2012, la commission, au terme de ses travaux, a proposé un document stabilisé comportant quatre rubriques : accords réalisés, accords en cours de réalisation, accords en cours d’étude et questions nouvelles. Aussi elle a réparti les questions nouvelles dans les différentes commissions.
La 2e séance plénière a validé, le 27 juillet 2012, le rapport de la commission bipartite relatif à l’inventaire des différents points de revendications introduits par les syndicats et répartis entre les commissions «Statut et carrière», «Finances», «Pédagogique» et « Habitat». En outre, il a été demandé à chaque commission d’examiner les points stabilisés et de faire des propositions en direction de la prochaine plénière. C’est ainsi que les 31 juillet et 7 août, les séances de travail des Commissions ont eu lieu autour des ministères concernés conformément au mandat issu de la deuxième plénière. Chaque commission a examiné les points de revendications qui lui avaient été soumis.
A la 3e séance plénière de négociations du 5 octobre 2012, alors que la partie syndicale s’attendait à des arbitrages sur les questions qui n’ont pas fait l’objet de consensus lors des travaux des commissions, le gouvernement a préconisé la mise en place d’une Inter-commission bipartite chargée de réexaminer de manière approfondie les points revendicatifs contenus dans les quatre rapports des commissions. Après une série de réunions organisées les 17, 23 et 30 octobre et les 6 et 13 novembre 2012, sous la présidence du Directeur général de la Fonction publique, en présence des représentants des ministères concernés et des plénipotentiaires des syndicats d’enseignants, l’Inter-commission est parvenue aux conclusions déclinées dans un rapport général. Pour étudier ces conclusions et formuler des recommandations visant à accélérer le processus de leur mise en œuvre, le CUSE a organisé une journée d’étude le mardi 27 novembre 2012.
Mais il a fallu attendre le 13 mars 2013 pour que la 4e séance plénière soit convoquée. Sans doute, le Ministère de la Fonction publique était plus préoccupé par le déroulement de l’audit physique et biométrique des agents de l’Etat initié en cette période. Malheureusement, cette rencontre tant attendue ne parviendra pas à décrisper la situation. En effet, le gouvernement, en se refusant à formuler des propositions acceptables sur les questions nouvelles et en tardant à concrétiser les points d’accord des différents protocoles et à boucler les négociations, s’écartait de la voie qui mène à une année scolaire paisible. A noter que ce fiasco, qui a conduit la partie syndicale à se retirer de la concertation, est la résultante de l’impréparation et du manque d’harmonisation dont a fait montre la délégation gouvernementale. Dans le même temps, les syndicats d’enseignants, regroupés dans le grand cadre et plus que déterminés, déroulent leur 1er plan d’action en observant une grève les 19 et 20 mars 2013.
Pour corriger les maladresses notées au cours de la dernière rencontre, le gouvernement a convoqué la 5e séance plénière le 22 mars 2013. Cette fois, le Ministre de la Fonction Publique, a tenu à préciser que le Gouvernement a fini d’approfondir la réflexion sur les revendications des enseignants et a proposé notamment:
1. Valider aux 2/3 les années de volontariat, de vacation et de contractualisation des enseignants titularisés comme fonctionnaires sans paiement de rappels, avec un différé d’un an.
2. Faire une étude sur les systèmes de motivations et de rémunérations des agents de l’Etat pour donner suite aux revendications portant sur les éléments de salaires (indemnités de logement, indemnité documentaire compensatoire de surcharge horaire, prime scolaire, indemnités des Inspecteurs de l’Enseignement Moyen et Secondaire, etc.). Toutefois, le principe d’annualiser le salaire des vacataires est accepté.
3. Poursuivre l’immatriculation des MC et des PC au niveau de l’IPRES (23 499 agents ont été déjà immatriculés).
4. Attendre le vote des nouvelles lois sur l’enseignement supérieur pour l’application des réformes sur la Formation déconcentrée, les Passerelles professionnelles et les Corps des administrateurs scolaires.
Le Gouvernement, se bornant à ces propositions, refuse d’accéder à la demande des syndicats qui souhaitait un peu plus d’effort pour parvenir à la pacification de l’espace scolaire. Néanmoins, ces derniers demandent une suspension de séance en vue d’étudier ces nouvelles propositions.
Toujours est-il que le grand cadre des syndicats d’enseignants, faisant preuve de bonne volonté et privilégiant le dialogue et la concertation, transmis par lettre en date du 22 avril 2013 transmis au gouvernement une fiche technique contenant la plateforme minimale composée de onze (11) points et les attentes des organisations syndicales de l’enseignement en perspective de la prochaine séance. Il y a lieu de signaler que cette plateforme a été déclinée avec des indications précises sur les niveaux d’exécution et de blocage, les actions à initier et les échéances. En conséquence, les syndicalistes attendaient des réponses concrètes du gouvernement sur l’ensemble des questions inscrites constituées en majorité d’accords déjà signés. Mais au cours de la 6e séance plénière du 29 avril 2013, le gouvernement s’est limité aux propositions qu’il avait déjà formulées auparavant sans aucune précision sur les délais d’exécution.
Consciente que la mobilisation et la détermination demeurent des voies incontournables pour préserver les acquis du mouvement syndical et stabiliser l’espace scolaire, la Coalition des Syndicats d’Enseignants décrète des journées de débrayage et de grève totale les 14, 22, 28 et 29 mai 2013 dans le cadre de leur 2e plan d’action. En plus des manifestations organisées à l’intérieur du pays, une Marche nationale le mardi 28 mai 2013 à Dakar.
La Coalition des Syndicats d’Enseignants réunie le jeudi 30 mai 2013, à l’effet d’évaluer le deuxième plan d’actions et de dégager de nouvelles perspectives pour la satisfaction de sa plate forme minimale, constate une fois encore le mépris du gouvernement. Toujours est-il que le grand cadre, fort de la dynamique de lutte antérieure, lance son 3e plan d’action qui s’articule comme suit : débrayage le mardi 04 juin à partir de 10 heures et grève totale les mercredi 05 et jeudi 06 juin 2013. Au surplus les syndicalistes recommandent à tous leurs camarades militants de l’école sénégalaise d’observer scrupuleusement le mot d’ordre de la rétention des notes et des informations administratives dans toutes les institutions scolaires.
Finalement, le mardi 25 juin 2013, le Ministre de l’Education nationale rencontre les représentants des organisations syndicales pour échanger sur la situation scolaire. Cette rencontre fait suite à celle du 06 mai 2013, au cours de laquelle il avait été proposé aux organisations syndicales, soit de mettre à la disposition du Ministère leur évaluation du coût de la revendication portant sur la validation des années de volontariat, de vacation, et de contractualisation, ou de procéder à cette évaluation en liaison avec les services compétents du Gouvernement. Les deux parties ont convenu d’examiner les onze points contenus dans la plateforme minimale, d’explorer ensemble des pistes de solutions et de soumettre les conclusions à l’attention de Monsieur le Premier ministre.
Réunis en séance plénière ce mercredi 26 juin 2013, les Secrétaires généraux de la Coalition des Syndicats d’Enseignants, après avoir procédé à l’analyse approfondie de la situation de l’école sénégalaise ont décidé de suspendre provisoirement le mot d’ordre et à participer aux examens de fin d’année tout en demandant au Gouvernement d’apporter, dans les plus brefs délais, des réponses appropriées aux revendications justes et légitimes, notamment celles contenues dans la plateforme minimale. Cette décision a été motivée d’une part, par les conclusions issues de la dernière rencontre avec le Ministre de l’Education et les avancées notées relativement à la validation des années de volontariat, de vacation et de contractualisation, à l’annualisation du salaire des vacataires, aux diverses indemnités ainsi qu’aux lenteurs administratives ; d’autre part à l’appel solennel du Président de la République à tous les acteurs du système éducatif pour un dépassement dans l’intérêt exclusif de l’école.
Ces événements se déroulèrent dans un contexte marqué par la visite du Président B. OBAMA au Sénégal…
Le vendredi le 05 juillet 2013, le Ministre reçoit à nouveau les représentants des syndicats d’enseignant pour leur faire le compte rendu de l’audience avec Monsieur le Premier ministre qui s’est déroulée en présence des représentants des ministères impliqués dans les négociations. Il ressort de la réunion que toutes les conclusions issues de la rencontre du 25 juin 2013 ont été validées. Dès lors, on s’acheminait logiquement vers la rédaction du protocole d’accord. Le comité mis en place à cet effet se réunit pour décliner le rapport général de l’inter commission et les conclusions de la plateforme en projet de protocole d’accord
La 7e session plénière a été convoquée le 23 août 2013 pour la signature du protocole d’accord. Cependant, la mouture présentée fera l’objet d’amendements. La commission de rédaction du protocole conformément au mandat de la séance plénière s’est réunie les 30 août et 24 septembre 2013 pour finaliser le document. Ce dernier qu’on croyait définitif a hélas fait l’objet de réserves émises par une partie de la délégation gouvernementale ; ce qui retarde sa signature. Au cours de cette dernière rencontre, la délégation syndicale a tenu à marquer son accord à la mouture qui lui a été présentée et a sollicité la convocation de la séance plénière en vue de procéder à la signature du protocole avant la rentrée des classes et la tenue de la 5e session du CDS/SEF. Lorsque que les acteurs se sont retrouvés à Saly pour réfléchir sur les conditions de pacification de l’espace scolaire, ils ont recommandé principalement la signature du protocole avant fin novembre. Le 29 novembre 2013, le Ministre de l’Education a convié les secrétaires généraux de syndicat d’enseignants, en présence d’autres partenaires sociaux autour d’échanges d’informations sur la rentrée scolaire. Interpellé sur le protocole, le Ministre a déclaré qu’il reste attaché à la ligne définie ensemble lors de la rencontre du 05 juillet 2013.
L’échéance a expiré hélas sans que le protocole d’accord ne soit signé.
Malgré l’engagement réitéré de la tutelle et les directives du Premier Ministre Abdou MBAYE, il y a encore des blocages qui nous amènent à nous poser des questions. Le principe de collégialité du Gouvernement est-il toujours en vigueur ? Pourquoi tarde-t-on à exécuter les arbitrages du Premier Ministre ? En tout état de cause le nouveau Premier Ministre est interpellé.
II- Le point d’achoppement : la validation
Nous voudrions rappeler au Gouvernement que la neutralité étant un des piliers de la Fonction publique, il ne peut refuser aux fonctionnaires ce qu’il a accepté pour les décisionnaires alors que nombreux sont les jeunes enseignants qui ont fait un long et pénible parcours avant d’accéder à ces statuts.
En 1992, pour pallier la pénurie d’enseignants notamment dans le moyen-secondaire, le Gouvernement du Sénégal, de façon cavalière, a initié la politique de recrutement de professeurs vacataires. Des enseignants sont recrutés sur la base d’un diplôme académique et envoyés dans les classes sans formation initiale. Payés à l’heure, n’ayant aucun contrat et ne bénéficiant d’aucune indemnité, le vacataire est souvent muté dans des zones reculées, sans assistance aucune pour servir de bouche-trou. En 1995, M. Mamadou Ndoye, alors Ministre de l’Education de base inventa le volontariat comme mode de recrutement complémentaire d’enseignants de l’élémentaire.
La signature du décret 99-908 du 13 septembre 1999 fixant les conditions générales d’emploi et de rémunération des maîtres contractuels, modifié sonne comme le début de l’expression d’une volonté de formalisation et de légalisation d’une politique essayiste et non concertée aux antipodes de la légalité et de la promotion d’une école de qualité. Les décrets 2002-78 du 29 janvier 2002 et 2002-1055 du 25 octobre 2002, modifiés fixant respectivement les conditions générales d’emploi et de rémunération des professeurs contractuels, et contractuels chargés de cours apparaissent, avec la transformation de l’ENS en FASTEF et l’érection de plusieurs Ecoles de formation des instituteurs et institutrices (EFI), comme le dernier dispositif pour enterrer définitivement les principes réglementaires de recrutement d’emploi et de rémunération des personnels enseignants. Dans les Universités et les centres universitaires, le nombre de vacataires augmentait sans cesse ! Ainsi, ce qui était une exception est devenu la règle. Désormais, le seul moyen d’entrer dans l’enseignement reste le « volontariat » ou la vacation. La réalité des chiffres le démontre parfaitement. Au total, le nombre virtuel de MC et de PC s’élevait à 49 396 dont plus de 18 000 étaient encore en projet de contrat et 6882 ont été déjà intégrés[i]. Ce qui représente plus de 60 % du personnel enseignant.
Les salaires alloués aux corps émergents (CE) allaient du tiers à la moitié du salaire versé à leurs collègues titulaires pour le même travail, dans les mêmes conditions. Pourtant, la recommandation OIT-UNESCO concernant la condition du personnel enseignant (5 octobre 1966) Titre 10, Paragraphe 119 énonce : « Les différences de traitement devraient être fondées sur des critères objectifs, tels que les qualifications, l’ancienneté ou le degré de responsabilité, mais la différence entre le traitement le plus bas et le traitement le plus élevé devrait être maintenue dans des limites raisonnables ».
Acquérir le statut de fonctionnaire relevait d’un parcours du combattant pour le jeune enseignant qui embrasse cette profession. Dans l’élémentaire, il fallait faire quatre ans, puis trois et finalement deux ans de mercenariat, j’allais dire volontariat, avant d’être versé automatiquement dans le corps des maîtres contractuels. Ces derniers pour être titularisé devaient passer avec succès un diplôme professionnel CAP ou CEAP et se soumettre à la loi des quotas. Dans le moyen- secondaire le schéma est quasi- identique. Après deux ans de vacation, l’enseignant est automatiquement versé dans le corps des Professeurs Contractuels –PC- ou Contractuels Chargé de Cours –CCC- Après une formation diplômante conditionnée par les capacités de l’ENS et l’ancienneté dans la vacation, entre autres, le PC qui passait avec succès son diplôme professionnel était soumis à la loi des quotas pour prétendre à un reclassement. De dures conditions d’étude et de travail qui leur sont imposées. Un grand nombre de reclassés ont fini par devenir des décisionnaires pour des questions d’âges. Pour ceux qui n’ont pas réussi leur examen professionnel, un plan de carrière en 12 catégories leur est confectionné pour faire carrière dans le corps des contractuels ; ce qui est un paradoxe.
En matière de sécurité sociale, le niveau de traitement offert aux CE était de loin inférieur au niveau requis par la recommandation concernant la condition du personnel enseignant. Leur situation matrimoniale n’était même pas prise en compte pour qu’ils puissent bénéficier d’allocations familiales ou d’un allègement d’impôts. Les fonds prélevés sur les salaires de nos camarades aux titres des cotisations à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (IPRES) et à la Caisse de Sécurité Sociale (CSS) et qui n’étaient jamais intégralement versées, ou avec beaucoup de retard, posent le problème de l’usage qui en était fait.
La fonction enseignante n’était plus attractive : on ne devient plus enseignant mais on finit enseignant.
Notre expérience commune de vacataire de l’éducation nous aura ouvert les yeux sur les conditions exécrables d’existence et de travail imposées aux CE. Aujourd’hui encore, on se souvient des journées entières passées à faire la queue pour percevoir, nos maigres pécules. On se rappelle nos attentes anxieuses d’un salaire qui tombait bien après le 10 du mois, nos reliquats de vacataires toujours en deçà de nos attentes, nos relations heurtées avec certains chefs d’établissement et autres inspecteurs qui voyaient en notre manque de formation une opportunité pour exercer leur diktat.
L’histoire aura retenu que dans la décennie 1992-2002, le génie de la classe dirigeante du pays aura créé une nouvelle race d’enseignants communément appelés corps émergents. Des enseignants de seconde zone taillable et corvéable à souhait , de jeunes citoyens qui auront commis la lourde faute, le péché congénital d’être arrivés sur le marché du travail à une époque ou l’obsession narcissique de nos dirigeants à briller sur la scène internationale par des chiffres a pris le dessus sur la nécessité historique de préserver un des piliers de la République : restaurer et préserver l’honneur et la dignité de chaque citoyen.
Dès lors, il importe plus que jamais de méditer cette recommandation de l’UNESCO-OIT concernant la condition du personnel enseignant : « La condition des enseignants devrait être à la mesure des besoins en matière d’éducation, compte tenu des buts et objectifs à atteindre dans ce domaine, afin que ces buts et objectifs soient atteints, il faut que les enseignants bénéficient d’une juste condition et que la profession enseignante soit entourée de la considération publique qu’elle mérite. »
Permettez-nous, au passage, de rendre un vibrant hommage aux pionniers de la vacation, à ceux-là qui dans les années 1990 ont débarqués dans des contrées perdues de l’intérieur du pays muni d’un seul ordre de service, trinquant en silence mais dans la dignité, neuf (09) mois durant sans salaire. Permettez-nous de louer le sens de l’honneur de milliers de volontaires, de vacataires et de contractuels qui ont servi et continuent de servir dans des zones hostiles, loin de leur famille, loin de la civilisation de l’électricité et des TIC. Le dépaysement, les rigueurs du climat, la méconnaissance des réalités culinaires, les longues heures autour d’une lampe tempête le soir sont autant de sacrifices que toutes les Sénégalaises et tous les Sénégalais devraient et apprécier à leur juste valeur. Là encore des gens saignants continuent de saigner en silence.
En vérité, le qualificatif de volontaire est une arnaque, une atteinte grave à la dignité humaine. Nos volontaires de l’éducation ne sont pas des volontaires. Ils ne sont pas des prestataires de service bénévole comme les volontaires de le JICA ou de l’USAID, ils sont des mercenaires de l’éducation sous formés pour être sous-payés. Le vocable de vacataire de l’éducation est un quolibet dévalorisant à la limite péjoratif. Tel un gouffre, il engloutit notre dignité et nous empêche de marcher la tête haute partout ou nous allons. Tous ces maux, cette existence chiche ont sans nul doute conduit à la création des premiers syndicats des Corps Emergents, qui, fort du constat amer que leurs préoccupations spécifiques n’ont pas été prises en compte de manière satisfaisante par les premiers syndicats d’enseignants, ont jugés nécessaire de prendre leur destin en main. C’est dans ce sillage que notre organisation a été portée sur les fonds baptismaux un 04 juin 2005 à Thiès.
Pour cette organisation devenue l’Alliance pour la Défense de l’Ecole Publique et des Travailleurs- ADEPT-depuis le premier congrès ordinaire du 17 septembre 2008, il fallait avoir le courage de reconnaître que la politique des enseignants à bon marché n’a pas donné les résultats escomptés. Le taux brut de scolarisation avait certes fait un bond de 20 points en cinq ans mais la qualité en avait pris un sacré coup. La responsabilité de cet échec était grandement imputable aux décideurs mais nous en étions en partie comptables.
Voilà pourquoi nous avions très souvent invité les autorités à refermer dans les meilleurs délais cette sombre page de notre histoire commune. En clair, l’ADEPT, a de tout temps appelé l’Etat à assurer de meilleurs schémas de formation initiale et continue des enseignants et mettre en place d’un plan de dépérissement des corps émergents. Egalement, nous avons longtemps rejeté le système de rémunération et exige une prise en compte des années de volontariat, de vacation et de contractualisation.
III- Les conditions pour la pacification de l’espace scolaire
L’Ecole publique sénégalaise est fortement secouée par des crises récurrentes malgré les efforts considérables consentis par le peuple sénégalais en termes de réformes ou de budget alloué au secteur. Selon le doyen Youssoufa Wade, « cette situation qui affecte même les valeurs morales et éthiques de notre société appelle de la part de tous les Sénégalais et Sénégalaises, toutes catégories confondues, une nouvelle prise de conscience pour sauver ce qui reste encore possible de l’être [ii]».
Notre école doit absolument sortir de ce cycle chaotique et traumatisant de grèves, de débrayages, de rétention de notes et de boycott d’examens. Pour y arriver, l’ADEPT, ancrée dans sa vocation de défenseur de l’école publique, attachée à la revalorisation de la condition des enseignants et fidèle à sa philosophie de mettre en avant un dialogue sincère et constructif, recommande :
Au Gouvernement de renoncer à la politique de pourrissement, de bannir la communication fondée exclusivement sur la ruse et la manipulation et visant essentiellement à diaboliser les enseignants, et d’aller sans détours vers la signature et la mise en œuvre du protocole d’accord avant la fin du mois pour rester en phase avec les recommandations de Saly V formulées au cours de la 5e session du Comité du Dialogue Social/Secteur Education Formation (CDS/SEF).
Le Gouvernement gagnerait à comprendre que la validation aux deux tiers des années de vacation et de contractualisation avec rappel, en plus d’être une question d’éthique et de justice sociale, reste un impératif pour aller dans le sens d’une trêve. Oui une trêve : cette recommandation ô combien vitale de Saly V.
A l’endroit de nos camarades syndicalistes, nous comprenons les velléités guerrières et les luttes de positionnement des uns et soutenons l’engagement militant des autres. Toutefois, il faut avoir le courage de reconnaître les efforts consentis par le Gouvernement sur le pilotage et la gestion du système et sur bien des points de la plateforme revendicative. On peut noter : la transparence dans le recrutement des personnels enseignants, la mise en œuvre des plans de formation et de dépérissement des corps, l’habitat social, la diligence dans le paiement des salaires et des indemnités, l’annualisation du salaire des vacataires ainsi que l’organisation, pour la première fois, du Baccalauréat Arabe.
Nous voudrions inviter ici les camarades à faire encore des concessions sur les modalités de la prise en charge du rappel qui ne s’éloigneraient certainement pas du sillage de la position exprimée depuis plus d’an et consignée dans le rapport général de l’inter-commission cité plus haut relativement à son consentement à une modulation du paiement des rappels sur deux (2) à trois (3) années. Tout comme l’on pourrait envisager le versement en tenant compte du critère de génération à laquelle l’on nous a habitués.
Au demeurant, cette volonté de pacifier l’espace scolaire a été déjà manifestée à par les organisations syndicales par le biais de leur porte-parole M L DIANTE : « Nous estimons que pour garantir cette paix que nous souhaitons de toutes nos forces dans le secteur de l’éducation et de la formation, il faut remettre les choses à l’endroit. Autrement dit redonner à chaque acteur la place qui est la sienne pour éviter des frustrations inutiles[iii]. »
Par ailleurs, l’ADEPT tient particulièrement à s’appesantir aux questions trop souvent reléguées au second plan et dont la prise en charge efficiente aiderait à éviter bien des frustrations légitimes qui plombent de façon significative le bon fonctionnement du système. Les retards de salaires, les décisions et rappels au titre de reclassement, de validation ou d’avancement et autres indemnités d’examens, les lenteurs administratives en somme constituent un frein à la motivation et au progrès.
Le dépérissement des corps émergents dans le secteur éducation/formation exigé depuis longtemps par notre organisation est en cours. Il reste que cette phase de transition doit être gérée avec réalisme et souplesse tout en préservant l’honneur et la dignité de nos collègues d’où la nécessité de trouver des solutions en vue d’assurer le recrutement des nouveaux sortants des écoles de formation des enseignants. Toutefois, cette situation préoccupante nous inspire un questionnement. Serait-il réellement approprié d’évoque un surplus d’enseignants avec des effectifs allant jusqu’à 75 élèves par classe? L’institution de formation des professeurs devait-elle être érigée en faculté ?
En outre, le respect des principes et normes de la gestion démocratique est une exigence impérieuse. La gestion démocratique doit être préservée en tant qu’acquis fondamental du mouvement syndical mais aussi elle demeure un moyen privilégié d’anticipation sur les conflits.
Il est impossible d’instaurer la paix durable dans l’espace scolaire si l’on ne substitue pas la logique négociation à celle de la confrontation. Dès lors, il apparaît judicieux de renforcer les mécanismes de prévention et de gestion des conflits dans le secteur. En conséquence, les recommandations de Saly V sur la redynamisation du comité de branche doivent être mises en œuvre afin que le nouveau bureau du Comité du Dialogue Social/Secteur Education-Formation CDS/SEF dirigé par Mamadou DIOP « Castro » retrouve la plénitude de ses moyens et qu’il s’investisse constamment à la pacification de l’espace scolaire.
Il est plus impossible encore d’arriver à cette paix si la confiance mutuelle n’est pas restaurée. Ainsi que le recommande le Doyen Bakary BADIANE : « Il faut se mettre les uns les autres en capacité de dépasser les à priori qui existent chez les parents, chez les enseignants, chez les gouvernements[iv] ». Celle-ci passera par la volonté de respecter tous les engagements.
Toutes ces clauses, pour reprendre les propos du Secrétaire général de la CSA se réduisent à une seule : « Les uns et les autres ont l’obligation d’avoir l’intérêt national en ligne de mire. Ainsi une seule philosophie va conduire le fil des dialogues : ne pas exiger l’impossible et ne pas refuser le possible.[v]»
En guise de conclusion, le chaos qui a prévalu sur l’espace scolaire sénégalais depuis plusieurs décennies et qui menace de refaire surface à tout moment peut et doit être éviter. Il y va de la solvabilité du gouvernement et de sa capacité à prévenir et à résoudre les conflits mais aussi de notre crédibilité et notre bonne foi en tant que partenaire. Un nouveau pacte de confiance est nécessaire pour engager les Assises de l’Education qui permettront de poser les jalons d’un système éducatif crédible et performant dans un environnement apaisé. Nous devons méditer sur cette assertion du Ministre de l’Education: « Penser d'abord au citoyen de demain dont on nous a confié l'éducation et la formation est d’abord une responsabilité collective que je considère comme un devoir : le devoir de génération. Nous devons tous aux plus jeunes de les préparer aux mutations du monde et de les doter des aptitudes nécessaires à la construction de leur propre destin, qui doit se traduire par une vie meilleure que celle des générations passées et présente.
M. Ndiaga SYLLA, Secrétaire Général National de l’ADEPT
Ancien Membre du bureau du Comité du Dialogue Social/Secteur Education-Formation (CDS/SEF)
Autres articles
-
Visite du Président Nigérian en France: un changement de cap diplomatique ? (Par Magaye Gaye, économiste)
-
Commémorer Thiaroye 44 en ayant en mémoire toutes les violences coloniales commises dans le monde
-
Diomaye, la photo officielle du corps sacré (Par Bacary Domingo Mané)
-
La citoyenneté, socle de la rupture systémique (Par Bocar Kâne)
-
Analyse du rachat supposé de la Société générale sénégalaise par l'Etat du Sénégal SÉNÉGAL PAR L'ÉTAT DU SÉNÉGAL