Vendredi, une équipe de journalistes de l'agence américaine Associated Press a été attaquée dans l'Est de l'Afghanistan par un homme portant un uniforme de la police afghane. Une journaliste allemande a été tuée et sa consoeur canadienne qui l'accompagnait est gravement blessée.
Braver pluie et menaces d'attentat
Les forces de l'ordre se sont déployées tard, hier soir, afin de quadriller Kaboul. L'objectif : éviter tout attentat dans la capitale afghane. A travers le pays, 190 000 policiers et militaires vont tenter d'éviter le bain de sang promis par les talibans.
A l'ouverture des bureaux de vote, il n'y avait pas d'incident majeur à signaler. Des files d'attentes ont commencé à se former. Les Afghans ont bravé la pluie mais surtout les menaces des talibans ce matin. C'est le cas à Kaboul mais aussi dans les grandes villes comme Mazar, Herat ou Kandahar. « Je n'ai jamais vu ça », confiait à RFI un Afghan joint à Kaboul ce samedi matin.
Waheed Wafa, un chercheur afghan, a fait le tour des bureaux de vote ce matin, et confiait qu'il était impressionné par le nombre d'électeurs qui attendent pour voter. Ils sont plus nombreux qu'en 2009 au même moment.
Moins d'informations nous parviennent des campagnes reculées. Un autre afghan se félicitait de cette affluence. Il redoutait une attaque à l'aube mais promet d'aller voter dans la journée. « C'est un moment critique de l'Afghanistan, dit-il, mais nous n'avons pas le choix, il faut élire un remplacant à Hamid Karzai, l'actuel président. »
Symboliquement, c'est le président de la commission électorale qui a voté le premier. Quelques minutes plus tard, le président sortant Hamid Karzaï s'est rendu dans l'école allemande de Kaboul, située à côté du palais présidentiel, pour déposer son bulletin dans l'urne. Il a mis fin à des rumeurs rapportant qu'il refuserait de voter pour son futur successeur. « Ce vote apportera la prospérité à nos enfants et aux générations futures », a lancé Hamid Karzaï.
Retrait de missions d'observateurs
Outre la sécurité, l'autre écueil c'est la fraude qui avait été massive en 2009, lors de la précédente élection présidentielle. Près de 4,8 millions de bulletins avaient été déposés dans les urnes. Mais après de longues semaines de négociations, l'ONU, qui supervisait le scrutin, avait estimé qu'un tiers des votes n'étaient pas valables.
Or cette année, après la mort d'un observateur dans l'attaque d'un hôtel à Kaboul, deux missions internationales d'observation des élections se sont retirées. Restent sur place néanmoins les observateurs de l'Union européenne, mais surtout les observateurs afghans.
Ils vont tenter de surveiller ce vote même s'il n'est pas sûr qu'ils puissent se rendre dans tous les bureaux de vote. Quoi qu'il en soit, les craintes de fraude concernent surtout le lendemain de l'élection et le rapatriement des urnes à Kaboul où elles seront centralisées.
Deux capitales ont les yeux rivés sur l'élection
■ Vu de Washington : Les trois principaux candidats conviennent à la Maison Blanche
Abdullah Abdullah, Ashraf Ghani et Zalmay Rassoul semblent tous les trois plus enclins à avoir de meilleures relations avec les Etats-Unis et l’Ouest qu’Hamid Karzaï, estime notre correspondant à dans la capitale américaine, Jean-Louis Pourtet.
Les trois se sont engagés à signer un accord de sécurité qui permettrait au Pentagone de laisser , après le retrait du gros des troupes à la fin de l’année, un contigent pouvant aller de 3000 à 10 000 hommes pour entrainer les forces de sécurité afghanes et empêcher le retour des talibans.
Ce qui inquiète l’administration américaine toutefois, ce sont les hommes avec lesquels les favoris ont choisi de s’associer pour des raisons d’alliance ethnique: Abdullah Abdullah, un Tajik, a choisi pour partenaire un Hazara, Mohamad Mohaqiq, réputé pour sa brutalité. Idem pour Ashraf Ghani, un pachtoune diplômé de l’unversité Columbia et ancien fonctionnaire de la Banque mondiale qui a choisi un Ouzbèque, le général Abdourashid Dostum qui a beaucoup de sang sur les mains. Quant à Zalmay Rassoul qui a fait ses études de médecine en France, c’est un proche de Karzaï dont il a le soutien.
Washington redoute également la fraude électorale qui pourrait créer, comme en 2009, de violentes manifestations chez les perdants.
Un excellent expert de la région, Anthony Cordesman, du Centre des études internationales et stratégiques, reproche pour sa part à l’administration Obama de n’avoir rien préparé pour l’avenir, en dépit du fait que quel que soit le prochain président, il faudra encore des années à l’Afghanistan pour voler de ses propres ailes. En attendant un Godot afghan, « les Etats-Unis, écrit-il, n’ont ni budget, ni plan véritables ».
■ Vu d'Islamabad : la crainte d'un afllux de réfugiés
Le pays voisin n’affiche officiellement aucune préférence quant au choix du prochain président afghan, rapporte Gaëlle Lussiaà-Berdou, correspondante de RFI à Islamabad.
Mais l’intérêt du Pakistan pour le devenir de son voisin est évident : l’Afghanistan est un lieu stratégique pour Islamabad, qui rivalise d’influence avec son ennemi historique indien.
Dans les années 90, les autorités pakistanaises ont participé à l’émergence des talibans, et encore aujourd’hui, elles sont régulièrement accusées de soutenir les rebelles islamistes dans leurs attaques, dont celle qui a fait neuf morts à l’hôtel Serena de Kaboul, il y a deux semaines.
Mais le Pakistan, lui-même désormais aux prises avec une rébellion talibane sur son territoire, se dit aujourd’hui en faveur de négociations entre Kaboul et les talibans afghans, car une recrudescence des hostilités risquerait de pousser certains Afghans à fuir leur pays, et ainsi venir grossier les rangs du million et demi de réfugiés déjà établis au Pakistan.
Source : Rfi.fr
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