Trois chasseurs bombardiers F-16 ont été déployés entre 3h et 4h du matin, cette nuit. Ils ont tiré quatre missiles téléguidés sur trois objectifs : « Deux quartiers généraux et un point de rassemblement ». Le communiqué du centre de coordination du Premier ministre turc annonçant ces raids précise que ces tirs ont été effectués sans que les appareils n’aient à pénétrer dans l’espace aérien syrien, les cibles étant à proximité immédiate de la frontière.
Après les accrochages meurtriers de jeudi, la riposte de l’artillerie turque avait permis de mettre hors d’état de nuire un petit groupe d’assaillants. Mais, selon les renseignements dont disposaient les Turcs, le groupe Etat islamique était en train de masser des hommes et du matériel lourd près de la frontière, avec pour objectif probable d’attaquer les positions militaires turques en train de sécuriser la frontière. C’est donc pour contrer cette menace que l’opération aérienne a été lancée. Cette montée en puissance de la réaction turque intervient aussi trois jours après l’attentat de Suruç, qui a fait 32 morts.
La Turquie a par ailleurs autorisé la coalition internationale formée par les Etats-Unis à utiliser la base aérienne Incirlik pour ses opérations contre l'EI dans le nord de la Syrie. Une base stratégique, située à tout juste 120 km de la frontière syrienne et à 170 km des zones contrôlées par le groupe Etat islamique. Mais la Turquie, bien qu’elle ait annoncé sa participation à la coalition internationale contre l’EI en octobre dernier, refusait toujours que son territoire - et notamment sa base aérienne d’Incirlik, déjà utilisée par l’aviation américaine à des fins uniquement logistiques - soit utilisé pour intervenir en Syrie contre les jihadistes.
Réponse limitée
Tout indique que ce bombardement est ponctuel et constitue une réponse limitée à une situation précise : un risque d’attaque des jihadistes. Une telle opération ne devrait pas se répéter, sauf si une nouvelle menace se manifestait. Sa nécessité devrait d’ailleurs sensiblement diminuer avec la sécurisation physique de la frontière décidée jeudi à l’issue d’un conseil des ministres exceptionnel.
La Turquie est très réticente à participer à des opérations militaires aériennes ou terrestres aux côtés de ses partenaires de la coalition. Il y avait déjà eu des incidents à la frontière turque, rappelle Dorothée Schmid, responsable du programme Turquie au sein de l'Institut français des relations internationales. Mais cette fois, si « la mise en scène des incidents est beaucoup plus forte ».
Pour la chercheuse de l’IFRI, « l’Etat turc a besoin de montrer qu’il est prêt à mener des représailles » en vue d’accroître sa crédibilité auprès de ses partenaires occidentaux. Dorothée Schmid juge par ailleurs que si l’attentat de Suruç, qui n’a pour l’instant pas été revendiqué, a effectivement été perpétré par l’Etat islamique, « cela veut dire que la Turquie est extrêmement vulnérable aux actions de l’Etat islamique à l’avenir ».
Opération policière: 250 interpellations et une militante marxiste tuée
Il est cependant indéniable qu'Ankara veut démontrer que le temps de l'inaction est révolu. La vaste opération de police lancée ce vendredi matin contre de possibles cellules dormantes de l'EI et du PKK kurde en est la preuve : 5 000 policiers des forces spéciales sont engagés dans une opération d'ampleur visant 140 adresses dans 26 des 39 arrondissements d'Istanbul depuis l'aube.
« Un total de 251 personnes ont jusqu'à maintenant été placées en garde à vue pour appartenance à une organisation terroriste », ont indiqué les autorités turques en fin de matinée. L’agence de presse Anatolie, progouvernementale, a par ailleurs annoncé qu’une militante d’extrême gauche membre du Front révolutionnaire de libération du peuple avait été tuée à Istanbul.
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