L’Afrique vient de perdre l’un des rares esprits éclairés de ces cinquante dernières années. Un homme d’une rigueur légendaire et dont la franchise constitue l’un des aspects saillants de sa personnalité. Lecteur invétéré, débateur chronique, Amady est réputé être un critique à l’esprit très vif. La complexité de sa pensée « baobabique » fait qu’il passe pour un anticonformiste, un non-aligné ; quelqu’un qui, même mort, continuera de s’insurger contre le diktat et l’hégémonie des « nains de la pensée » et autres « téfankés des idées » qui aiment s’écouter théoriser leur ignorance sur les plateaux de télé et autres ondes de radio. Amady a été, jusque sur son lit de mort, un farouche opposant de la facilité, du rafistolage (dëbë dakhé) des idées, des raccourcis ou « porokh ndol ».
Pourtant très connu des trois anciens chefs d’État du Sénégal pour les avoir côtoyer, l’homme a préféré vivre effacé, loin des projecteurs, refusant ainsi toute possibilité de compromission.
Économiste, philosophe, sociologue, historien, anthropologue…, pour le doyen, tout doit être discuté, rien ne doit être accepté sans être passé au laser de l’esprit. Telle est pour lui, la mission de l’intellectuel. Ce courage, qui n’est pas à la portée de tous, l’a poussé à vivre fièrement « sur la marge », en paria, en solitaire. Tel un des compagnons du Prophète (Paix et salut sur lui) du nom de Abou Zharr, Amady a vécu en solitaire, il est mort en solitaire et il sera ressuscité en solitaire.
Le monde du livre pleure cet homme-patrimoine de l’humanité. Il a été l’un des rares, si ce n’est le seul, à avoir assuré pendant des décennies des comptes-rendus de lecture dans la presse. Les livres sont devenus orphelins. « Les ombrophiles » aussi.
Amady est mort, mais il n’est pas parti ; il continuera de nous interpeler de là où il est, à travers ses écrits qui seront pour nous une source intarissable de réflexion.
Tout dans l’attitude de l’homme est un chemin vers l’élévation : la posture droite, disciplinée, dynamique qui combat la lassitude de l’intellectuel, l’âme empreinte de la passion de la vérité, la dignité du verbe, l’œil vigilant face aux pièges de l’Occident, le penser par soi-même, le culte de l’excellence, l’incitation à la curiosité intellectuelle, le souci de la jeunesse, de l’héritage spirituel…
Amady Aly Dieng est un homme en mouvement, pluriel, subtil et complexe comme le monde ; c’est un penseur qui sait se méfier des apparences et des données immédiates de la conscience, il est l’antithèse des choses figées, des intellectuels toujours assis…
C’est un homme de discernement, qui met un point d’honneur à séparer l’ordre du cœur de l’ordre de la raison, à distinguer les amitiés d’avec la vérité, à discriminer la haine et la critique, le combat des idées et des hommes.
Chaque matin il se promène sur les chemins de l’élévation, il en connait les multiples retraites, s’est maintes fois désaltéré à ses oasis, a vu ses nombreuses tours, s’est éloigné vers ses recoins ; pour cette raison quand il réfléchit sur le progrès, il en parle avec l’œil de la certitude, et il ricane, que toutes ses évidences ne soient pas vues par ses contemporains.
« L’Europe ne nous a pas colonisés parce que nous étions noirs mais parce que nous avions des ressources. » C’est l’une de ses lapalissades qu’il se plaisait à répéter avec le sourire et qui laisse entrevoir une remarquable finesse psychologique.
La même énergie qu’il emploie pour aimer la vertu, il la met dans le désamour du vice. Voilà sa force, il ne laisse jamais le vice du citoyen tranquille, il le scrute dans ses moindres subtilités, le traque, lui jette l’anathème, et le diabolise.
Alors que la généralisation à tout va, « la poèsie », la quête de l’identité, les lois systémiques, le désamour de la critique, le culte de l’oralité sont érigés en règles par ses contemporains, il s’en démarque totalement.
Il fait partie de cette lignée d’esprits, sans parti, soumis exclusivement à l’autorité de la raison, et c’est pourquoi sa liberté d’intellectuel représente son plus grand viatique, son plus grand talent et sa plus grande source d’inspiration.
A une époque, il était naturel de réhabiliter le Noir, et d’être en intelligence dans les combats idéologiques avec ses frère de race, toutefois l’homme garde sa lucidité, il semble récuser les arguments faibles de la négritude, qui a cultivé une sorte d’inertie chez l’homme noir, lui faisant croire qu’il était beau, supérieur, « parfait », égyptien, et qu’il était déjà dans la voie du progrès, sans en fournir les efforts : un pays n’est jamais, systématiquement, en voie de développement.
Depuis la colonisation, l’Afrique s’est spécialisée dans l’antithèse de l’Occident, il rappelle qu’elle n’est pas une voie, c’est un chemin de discorde qui nous fait perdre de vue l’essentiel : l’émergence par nos propres moyens, sans le fantôme du passé, cette source de malédictions, dont le continent doit se méfier. L’Afrique n’est pas apte à « connaitre son passé pour construire son avenir », car son passé est sa boite de Pandore.
« Je ferai le Bien, c’est la seule manière d’être seul » dit un personnage de Sartre dans Le Diable et le Bon Dieu.
En effet l’anonymat de la disparition d’Amady Aly Dieng afflige certes démesurément ses proches, mais elle vient confirmer la grandeur de l’homme, qui a fait de la parole juste le moteur de sa philosophie de vie.
En faisant une lecture infidèle de ses écrits, nous avons compris qu’à l’instar de Sartre, de Césaire, de tous les grands hommes, qu’Amady Aly Dieng a été à l’école de la Volonté et du « plein emploi-de-soi-même » et qu’il nous faut en tant que jeunesse dépasser « l’inquiétude de l’avenir », et développer un surplus d’amour et de passion pour nos héros, car le véritable chemin du progrès repose non pas dans le mimétisme de l’Occident, mais dans celui des grands hommes.
Nous ignorons qui fut son modèle, mais nous ne faisons point mystère de penser que cet homme avait gravé dans les replis de sa pensée, le journal quotidien d’un homme ou de plusieurs auquel il voulait ressembler.
Parce que nous le voulons en modèle pour la jeunesse de notre pays et surtout de notre, nous donnons son nom à cet espace que nous voulons agora pour les idées.
Vivement que le gouvernement du Sénégal nous donne une bibliothèque nationale Amady Aly Dieng. Reposez en paix Maître !
Dr Abdoulaye Diallo , Harmattan Sénégal
Pourtant très connu des trois anciens chefs d’État du Sénégal pour les avoir côtoyer, l’homme a préféré vivre effacé, loin des projecteurs, refusant ainsi toute possibilité de compromission.
Économiste, philosophe, sociologue, historien, anthropologue…, pour le doyen, tout doit être discuté, rien ne doit être accepté sans être passé au laser de l’esprit. Telle est pour lui, la mission de l’intellectuel. Ce courage, qui n’est pas à la portée de tous, l’a poussé à vivre fièrement « sur la marge », en paria, en solitaire. Tel un des compagnons du Prophète (Paix et salut sur lui) du nom de Abou Zharr, Amady a vécu en solitaire, il est mort en solitaire et il sera ressuscité en solitaire.
Le monde du livre pleure cet homme-patrimoine de l’humanité. Il a été l’un des rares, si ce n’est le seul, à avoir assuré pendant des décennies des comptes-rendus de lecture dans la presse. Les livres sont devenus orphelins. « Les ombrophiles » aussi.
Amady est mort, mais il n’est pas parti ; il continuera de nous interpeler de là où il est, à travers ses écrits qui seront pour nous une source intarissable de réflexion.
Tout dans l’attitude de l’homme est un chemin vers l’élévation : la posture droite, disciplinée, dynamique qui combat la lassitude de l’intellectuel, l’âme empreinte de la passion de la vérité, la dignité du verbe, l’œil vigilant face aux pièges de l’Occident, le penser par soi-même, le culte de l’excellence, l’incitation à la curiosité intellectuelle, le souci de la jeunesse, de l’héritage spirituel…
Amady Aly Dieng est un homme en mouvement, pluriel, subtil et complexe comme le monde ; c’est un penseur qui sait se méfier des apparences et des données immédiates de la conscience, il est l’antithèse des choses figées, des intellectuels toujours assis…
C’est un homme de discernement, qui met un point d’honneur à séparer l’ordre du cœur de l’ordre de la raison, à distinguer les amitiés d’avec la vérité, à discriminer la haine et la critique, le combat des idées et des hommes.
Chaque matin il se promène sur les chemins de l’élévation, il en connait les multiples retraites, s’est maintes fois désaltéré à ses oasis, a vu ses nombreuses tours, s’est éloigné vers ses recoins ; pour cette raison quand il réfléchit sur le progrès, il en parle avec l’œil de la certitude, et il ricane, que toutes ses évidences ne soient pas vues par ses contemporains.
« L’Europe ne nous a pas colonisés parce que nous étions noirs mais parce que nous avions des ressources. » C’est l’une de ses lapalissades qu’il se plaisait à répéter avec le sourire et qui laisse entrevoir une remarquable finesse psychologique.
La même énergie qu’il emploie pour aimer la vertu, il la met dans le désamour du vice. Voilà sa force, il ne laisse jamais le vice du citoyen tranquille, il le scrute dans ses moindres subtilités, le traque, lui jette l’anathème, et le diabolise.
Alors que la généralisation à tout va, « la poèsie », la quête de l’identité, les lois systémiques, le désamour de la critique, le culte de l’oralité sont érigés en règles par ses contemporains, il s’en démarque totalement.
Il fait partie de cette lignée d’esprits, sans parti, soumis exclusivement à l’autorité de la raison, et c’est pourquoi sa liberté d’intellectuel représente son plus grand viatique, son plus grand talent et sa plus grande source d’inspiration.
A une époque, il était naturel de réhabiliter le Noir, et d’être en intelligence dans les combats idéologiques avec ses frère de race, toutefois l’homme garde sa lucidité, il semble récuser les arguments faibles de la négritude, qui a cultivé une sorte d’inertie chez l’homme noir, lui faisant croire qu’il était beau, supérieur, « parfait », égyptien, et qu’il était déjà dans la voie du progrès, sans en fournir les efforts : un pays n’est jamais, systématiquement, en voie de développement.
Depuis la colonisation, l’Afrique s’est spécialisée dans l’antithèse de l’Occident, il rappelle qu’elle n’est pas une voie, c’est un chemin de discorde qui nous fait perdre de vue l’essentiel : l’émergence par nos propres moyens, sans le fantôme du passé, cette source de malédictions, dont le continent doit se méfier. L’Afrique n’est pas apte à « connaitre son passé pour construire son avenir », car son passé est sa boite de Pandore.
« Je ferai le Bien, c’est la seule manière d’être seul » dit un personnage de Sartre dans Le Diable et le Bon Dieu.
En effet l’anonymat de la disparition d’Amady Aly Dieng afflige certes démesurément ses proches, mais elle vient confirmer la grandeur de l’homme, qui a fait de la parole juste le moteur de sa philosophie de vie.
En faisant une lecture infidèle de ses écrits, nous avons compris qu’à l’instar de Sartre, de Césaire, de tous les grands hommes, qu’Amady Aly Dieng a été à l’école de la Volonté et du « plein emploi-de-soi-même » et qu’il nous faut en tant que jeunesse dépasser « l’inquiétude de l’avenir », et développer un surplus d’amour et de passion pour nos héros, car le véritable chemin du progrès repose non pas dans le mimétisme de l’Occident, mais dans celui des grands hommes.
Nous ignorons qui fut son modèle, mais nous ne faisons point mystère de penser que cet homme avait gravé dans les replis de sa pensée, le journal quotidien d’un homme ou de plusieurs auquel il voulait ressembler.
Parce que nous le voulons en modèle pour la jeunesse de notre pays et surtout de notre, nous donnons son nom à cet espace que nous voulons agora pour les idées.
Vivement que le gouvernement du Sénégal nous donne une bibliothèque nationale Amady Aly Dieng. Reposez en paix Maître !
Dr Abdoulaye Diallo , Harmattan Sénégal
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