Où est donc la société civile sénégalaise ? Où est Mme Penda Mbow ancien ministre de la culture ? Où est Alioune Tine ? Où est Me Sidiki Kaba ? Où est Mme Amsatou Sidibé ? Où est Malick Ndiaye ? Où sont les journalistes qui leur servaient d’écho dans les studios radio et télé et dans la presse ? Où sont tous ces forts en gueule qui ont tant occupé notre espace public ? Pourquoi cette brusque aphonie alors que le pays va toujours très mal ? La notion de société civile est-elle encore opératoire dans l’espace public sénégalais ? Pourquoi Diné Ak Diamono est devenue orphelin des grands « tireurs d’élite » ?
En Europe il y a des défenseurs des droits de l’Homme et des représentants de la société civile qu’on ne verra jamais siéger dans un quelconque gouvernement : pourquoi, dans notre pays, la frontière entre société civile et pouvoir politique est si perméable ? Pour aider à répondre à ces questions nous vous proposons ces quelques lignes que nous avons écrites et publiées il y a huit ans !
C’est que l’usage des notions obéit souvent à des préoccupations idéologiques et c’est une des raisons qui expliquent l’équivocité du concept de société civile. Mais on peut repérer quatre versants dans cette société civile sénégalaise.
-Premier versant : l’État libéral actuel, quoique conférant une plus grande marge de manœuvre aux citoyens, continue d’être un organe tutélaire au-dessus de ces derniers. C’est dans ce sens que l’aide publique au développement a été très vite repensée et réorientée. Conscients que cette manne financière n’était pas toujours bien acheminée vers les ayant-droits, les pays bailleurs ont créé ou encouragé les O.N.G. pour leur confier la mission d’une bonne répartition de cette assistance. Très vite ces O.N.G. ont proliféré de toutes parts et ont investi les différentes pistes que pouvaient prendre ces destinés à soulager les populations meurtries par les errements des politiques et une misère infinie. Ces O.N.G. sont apparues alors comme des « Messies » grâce à l’adresse de leur intervention, à leur connaissance du milieu des nécessiteux et à leur proximité avec les populations. Mais là où le bât blesse c’est que, même si elles travaillent au nom de la bonne gouvernance, leur genèse, leur organisation interne et surtout l’origine des fonds qu’elles gèrent n’est pas toujours au-dessus de tout soupçon. Or, au nom de la démocratie les citoyens devraient être en mesure de comprendre les mécanismes de fonctionnement et le niveau d’intervention de ces organisations. Mais le pire est que certains mouvements dits « citoyens » et quelques ONG sont devenus la main invisible des intérêts des pays occidentaux dans notre pays. Qui finance qui ?
- Le deuxième versant de ce qu’on appelle la société civile au Sénégal est incarnée par les organisations des droits de l’Homme qui se veulent de véritables sentinelles de la liberté humaine. Mais leur faiblesse réside dans l’étroitesse de leur champ d’action : elles sont totalement focalisées sur le pouvoir politique. Aussi, perdent-elles de vue l’existence de novelles et nombreuses agressions des droits de l’Homme dans les sphères de la religion, de l’économie et des relations internationales. Dans les fora internationaux le combat qu’on leur fait mener n’est souvent pas le leur : elles sont naïvement embastillées dans des luttes entre sociétés civiles et États du nord au lieu de s’exercer à avoir d’abord une lecture correcte des problèmes propres aux peuples du sud. Elles défendent ainsi des principes et des valeurs totalement opposés à leurs réalités sociales et culturelles pour les beaux yeux de leurs maîtres occidentaux (homosexualité, travail des enfants, etc.)
-Le troisième versant de la société civile Sénégalaise correspond à des groupes économiques et syndicaux. Ces groupes caractérisés par leur puissance économique (à l’instar de l’UNACOIS) ou par leur organisation corporative, constituent de véritables forces de réaction contre la politique soit archi libérale, soit trop interventionniste des États. Leurs rapports avec l’État sont souvent conflictuels et ils n’hésitent pas à s’allier avec l’opposition quand leurs intérêts sont en jeu. Leur grande faiblesse réside cependant dans une conception trop pauvre de l’exigence de sacrifice national et de lutte contre la pauvreté
-Le dernier versant de ce qu’on peut appeler la société civile sénégalaise est plus difficile à cerner à cause de son caractère hétéroclite. Il s’agit plutôt d’intellectuels dont le rôle est exercé dans les couloirs laissés vacants par les partis politiques aspirant à exercer la pouvoir. Ces groupes sont en général constitués d’intellectuels socialement bien promus ; mais la réussite générant de l’ambition, ils explorent toujours de nouvelles perspectives. On peut néanmoins sérier ces groupes en trois catégories.
-La première est constituée le plus souvent de militants déçus par le caractère souvent versatile de l’opposition de leur pays. Ils se sont ainsi résignés à faire entendre leurs voix en dehors des cercles de la sphère politique.
- La seconde est constituée de déchus politiques, leur échec dans les sphères de l’État est ressenti comme une chute ou une déchéance sociale pour eux : ils diffèrent des premiers par leur expérience dans la gestion des affaires de l’État.
-La troisième catégorie est intermédiaire et hybride : elle est constituée d’intellectuels n’ayant jamais été préoccupés par des questions politiques et sociales jusqu’à leur promotion. C’est précisément la catégorie des écrivains et des enseignants du supérieur lorsqu’ils sont un peu dépassés par le train de l’histoire et qu’ils cherchent à le rattraper par tous les moyens.
Ces groupes ont en commun leur aspiration inavouée à bénéficier d’un partage du pouvoir sous forme de (yatal gueew gui) ou d’une promotion politique individuelle Ainsi, malgré leur aversion apparente et leur virulence envers le pouvoir politique en place, ils finissent toujours dans les couloirs du gouvernement comme technocrates ou comme Ministres conseillers. Leur promotion politique est souvent la raison de leur alignement inattendu dans les rangs du parti au pouvoir. Prudence et méfiance sont donc requises face à l’usage excessif, intempérant et parfois imposteur de cette notion de société civile.
Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès.
En Europe il y a des défenseurs des droits de l’Homme et des représentants de la société civile qu’on ne verra jamais siéger dans un quelconque gouvernement : pourquoi, dans notre pays, la frontière entre société civile et pouvoir politique est si perméable ? Pour aider à répondre à ces questions nous vous proposons ces quelques lignes que nous avons écrites et publiées il y a huit ans !
C’est que l’usage des notions obéit souvent à des préoccupations idéologiques et c’est une des raisons qui expliquent l’équivocité du concept de société civile. Mais on peut repérer quatre versants dans cette société civile sénégalaise.
-Premier versant : l’État libéral actuel, quoique conférant une plus grande marge de manœuvre aux citoyens, continue d’être un organe tutélaire au-dessus de ces derniers. C’est dans ce sens que l’aide publique au développement a été très vite repensée et réorientée. Conscients que cette manne financière n’était pas toujours bien acheminée vers les ayant-droits, les pays bailleurs ont créé ou encouragé les O.N.G. pour leur confier la mission d’une bonne répartition de cette assistance. Très vite ces O.N.G. ont proliféré de toutes parts et ont investi les différentes pistes que pouvaient prendre ces destinés à soulager les populations meurtries par les errements des politiques et une misère infinie. Ces O.N.G. sont apparues alors comme des « Messies » grâce à l’adresse de leur intervention, à leur connaissance du milieu des nécessiteux et à leur proximité avec les populations. Mais là où le bât blesse c’est que, même si elles travaillent au nom de la bonne gouvernance, leur genèse, leur organisation interne et surtout l’origine des fonds qu’elles gèrent n’est pas toujours au-dessus de tout soupçon. Or, au nom de la démocratie les citoyens devraient être en mesure de comprendre les mécanismes de fonctionnement et le niveau d’intervention de ces organisations. Mais le pire est que certains mouvements dits « citoyens » et quelques ONG sont devenus la main invisible des intérêts des pays occidentaux dans notre pays. Qui finance qui ?
- Le deuxième versant de ce qu’on appelle la société civile au Sénégal est incarnée par les organisations des droits de l’Homme qui se veulent de véritables sentinelles de la liberté humaine. Mais leur faiblesse réside dans l’étroitesse de leur champ d’action : elles sont totalement focalisées sur le pouvoir politique. Aussi, perdent-elles de vue l’existence de novelles et nombreuses agressions des droits de l’Homme dans les sphères de la religion, de l’économie et des relations internationales. Dans les fora internationaux le combat qu’on leur fait mener n’est souvent pas le leur : elles sont naïvement embastillées dans des luttes entre sociétés civiles et États du nord au lieu de s’exercer à avoir d’abord une lecture correcte des problèmes propres aux peuples du sud. Elles défendent ainsi des principes et des valeurs totalement opposés à leurs réalités sociales et culturelles pour les beaux yeux de leurs maîtres occidentaux (homosexualité, travail des enfants, etc.)
-Le troisième versant de la société civile Sénégalaise correspond à des groupes économiques et syndicaux. Ces groupes caractérisés par leur puissance économique (à l’instar de l’UNACOIS) ou par leur organisation corporative, constituent de véritables forces de réaction contre la politique soit archi libérale, soit trop interventionniste des États. Leurs rapports avec l’État sont souvent conflictuels et ils n’hésitent pas à s’allier avec l’opposition quand leurs intérêts sont en jeu. Leur grande faiblesse réside cependant dans une conception trop pauvre de l’exigence de sacrifice national et de lutte contre la pauvreté
-Le dernier versant de ce qu’on peut appeler la société civile sénégalaise est plus difficile à cerner à cause de son caractère hétéroclite. Il s’agit plutôt d’intellectuels dont le rôle est exercé dans les couloirs laissés vacants par les partis politiques aspirant à exercer la pouvoir. Ces groupes sont en général constitués d’intellectuels socialement bien promus ; mais la réussite générant de l’ambition, ils explorent toujours de nouvelles perspectives. On peut néanmoins sérier ces groupes en trois catégories.
-La première est constituée le plus souvent de militants déçus par le caractère souvent versatile de l’opposition de leur pays. Ils se sont ainsi résignés à faire entendre leurs voix en dehors des cercles de la sphère politique.
- La seconde est constituée de déchus politiques, leur échec dans les sphères de l’État est ressenti comme une chute ou une déchéance sociale pour eux : ils diffèrent des premiers par leur expérience dans la gestion des affaires de l’État.
-La troisième catégorie est intermédiaire et hybride : elle est constituée d’intellectuels n’ayant jamais été préoccupés par des questions politiques et sociales jusqu’à leur promotion. C’est précisément la catégorie des écrivains et des enseignants du supérieur lorsqu’ils sont un peu dépassés par le train de l’histoire et qu’ils cherchent à le rattraper par tous les moyens.
Ces groupes ont en commun leur aspiration inavouée à bénéficier d’un partage du pouvoir sous forme de (yatal gueew gui) ou d’une promotion politique individuelle Ainsi, malgré leur aversion apparente et leur virulence envers le pouvoir politique en place, ils finissent toujours dans les couloirs du gouvernement comme technocrates ou comme Ministres conseillers. Leur promotion politique est souvent la raison de leur alignement inattendu dans les rangs du parti au pouvoir. Prudence et méfiance sont donc requises face à l’usage excessif, intempérant et parfois imposteur de cette notion de société civile.
Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès.
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