Occasion ne pouvait être plus propice que celle des déclarations du porte parole du khalife général des mourides , à la lumière du contexte politique d’un Sénégal à la croisée des chemins, pour nous arrêter sur le rôle des confréries et guides spirituels.
Avant de nous mettre en chemin de réflexion, nous voulons dans nos propos liminaires rappeler le destin national du Sénégal qui est au dessus des particularités confessionnelles, ethniques, politiques et régionales .C’est pourquoi aucune prise de parole, prise de position, analyse ou déclaration dans ce sens ne sauraient être transcendantales, en- core moins s’imposer. Oui, rien n’est neutre ou désintéressé, tout est alignement, le tiers exclu ne peut exister encore moins toléré. Avant de revenir dans la courtoisie analytique qui sied à l’approche de ce sujet très sensible sans faillir aux exigences d’une exégèse digne de ce nom, nous voulons rappeler les durables relations entre les féodalités islamiques et le pouvoir politique depuis l’indépendance. Notre observation nous a fait voir que l’exercice de la spiritualité confrérique sous sa forme institutionnelle a été souvent un levier d’aliénation utilisé par les diverses puissances publiques qui se sont succédé au Sénégal depuis l’indépendance.
Participation responsable ou longue période de deal politico-syndical
Sous Senghor et plus tard sous Abdou Diouf, il y’avait l’arraisonnement du pouvoir syndical sous la pompeuse trouvaille conceptuelle de Participation responsable. Concept politique creux qui scellait le deal entre les syndicats et les centrales syndicales dont les leaders participaient aux gouvernements comme ministres. Doudou Ngom de l’UNTS, Madia Diop de la CNTS, Assane Diop de l’UNSAS ont été les différents ministres qui oint participé à ces gouvernements ou la collaboration syndicale a permis de mettre sous l’éteignoir les revendications ouvrières et professionnelles .De Cette longue période de deal politico-syndical a eu pour conséquence l’atomisation organisationnelle et une floraison de syndicats souvent lilliputiens avec une force de frappe quasi inexistante ; incapable de réagir au sabotage des avantages sociaux par les gouvernements successifs.
Les féodalités islamiques, cet autre bras séculier des gouvernements
L’autre bras séculier sur lequel se sont appuyés les gouvernements du Sénégal, notamment le régime social-démocrate de Senghor ce sont les féodalités islamiques dont l’influence certaine sur les masses électorales était convoitée par les politiques en échange de libéralités insoupçonnées. Oui, depuis tout le temps des droits et privilèges particuliers ont été accordés à ce corps social par rapport à la société dans son ensemble (franchise fiscale et douanière, tourisme médical avec prise en charge totale, immunité judiciaire, passeports diplomatiques, assiette foncière…).Donc de cette entente concertée ou de ce compromis spiritualo-politique scellé sont nés un accaparement de mieux être et une multiplication de privilèges de tous ordres. Ces deux deals entre politiques, religieux et syndicalistes ont très tôt dévoyé le serment républicain au point qu’au lieu de l’égalitarisme républicain nous avons eu droit à un républicanisme laxiste dont les conséquences désastreuses sur la construction de l’Etat-nation Sénégal qui peine à prendre forme sont aujourd’hui visibles.
Mame Dabakh, Baye Lahad, Gaindé Fatma, Al Makhtoum…
Pourtant, par le passé des voix de cet ordre spirituel se sont fait entendre chaque fois que la société était confrontée à des crises graves. Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh est l’icône de cette lignée de personnalités religieuses dont le parler franc louable était attendu par les sénégalais chaque fois que le pays traversait une période trouble. Il interpelait et admonestait les hommes politiques quelque soit la station qu’ils occupaient. Serigne Abdou Lahad Mbacké avec sa liberté de ton était un homme libre pour dénoncer ce qu’il pouvait, Cheikh Gaindé Fatma, Serigne Cheikh Al Makhtoum et tant d’autres guides spirituels ont marqué leur passage. Aujourd’hui au Sénégal, il faut être aveugle pour ne pas percevoir dans le débat politique les germes d’une révolution religieuse indépendante avec une volonté de s’émanciper des pouvoirs confrériques, dont le silence durable et inquiétant sur les problèmes actuels ou l’alignement à l’ordre politique régnant ne font plus l’ombre d’un doute. Un ordre spirituel dont la bouche obturée de libéralités, ligoté par mille liens de compromissions avec le système est incapable de renouer avec son identité traditionnel de régulateur social, malgré les appels de détresse à son endroit.
Nouvelle opinion juvénile à l’imparable volonté de changement
Ce fait surprenant totalement nouveau dans une société sénégalaise ou la direction spirituelle a longtemps été concédée aux confréries prenant la forme d’un anticléricalisme discursif, vire petit à petit au jacobinisme religieux dont les conséquences seront imprévisibles dans le devenir socialo-religieux sénégalais. L’incarnation populaire des guides spirituels a pris un sacré coup dont il ne se relèvera pas de sitôt. Le pouvoir spirituel se taisant et s’écrasant, récupéré par un pouvoir politique le gâtant de franchises de toute sorte, ne voit pas la naissance d’une nouvelle opinion juvénile dont la volonté de changement est imparable fera accoucher un Sénégal nouveau. Aujourd’hui, il importe à l’ordre confrérique de prendre en compte ce phénomène sociopolitique nouveau que le système tente de juguler en comptant sur leur engagement à leur côté en renouant avec un discours de vérité, dont l’équidistance ne pourra être remise en cause ou suspectée.
Accusation de collaboration avec le système en place
Sous ce rapport le sort d’Ousmane Sonko apparait comme une lanterne éclairante, car son lien avec la jeunesse est une indication certaine de la nouvelle volonté populaire, que les confréries dans leur totalité doivent prendre en compte si elles ont à cœur l’unité et la paix de la nation sénégalaise. Sous ce rapport la sortie du porte parole doit être analysée et comprise non pas sous l’angle d’un discours préparatoire au magal, mais comme un discours de prise de position sur la situation politique nationale, malgré son insistance sur son apolitisme et le caractère non associatif de sa confrérie. C’est pourquoi aussi cette déclaration du porte parole du khalife des mourides est considérée par certains comme une maladresse incompréhensible dans cette période de rébellion spirituelle et d’accusation de collaboration avec le système politique en place. Dire qu’il y a la paix au Sénégal et surtout qu’on la doit spécifiquement à son guide est une erreur d’appréciation monumentale, prise par certains comme une moquerie à la mémoire et à l’intelligence des sénégalais. Une déclaration qualifiée de démagogique car ne correspondant pas à la réalité vécue présentement par les sénégalais.
De quelle paix parle t-on alors ?
Qui ne se souvient pas de la délégation expresse de mars 2021 venant de Touba implorer devant le M2D l’arrêt de la pression insurrectionnelle, qui à coup sûr devait aboutir à la chute du régime ? Pourquoi penser pouvoir ignorer Ousmane Sonko dans la recherche d’une paix véritable ? De quelle paix parle-t-on alors ? De celle des huit cents sénégalais emprisonnés ? De la soixantaine de jeunes trucidés ? De Sonko victime d’un complot passé par pertes et profits ? De Sonko gazé, enlevé, séquestré, brigandé, emprisonné ? De la loi électorale cannibalisée ? De la justice complice ? Des Forces de défenses et de sécurité transformées en milices ? De la justice complice ? De la Casamance coupée du reste du Sénégal ? De cette œuvre législative honteusement haïssable consistant à réintégrer des débiteurs des deniers publics et d’exclure un autre par des combines nauséabondes ? De quelle paix parle-t-on alors ? De celle dont peut se réclamer le pilote de l’Enola Gay débarquant son tapis de bombes sur Nagasaki et Hiroshima ?
Redde Sonko quae sunt Sonkis
Tout le monde qui a vécu le chaos de mars 2021 ou la révolte populaire était à son niveau de basculement fatidique, sait que c’est à Ousmane Sonko et à lui seul, et à personne d’autre que le Sénégal à eu un retour à la paix. Si à Rome on pouvait dire Redde Caesari quae sunt Caesaris, au Sénégal on dira désormais Redde Sonko quae sunt Sonkis. Il ne faut jamais s’approprier le mérite de l’autre si on n’a pas le plaisir de le lui reconnaitre, même si l’audience du khalife n’est pas étrangère à ce dénouement de mars 2021. Personne ne peut à l’heure actuelle dans la recherche ou la construction de la paix au Sénégal ignorer Ousmane Sonko ou feindre de na pas voir son immense poids politique .Notre société malmenée par soixante ans de système politique socialo-libéral en voie de faire passer l’ordre spirituel d’antan à la légende a besoin d’un profond remaniement des idées et des valeurs.
Par Alioune Seck, Bargny
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