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Le report des élections très critiqué au Nigeria

L'annonce du report de l'élection présidentielle et des élections parlementaires au Nigeria a provoqué ce dimanche 8 février de nombreuses réactions critiques à l'égard du pouvoir et de la Commission électorale. Celle-ci avait annoncé samedi soir le report des scrutins, initialement prévus le 14 février.



Pour le candidat à la présidentielle Muhammadu Kiary, la décision de reporter le scrutin a pour but de perturber frauduleusement le processus électoral.
Pour le candidat à la présidentielle Muhammadu Kiary, la décision de reporter le scrutin a pour but de perturber frauduleusement le processus électoral.

Les scrutins n’auront pas lieu avant le 28 mars, soit six semaines après la date prévue. Pour justifier ce report, le président de la Commission a retenu l'argument avancé par le conseiller national à la sécurité, Sambo Dasouki, à savoir que la guerre contre Boko Haram dans le nord-est du pays empêche l'armée nigériane de se déployer sur l'ensemble du territoire pour assurer la sécurité du vote.

« Les raisons invoquées sont vraiment absurdes, explique Mohammed Kiary, chercheur à l'université Modibo Adam dans l'Etat de l'Adamawa (nord-est du Nigeria). Je ne vois pas du tout comment une insurrection qui envenime le pays depuis six ans peut être écrasée en six semaines. » Selon lui, un report global du scrutin à l’échelle du pays n’a aucun sens. « Ce report semble conforter ceux qui accusent le gouvernement de prendre comme prétexte la situation sécuritaire pour saborder le processus démocratique. »

Un report politique

Car pour les opposants, la vraie raison de ce report est politique. Le président sortant, Goodluck Jonathan, qui est candidat, et son parti, le PDP, chercheraient à gagner du temps. Selon les analystes, un délai supplémentaire pourrait en effet bénéficier au PDP. Avec quelques semaines de campagne en plus, le camp de Goodluck Jonathan pourrait regagner du terrain face à Muhammadu Buhari, son principal opposant. « Peut-être que l'équipe de campagne du candidat sortant souhaite mettre à profit ces six semaines pour affaiblir l'opposition et espérer qu'elle s'épuise sur le plan des finances et des ressources »estime Mohamed Kiary.

Muhammadu Buhari, le candidat du Congrès progressiste, est en effet considéré comme la menace la plus sérieuse pour le président, qui n’a aucune certitude quant à l’issue du scrutin. « Si vous suivez la situation politique au Nigeria, vous avez clairement l’impression que l’opposition a le vent en poupe, souligne ainsi Mohammed Kiary. Elle est en position d’inquiéter dans les urnes le camp du candidat sortant. Les analystes et les médias locaux et internationaux disent que ce sera l’élection la plus contestée qu’ait jamais connue le pays. Dans ce contexte, on peut se demander si ce n'est pas la peur de perdre qui est à l'origine de ce report. »

Les Etats-Unis « profondément déçus »

Muhammadu Buhari s'est d’ailleurs exprimé ce dimanche dans la soirée sur le report du scrutin, et accuse le pouvoir de perturber frauduleusement le processus électoral en brandissant la menace sécuritaire. Il met aussi en cause la Commission électorale, dont l'indépendance est selon lui gravement compromise. Muhammadu Buhari appelle toutefois ses partisans à rester calmes. Tout acte de violence, dit-il, pourrait mettre encore plus en danger la démocratie.

La société civile a également vivement réagi. Une vingtaine d'associations soupçonnent le pouvoir de vouloir « tronquer le processus démocratique ». Les Etats-Unis se disent « profondément déçus ». Le secrétaire d'Etat américain dénonce l'usage des problèmes de sécurité pour entraver le processus démocratique. Pour John Kerry, il est important que ce report ne soit pas suivi d'une autre modification du calendrier.

Pour le chercheur de l’université Modibo Adam, le délai ne changera rien à l'issue du vote. « D'après la veille que j'ai menée sur les réseaux sociaux et d'après ce que disent les médias locaux, les gens semblent disposés à accepter ce report de six semaines, [mais] je ne vois pas en quoi ces six semaines vont changer les choses. » Selon lui, les électeurs nigérians ont en effet déjà fait leur choix. « Il n'y a pas beaucoup d'électeurs indécis au Nigeria, les positions se sont déjà cristallisées des deux côtés. Ceux qui envisageaient de voter Goodluck Jonathan le 14 février ne vont pas changer d'avis et voter Muhammadu Buhari dans six semaines, et inversement, ceux qui soutiennent Buhari ne vont pas voter Jonathan le 28 mars. »


Rfi.fr

Lundi 9 Février 2015 - 12:54


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