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Les contrevérités du ministre Madické Niang



Les contrevérités du ministre Madické Niang


Le ministre Madické Niang a accordé une interview au journal L’AS des 23-24 janvier 2010. Interpellé sur « l’interdiction de la vente de certains livres au (Sénégal) », il répond sans sourcilier ceci : « Vous avez vu une décision d’interdiction ? C’est seulement des gens qui veulent faire la publicité de leurs livres qui disent cela. Je vous donne un exemple. Quand le livre de Latif Coulibaly est sorti, il m’a fallu simplement sortir quelques feuilles de mon livre pour pouvoir le neutraliser. Qu’est-ce qu’on dit après ? Que des libraires étaient menacés, un stock était bloqué à l’aéroport… Moi, j’attends. Car mon livre, le deuxième, a déjà été édité et le titre même, ″le piège de l’acharnement″, a été choisi. » Et le ministre de poursuivre à propos des livres interdits : « Vous savez, ces genres de livres, écrits pour déstabiliser le régime, ne font plus recette. Les Sénégalais ne les lisent plus. Et comme c’est le cas, on invente toutes sortes d’accusations. Ceux qui disent que leurs livres ont été interdits, je leur demande d’en produire la notification. Quand on a une notification, on peut l’attaquer devant les tribunaux … » Se mettant à la place des deux journalistes qui l’interrogent, il leur lance : « Vous avez vu une notification interdisant la vente d’un livre ? » Ces derniers répondant négativement, il poursuit, très à l’aise : « Non ! Vous savez, au Sénégal, le meilleur moyen de vendre son livre, c’est de dire qu’il est interdit. Pour le cas des livres, dès qu’on véhicule une telle thèse, chaque personne qui a un parent en France va lui demander de lui apporter un exemplaire …. »
Voilà ce que répond, sans sourcilier, le ministre Madické Niang à la question sur l’interdiction de certains livres au Sénégal. L’homme, à l’image de tous nos gouvernants, et à commencer par le premier d’entre eux, se moque de nous, nous prend pour des moins que rien et veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Les deux journalistes qui l’interrogeaient ne suivent peut-être pas de près la question des livres interdits. C’est pourquoi il était à la fête durant l’interview. Abdou Latif Coulibaly, Abdou Aziz Diop, l’auteur de ce texte et de nombreux autres compatriotes de l’intérieur comme de la diaspora qui en sont victimes, savent, eux, que le ministre Madické Niang raconte manifestement des histoires. Pour être plus précis, il ment, il ment sciemment et effrontément. « Vous avez vu une décision d’interdiction » ? « Vous avez vu une notification interdisant la vente d’un livre » ? Ce sont les questions-arguments faciles derrière lesquels s’abrite commodément notre ministre. Les gens qui parlent d’interdiction veulent faire de la publicité de leurs livres qui ne font plus recette et qui ne sont plus lus ! C’est, du moins, ce qu’il prétend. Et il a le toupet d’évoquer le livre d’Abdou Latif Coulibaly, « Sénégal, Affaire Me Seye : un meurtre sur commande » et son projet de livre-réponse « Le piège de l’acharnement ».
Rappelons qu’Abdou Latif Coulibaly a conclu son livre par cette terrible accusation : « Me Wade et ses proches sont les commanditaires de l’assassinat de Me Seye ». Ce n’était pas la première fois d’ailleurs qu’une telle grave accusation était portée contre les Wade et leur entourage. Profitant du sit-in organisé par les jeunesses du « Front Siggil Senegaal » devant le siège du Parti de l’Indépendance et du Travail (Pit), le leader de l’Alliance Jëf Jêl, Talla Sylla, crache un feu ardent sur Me Wade en ces termes : « Wade doit être arrêté, car c’est un criminel qui a fait assassiner Me Babacar Seye et a tenté de me faire assassiner. » C’était pour lui la énième accusation. Ainsi, il proclame à tout vent que « Me Wade et son épouse sont trempés jusqu’au coup dans l’assassinat de Me Seye ». Un autre contempteur de Me Wade, le leader de la Ligue démocratique, le Pr Abdoulaye Bathily, crache également du venin sur lui chaque fois que l’occasion se présente. C’est ainsi, qu’à l’occasion d’une conférence de presse organisée devant le siège de son Parti le mercredi 14 mai 2 008 ( ), il martelait : « Hier, il a signé l’assassinat de Me Seye, aujourd’hui, Wade est au summum de la sénilité. »
A toutes ces accusations gravissimes, Me Wade a toujours opposé un silence assourdissant, imperturbable, silence que mon ami et ancien professeur assimile à un mensonge d’Etat.
Ayant accédé à la magistrature suprême le 1er avril 2000, le nouveau président ne met pas beaucoup de temps pour conforter ses accusateurs. Il se comporte très tôt comme quelqu’un que l’on accuse publiquement d’anthropophagie et qui se cure les dents avec des jambes de nouveau né, en prenant trois actes suspects, troublants et qui ne laissent plus aucun doute quant à l’identité du ou des commanditaires de l’ignoble assassinat de Me Seye. Contre toute attente, en effet, il gracie les trois assassins du juge et fait voter par ses godillots de l’Assemblée nationale l’inique Loi « Ezzan » qui les blanchit totalement. Auparavant, il a dédommagé en sourdine la famille du défunt juge pour 250 millions de francs Cfa (600 selon Abdou Latif Coulibaly), alors que l’Etat n’était nullement en cause. Pour acheter son silence, avaient avancé certains observateurs ébahis.
Le ministre Madické Niang a été donc très mal inspiré d’évoquer le livre d’Abdou Latif Coulibaly pour conforter son argumentaire. Il remue ainsi inconsciemment le long couteau doré du ministre Awa Ndiaye dans une plaie encore loin d’être cicatrisée. A la parution du livre du journaliste d’investigation en décembre 2005, un premier lot de 600 exemplaires a échappé à la vigilance de la police et de la douane. Les deux grandes librairies de la place les vendent comme de petits pains en un week-end. C’est alors le désarroi et le branle-bas autour du président de la République. La réaction est immédiate : le douanier en service qui avait laissé passer le colis de livres est immédiatement relevé de ses fonctions. Les sbires de la présidence en firent voir de toutes les couleurs à l’un des deux libraires le plus vulnérable, plus exactement la plus vulnérable, puisqu’il s’agit d’une dame qui a été terrorisée. Les mesures de veille sont fortement renforcées à l’Aéroport Léopold-Sédar-Senghor. C’est alors que le ministre Madické Niang entre en scène, en sa qualité d’avocat de Me Wade dans cette lugubre et ténébreuse affaire, pour brandir son projet de livre-réponse, « Le piège de l’acharnement ». Il raconte dans son interview qu’il lui a fallu en sortir quelques bonnes feuilles pour neutraliser celui de M. Coulibaly. Il n’y a rien de plus faux : ce livre annoncé avec pompe et jamais publié n’a été d’aucun effet sur le brûlot qui les avait tous effarouchés et leur avait ôté le sommeil. Ils l’ont plutôt neutralisé en lui fermant hermétiquement les frontières nationales. Il n’est vendu aujourd’hui dans aucune librairie du pays.
De nombreux autres titres édités en Europe, en France en particulier, qui sont tant soit peu critiques vis-à-vis de l’immonde gouvernance libérale, connaissent le même sort. Entre autres exemples, nous pouvons citer :

1) Mamadou Seck, Les scandales politiques sous la présidence d’Abdoulaye Wade, L’harmattan 2005 ;

2) Mody Niang, Qui est cet homme qui dirige le Sénégal ?, L’Harmattan, 2006 ;

3) Toumany Mendy, Politique et puissance de l’argent au Sénégal. Les désarrois d’un peuple innocent, L’Harmattan, décembre 2006 ;

4) Babacar Sall, Le stagiaire. Roman d’un président de la République, L’Harmattan, janvier 2007 ;

5) Pape Moussa Samba, Le président Wade ou le génie solitaire, Editions Cjfb, janvier 2007 ;

6) Souleymane Jules Diop, Wade, l’avocat et le diable, L’Harmattan, 2007.

7) Abdou Aziz Diop, Une succession en démocratie : les Sénégalais face à l’inattendu, L’Harmattan, mars 2009 ;

8) Momar Mbaye, Sénégal, les dérives du Sopi. Bavures et médias en sursis, Edilivre.com, janvier 2010.

Il existe de nombreux autres titres qui ne sont vendus dans aucune librairie du pays, en tout cas pas dans les deux plus grandes qui ont la frousse aux fesses, à force d’être terrorisées par les sbires de la République bleue. Pendant ce temps, les livres qui encensent le despote illuminé et couvrent d’injures indécentes les « mal-pensants », font l’objet de toutes les attentions et de traitements manifestement de faveur, notamment de cérémonies de dédicaces tapageuses, largement couvertes par la minable télévision des Wade.
Je défie le ministre Madické Niang de m’indiquer une seule librairie où on trouve un seul des livres bannis. Le ridicule ne tuant point, il affirme, péremptoire, que « ces genres de livres, écrits pour déstabiliser le régime, ne font plus recette » et que « les Sénégalais ne les lisent plus ». Comment peuvent-ils les lire, puisqu’ils ne les voient point ? Les rares compatriotes qui profitent d’un voyage en France pour en acheter quelques exemplaires, les cachent au fond de leurs bagages comme de la cocaïne. Et s’ils ne font plus recette, pourquoi ne pas leur ouvrir les frontières nationales ? Ce ministre sait donc parfaitement qu’il raconte des histoires. Il reconnaît lui-même implicitement l’interdiction de la vente de nos livres au Sénégal. Le meilleur moyen, selon lui, de vendre son livre au Sénégal, c’est de dire qu’il est interdit. Et il s’enfonce davantage en faisant cet aveu : « Pour le cas des livres, dès qu’on véhicule une telle thèse, chaque personne qui a un parent en France va lui demander de lui apporter un exemplaire. » Pour se procurer donc un exemplaire, on profite du voyage d’un parent en France ! Nous qui sommes moins incohérents que le ministre-paravent de Me Wade, aurions préféré que nos livres fussent vendus sur tout le territoire national, plutôt qu’en France, à des milliers de kilomètres. S’ils ne peuvent être achetés qu’en France, c’est parce qu’ils ne peuvent pas l’être chez nous, où ils sont interdits.
Pour se donner bonne conscience, notre ministre-cuillère de Me Wade lance le défi qu’on lui présente une notification interdisant la vente d’un livre. Il sait que son collègue de l’Intérieur s’est bien gardé de prendre un arrêté d’interdiction des livres bannis. La sale besogne est confiée à la douane et à la police. Et comme le ministre exige un exemple concret, je m’en vais lui en administrer un parmi de nombreux autres.
Tous les colis de livres qui arrivent à l’aéroport ou au port de Dakar sont désormais traqués, ouverts et minutieusement vérifiés. Dès qu’un titre porte le nom de Me Wade ou fait allusion à son infecte gouvernance, il est mis de côté, lu et confisqué sans autre forme de procès, si le contenu est tant soi peu critique. Le dernier livre de mon ami Abdoul Aziz Diop cité plus haut, a été victime de cette monstrueuse censure. Il faisait partie d’un colis de cinq autres titres, commandés par la librairie Athéna. Après vérification, la Direction de Surveillance du Territoire (Dst) du Ministère de l’Intérieur a écrit noir sur blanc sur la facture de L’Harmattan destinée à la librairie Athéna ce qui suit : « Ok pour le reste, à l’exception de ″succession en démocratie″ », avec « Vue au 2e bureau », plus cachet et signature. Les quatre livres autorisés sont cochés. N’est-ce pas là une notification d’interdiction ? L’information peut bien être vérifiée auprès de la librairie Athéna ou de l’auteur du livre interdit, qui a d’ailleurs porté, sans illusion, l’affaire devant la justice. Tous les livres critiques à l’endroit des Wade et de leur gouvernance meurtrie connaissent le même sort. Parfois, seul le nom de l’auteur du livre suffit pour déclencher le mécanisme digne des pays de l’Est des années 50. Ainsi, le roman d’Abdou Latif Coulibaly, « La ressuscitée », a été confisqué pendant plus d’un mois, pour vérification du contenu.
Je le répète donc avec force : le ministre Madické Niang raconte donc manifestement des histoires, des contrevérités, des mensonges. Les livres écrits par les « mal-pensants » et édités hors du Sénégal font bien l’objet d’interdiction. Ceux qu’ils éditent au Sénégal, après mille difficultés, sont également traqués et ne sont en vente dans aucune de nos librairies, à l’exception notable d’Athéna . Celle-ci, persévérante, a fait une nouvelle commande, en nombre limité, du livre d’Abdou Aziz Diop. Le colis arrivé à Dakar a été encore confisqué. Voilà la vérité qui crève les yeux, sauf peut-être ceux du ministre Madické Niang. Ne dit-on pas qu’il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut rien voir en fermant hermétiquement les yeux ?
Il est vrai que rien ne nous étonne ni ne nous indigne plus de la part de ce ministre-cuillère de Me Wade qui déclare sans état d’âme, pour justifier une énième fois la modification de la Constitution, que celle-ci « est faite pour être tripatouillée ». Rappelons quand même à notre ministre que le Petit Larousse définit ainsi le verbe tripatouiller : « 1) manipuler, tripoter avec insistance ou maladresse, patouiller ; 2) modifier dans une intention malhonnête, frauduleuse ; falsifier, trafiquer. » Au moment où il faisait cette déclaration, M. Niang était Ministre d’Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. La Constitution sénégalaise est donc faite pour être tripatouillée et Me Wade la tripatouille à sa convenance depuis son accession à la magistrature suprême. Rappelons aussi que le même Madické Niang, tout nouveau Ministre des Affaires étrangères, s’est encore tristement signalé au moment de la cérémonie solennelle de passation de service avec son remplaçant à la tête du Département de la Justice, le Pr Moustapha Sourang. Au beau milieu de son discours, il n’a pas hésité un seul instant à déclarer devant une assistance ébahie, qu’il se débarrassait un moment de son manteau de ministre de la République, pour revêtir celui de talibé mouride, car il s’adressait à son marabout. Le Pr Sourang est, en effet, descendant de la lignée de Cheikh Ahmadou Bamba.
Ces deux attitudes antirépublicaines ne surprennent que ceux qui ne suivent pas de près ce ministre. A l’occasion des nombreux déplacements politiciens de Me Wade à Touba, nous le voyons à la télévision se comporter plus en véritable bëkk nèek (chambellan) qu’en ministre de la République. Il est bien en meilleure posture dans la peau du premier que du second. Que cet homme nie donc l’évidence en affirmant qu’aucun livre n’est interdit au Sénégal ne doit plus surprendre personne ! Il s’inscrit dans la logique de tous les courtisans de la République bleue qui sont prêts à justifier toutes les initiatives de celui qui leur distribue gracieusement les prébendes. Ils n’hésiteraient pas un seul instant à rivaliser d’ardeur à lui apporter des milliers de bidons d’essence et de boîtes d’allumettes si jamais, à l’image de Néron, il décidait de mettre le feu à Dakar. Sait-on jamais d’ailleurs ?
C’est le lieu, après avoir confondu ce ministre d’un genre particulier, de nous arrêter un peu sur les services de la douane et de la police qui acceptent de jouer les rôles peu valorisants dans cette affaire d’interdiction des livres au Sénégal. Le Ministre de l’Intérieur doit prendre ses responsabilités et signer, s’il y a lieu, un arrêté pour interdire carrément un livre. C’est plus honnête et plus républicain que de s’abriter derrière des seconds couteaux. La police et la douane en particulier sont attendues sur un autre terrain, sur d’autres missions bien plus nobles, bien plus républicaines : la lutte contre l’insécurité, la délinquance, le trafic de drogue, le blanchiment de l’argent sale, etc, qui constituent de sérieuses menaces pour notre pays. Certains délinquants de la République bleue (ministres, directeurs de services et d’agences, etc) qui pillent nos maigres ressources en passant des marchés de gré à gré pour des clés Usb d’un giga, des couteaux de cuisine, des cuillères à soupe, des tapis de prière, une cuisinière grand modèle, etc, respectivement pour des prix unitaires hors Tva de 97500, 42000, 37500, 15850 et 2115000 francs Cfa. Non, ce n’est pas un rêve : c’est bien la triste réalité qui prévaut chez nous depuis le 1er avril 2000. Ces prédateurs, les vrais, peuvent bien utiliser le salon d’honneur de l’Aéroport international de Dakar, pour aller planquer les fruits substantiels de leurs forfaits dans les paradis fiscaux. La police et la douane seraient bien plus utiles au pays en traquant sans merci ces délinquants et de nombreux autres, plutôt que de dissoudre leur temps dans la chasse à nos pauvres livres, où nous ne faisons qu’exprimer notre opinion sur la manière dont nous sommes gouvernés. C’est notre droit le plus absolu et personne ne devrait s’employer à nous en priver, tant que nous restons dans les limites fixées par la Loi.

MODY NIANG, e-mail : modyniang@arc.sn

Charles Thialice SENGHOR

Jeudi 4 Février 2010 - 17:49


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