Critiqué pour le coût de la statue monumentale «la Renaissance africaine» inaugurée le week-end dernier à Dakar, le président sénégalais Abdoulaye Wade a tenté de donner le change en jouant sur la corde patriotique. Il n'est pas le premier ni le dernier dans l'ancien «pré carré», et le jubilé des indépendances africaines vis-à-vis de la France donnera peut-être lieu, dans les mois qui viennent, à un concours de rhétorique en la matière. Dimanche, donc, à l'occasion des 50 ans d'indépendance du Sénégal, le vieux président, 83 ans, a déclaré que Dakar «reprenait toutes les bases» militaires françaises dans ce pays.
Dans les faits, cette déclaration ne change pas grand chose: la France n'a jamais été propriétaire des terrains où sont installés quelque 1200 militaires, et pour l'heure la base reste telle quelle. Les deux pays continuent de négocier le passage de relais, l'ex-puissance coloniale souhaitant conserver des «facilités» militaires à Dakar. En fait, tout porte à croire que Wade n'a guère apprécié la manière de faire de Paris.
Comme il l'a redit, dimanche, dans une interview au JDD.fr, c'est en Afrique du Sud, en février 2008, et pas au Sénégal, chez son ami Wade, que le chef de l'Etat français a annoncé sa volonté de fermer certaines intallations sur le continent.
Pour des raisons budgétaires et géostratégiques, Paris a décidé de ne garder qu'une seule base militaire sur la façade atlantique du continent africain: celle de Libreville, au Gabon. Les bases de Dakar et d'Abidjan vont donc fermer. La France conservera trois bases militaires permanentes dans cette partie du monde: outre celle du Gabon, elle sera présente à Djibouti et à la Réunion. Au Tchad, elle dispose de forces depuis plus de vingt ans, mais dans le cadre de l'opération militaire «Epervier».
Dès le début de son discours, dimanche, le chef de l'Etat sénégalais a annoncé la couleur: «Cette année sera différente des autres. En effet, après notre indépendance formelle, notre gouvernement de l'époque avait consenti à l'ancienne puissance coloniale des bases militaire, terrestre, aérienne et navale, sur notre territoire». Avant d'ajouter: «Au fil des années, cette situation a paru de plus en plus incongrue et a été souvent ressentie, par nos populations, singulièrement les jeunes, les cadres et l'armée, comme une indépendance inachevée.»
La présence de militaires français à Dakar, même si elle a effectivement quelque chose d'anachronique, fait-elle vraiment partie des préoccupations des jeunes du Sénégal? Cela reste à démontrer. A Dakar et dans le reste du pays, les jeunes déplorent surtout le manque d'emplois, et chaque année nombre d'entre eux tentent de rallier l'Europe par tous les moyens, au péril de leur vie.
Abdoulaye Wade n'a pas grand chose à leur proposer. Ce qui ne l'empêche pas de vouloir se représenter à la présidentielle de 2012, il aura alors 85 ans. Il prépare aussi sa relève en tentant de mettre sur orbite son fils, Karim Wade. Bien que battu aux municipales de Dakar en mars 2009, le rejeton a été nommé à la tête d'un «super ministère» de la Coopération, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures par son papa. Un ministre qui se déplace souvent à Paris, histoire -peut-être- de préparer l'avenir, au-delà des bisbilles entre Paris et son père.
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