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Makhily GASSAMA, l’un des initiateurs de la pétition pour la paix en cote d’ivoire, s’exprime sur la crise ivoirienne

... En tirant les leçons de notre histoire récente, les initiateurs de la pétition disent "NON à un nouveau Rwanda, à un nouveau Congo des années 60, à un Biafra du XXIè siècle, à un nouveau Libéria, à une réédition des guerres fratricides angolaises… "



Makhily GASSAMA, l’un des initiateurs de la pétition pour la paix en cote d’ivoire, s’exprime sur la crise ivoirienne
Trois intellectuels africains sont à l’origine de cet appel, de cette pétition. Martial Zé Belinga, Economiste, sociologue, auteur de: «Barack Obama, Prophétie de légalité des races humaines», chez Anibwé, Bamba Sakho, Docteur en sciences et diplômé en économie, Makhily Gassama, professeur de lettres certifié de classe exceptionnelle, ancien ministre de la culture et ancien ambassadeur du Sénégal.

Au regard des enjeux sur la crise ivoirienne qui parle à tous les africains, nous avons eu le privilège de rencontrer l’ancien ambassadeur, premier conseiller culturel du Président Senghor, qui s’exprime dans nos colonnes sans détour, sur les motivations de la pétition pour la paix en Côte d’ivoire.


Cameroon-Info.Net: Vous êtes l’un des initiateurs de la pétition pour la paix en côte d’ivoire; avant de parler de cette pétition, dites-nous votre sentiment sur la crise ivoirienne.


Makhily Gassama: Je pense qu’il est temps que nous apprenions courageusement, dans cette partie de l’Afrique située au Sud du Sahara, à tirer les leçons de l’Histoire, les leçons du passé sans lesquelles nous continuerons à être menés par des puissances extérieures. Coopérer avec d’autres hommes d’autres parties du monde est une chose, dépendre exclusivement d’eux en est une autre. Nous dépendrons d’eux tant que nous persisterons à refuser de tirer les leçons du passé, surtout du passé récent. Il ne s’agit pas seulement de connaître l’Histoire dans ses moindres détails et de la répéter dans les amphithéâtres de nos universités comme des perroquets ; il s’agit aussi et surtout pour nos pays dits «en développement», d’en tirer les leçons nécessaires à nos efforts de développement.

On est stupéfait quand on pense aux circonstances dans lesquelles nous avons été surpris par les grands détours de l’Histoire dont nous sommes pourtant acteurs, détours qui se sont souvent forgés grâce à notre sueur ou à nos ressources naturelles. Il en est ainsi de la traite négrière avec la formidable industrialisation du monde occidental qu’elle a permise ; il en est ainsi de la colonisation qui a offert à l’Europe les puissants moyens de ses ambitions économiques ; nous sommes en train de vivre le début d’un gigantesque détour de notre Histoire, celle de notre globe : la mondialisation. On me dira qu’elle n’est pas nouvelle. Oui, elle n’est pas nouvelle, elle a débuté depuis que les différentes tribus humaines ont compris la nécessité d’échanger entre elles des biens de consommation, en temps de paix, pour l’épanouissement des unes et des autres. Cette mondialisation-là est rudimentaire, elle n’est pas systématiquement élaborée, réfléchie, comme la mondialisation en cours. En 2011, l’Afrique subsaharienne y est-elle préparée ?


En tirant les leçons de notre histoire récente, les initiateurs de la pétition disent « NON à un nouveau Rwanda, à un nouveau Congo des années 60, à un Biafra du XXIè siècle, à un nouveau Libéria, à une réédition des guerres fratricides angolaises… »


La Côte d’Ivoire est loin d’être insignifiante comme pays dans la sous-région. Aucun Africain digne de ce nom ne peut être étranger à ses souffrances. On peut dire qu’elle est au centre de nos activités économiques. Certains pays de l’Afrique y sont massivement représentés par leurs mains d’œuvres qualifiées et non qualifiées. Elle est franchement accueillante. Envoyer, dans un tel pays, des forces armées de la sous-région, des forces des pays voisins, pour régler un conflit interne, aussi grave qu’il soit, relève de tout sauf de la sagesse et du simple bon sens. L’attitude des initiateurs de la pétition n’est dictée par aucune préoccupation partisane dans le conflit.


CIN: Que pensez vous de la couverture médiatique de la crise ivoirienne en Europe, quel positionnement l’occident et la « communauté internationale » doivent-ils adopter aujourd’hui pour conserver leur crédibilité ?

Makhily Gassama: Ce qui pèse sur l’Europe, c’est le poids de son passé ; ce poids la rend souvent sourde et aveugle. L’Europe a vieilli et elle continue à s’accrocher à des recettes qui ont certes fait leurs preuves dans le passé, mais qui sont usées, caduques et souvent ridicules à nos yeux. Devant les questions africaines, il n’y a pas de renouvellement de la pensée ; c’est toujours les mêmes approches. Pourquoi ? Parce que, comme le président français Sarkozy, l’Europe ne connaît qu’une Afrique : celle qui est éternelle, immuable, qui n’évolue pas, qui ne change pas, une usine à fabriquer de « grands enfants », prompts à obéir soit, hier, sous le fouet, soit, aujourd’hui, sous les flatteries, de « grands enfants » merveilleusement aptes à être manipulés dans tous les sens. Des marionnettes, quoi ! Les médias d’Europe, singulièrement ceux de la France, ne se rendent pas compte que l’Afrique change, que l’Afrique, ce n’est pas ses élites politiques, manipulables, que ce ne sont pas non plus leurs porte-voix sur les antennes de leurs machines à fabriquer des régimes politiques, porte-voix manifestement inconscients.

Les médias ont créé une grande confusion dans la crise ivoirienne. Ils servent mal la cause du candidat qu’ils ont maladroitement plébiscité. Ils ont porté atteinte, dans l’opinion africaine, à la crédibilité de ce candidat qui, pourtant, contrairement à eux, est souvent calme, serein, maître de lui-même. Ai-je tort ? Je le souhaite. Je pense sincèrement que si l’Europe s’était effacée derrière l’ONU et que si celle-ci avait mené son rôle avec une certaine prudence, qui n’exclut pas la rigueur, la situation aurait été autre. Que faire maintenant ? Eh bien, le dialogue ! Rien n’est impossible. Tout n’est pas épuisé. Aux médias européens, surtout français, on a envie de crier : « Silence, on dialogue ! » La force, qu’elle vienne de la CEDEAO ou de l’ONU, ne résoudra rien sinon allumer l’incendie de la guerre civile, qui n’épargnera pas la tranquillité des pays voisins.


CIN: comment est née l’idée d’une pétition, à qui allez vous la porter ?

Makhily Gassama: C’est pour toutes les raisons que je viens d’évoquer et celles qui ont été évoquées dans le texte de notre appel, qu’est née l’idée d’une pétition. Les initiateurs redoutent, certainement pas à tort, une intervention militaire en Côte d’Ivoire; ce pays est, pour nous Africains au sud du Sahara, comme dit l’Autre, «la chair de notre chair». Que voulez-vous qu’on souhaite à ce beau et généreux pays sinon la paix, «la paix seulement» ?


CIN: Une signature en face d’un nom sur une feuille de papier est une preuve bien concrète; une pétition en ligne est-elle légale, quel impact pourra-t-elle avoir aux yeux de ceux vers qui vous la porterez ?

Makhily Gassama: Je ne suis pas du tout de cet avis. On peut tricher aussi avec les signatures sur papier. La preuve, c’est que partout en Afrique les procès verbaux, sortis des urnes, sont contestés. Le culte du papier est de toute façon fini. Il appartient à notre génération. La génération actuelle, née dans les nouvelles technologies, se servira de celles-ci comme nous nous sommes servis du papier. Je ne dis pas que le papier disparaîtra de notre civilisation. Vous savez comment le candidat Barack Obama a su exploiter la puissance et la crédibilité des nouvelles technologies de l’information, surtout de l’Internet. Depuis, tous les hommes politiques se sont lancés dans cette nouvelle aventure sur la scène politique.

Les signatures de la pétition en ligne sont aussi crédibles que les signatures sur papier comme vous dites. Cette pétition s’adresse à tout le monde : aux Nations Unies, à ce qu’on appelle improprement « la communauté internationale », à la CEDEAO, à l’UA, aux Africains… Nous l’adresserons particulièrement à l’UA, à la CEDEAO, aux Nations Unies, à l’U E.


CIN: Prôner la paix ne peut être que louable; si vous étiez ambassadeur, auriez vous eu cet engagement qui ne tranche pas avec la position du Président Wade ?

Makhily Gassama: Mais quoi ! Je peux être un admirateur du président Wade, accorder du respect à ses idées, mais je ne serai jamais son esclave pour le suivre les yeux fermés, comme, durant toute ma carrière, je n’avais été l’esclave de personne, même pas de Léopold Sédar Senghor quand j’étais son conseiller culturel. Je n’ai pas de goût pour la servitude. Par contre, quand on exerce certaines fonctions étatiques ou internationales, il y a le devoir de réserve. Je n’aurais pas été initiateur ou signataire d’une pétition de ce genre si j’étais en poste dans une ambassade non pas par peur, mais par devoir de réserve.

Il faut cependant reconnaître que, quel que soit le poste qu’on occupe, l’on peut mener énergiquement des actions significatives dans la défense de certaines grandes valeurs comme la justice, la démocratie, bref dans la défense des droits de l’homme. De 1989 à 1993, j’étais Ambassadeur du Sénégal en Guinée - Conakry. Sur sa demande, j’ai accordé l’asile politique à l’opposant Alpha Condé, actuel président de la République de Guinée parce que sa vie était menacée pour des raisons d’opinion. Je ne le connaissais pas. Je n’étais pas obligé de lui accorder l’asile politique, de vivre et souffrir avec lui et ma famille pendant plus d’un mois à la Résidence de l’Ambassade du Sénégal, alors encerclée par les anti-gangs 24h sur 24. J’aurais été d’autant plus excusable en lui refusant l’asile politique qu’on connaissait, que je connaissais le sort réservé au premier ministre du président Sékou Touré, Louis Lansana Béavogui, qu’une grande Ambassade n’avait pas pu protéger après le coup d’Etat militaire. Je n’ai agi que par conviction. J’ai mis ainsi gravement la vie de ma famille, celle de mes collaborateurs et de leur famille, et aussi la mienne en danger, comme le soulignait, dans un ton à la fois coléreux et chargé d’indignation, le président de la République, Lassana Conté, devant le ministre sénégalais des Forces Armées. C’est vous dire que partout où nous sommes, hormis la tombe, on peut œuvrer pour l’Afrique, car le chantier est vaste, énorme.


CIN: Vous êtes co-auteur du livre 50 ans après, quelle indépendance pour l’Afrique ? (Editions Philippe Rey, Paris, 2010) ; au vu de votre engagement, peut-on dire que la crise en Côte d’ivoire n’est pas seulement une crise ivoiro- ivoirienne ?

Makhily Gassama: J’ai comme l’impression qu’il y a beaucoup de non-dits dans cette crise. Le jour où l’histoire de la crise ivoirienne se fera avec objectivité, loin des manipulations des médias, il y aura beaucoup de surprises, de regrets et de remords. Et, assurément, elle se fera un jour avec objectivité. Ce jour-là, on comprendra certainement ceux qui s’étaient opposés, en dehors de tout esprit partisan, de toute passion, à une intervention militaire, surtout étrangère.

J’ai déjà dit, en d’autres termes, que cette crise n’est pas une crise ivoiro-ivoirienne ; elle concerne toute la sous-région quant à ses répercussions, ses méfaits. Elle est ivoiro-ivoirienne quant à sa résolution. Les autres, institutions internationales ou pays, ne peuvent qu’y apporter leurs contributions. Il n’est pas question qu’ils se croisent les bras ; mais il n’est pas question non plus qu’ils s’appuient sur leurs forces militaires pour résoudre ce conflit, interne au pays, puisqu’ils ne résoudront rien avec les armes.


CIN: Anthologie de la pensée de Léopold Sédar Senghor est un essai critique en préparation. qu’est-ce qui motive la rédaction de cet essai aujourd’hui ?

Makhily Gassama: Cette anthologie sera critique. Vous savez, je n’aime pas les sentiers battus. Ce ne sera pas une anthologie traditionnelle. Ce sera un essai-anthologie pour ainsi dire, dans le moule de mon premier ouvrage, Kuma /Interrogation sur la littérature nègre de langue française, paru aux NEA, en 1978 ; ce n’était pas une anthologie, mais un essai-anthologie.

Pourquoi cet essai-anthologie ? La personnalité de Léopold Sédar Senghor m’a toujours intrigué. D’abord l’adversité, puis la proximité, finalement l’amitié n’ont rien changé à l’affaire. Il faut reconnaître que le personnage n’a toujours pas été « vrai ». Il est souvent pris, en bien ou en mal, pour ce qu’il n’était pas. Ses relations avec la France, par exemple, sont plus complexes qu’on ne croit. Senghor et l’Afrique ? voilà une autre question qui n’est pas simple. Lui-même, par certaines déclarations de circonstances, ne nous aide pas non plus à le comprendre. En outre, sa pensée, qu’on l’accepte ou qu’on la réfute, est fortement d’actualité. Il ne faut pas tout réduire au concept de négritude.


CIN: Merci à vous de nous avoir accordé cette interview. Un dernier mot ?

Makhily Gassama: Mon vœu est que nous acceptions, en Afrique au sud du Sahara, la critique et l’autocritique. C’est le lit de la démocratie. Pourtant, nous y sommes allergiques alors que nous savons bien qu’il n’existe pas un pays harmonieusement développé qui ignore la culture de la critique. Je ne dis pas un pays riche : un pays peut être riche sans être développé.

Cameroun-info.net

Mercredi 16 Février 2011 - 09:11


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1.Posté par BOHOUSSOU Kouassi Deny le 16/02/2011 12:36
Je félicite ce monsieur, je prie que Dieu suscite des africains dignes, intellectuels et fiers comme lui.

2.Posté par plasco le 18/02/2011 05:59
Je vous admire et pourtant c'est la première fois que je vous lis.Vous ¸etes vraiment sage mon ExcellenceL'Afique a vraiment besoin des gens comme vous.Que Dieu vous garde.Effectivement comme vous l'avez souligné,le problème ivoirien cache beaucoup de non dits et chaque jour moi-meme qui suis ivoirien,je me pose la même question et cherche quelqu'un pour mieux m'informer.Car je ne comprends pas pourquoi cela nous arrive.

3.Posté par YEBGA le 24/02/2011 11:02
merci Mr l'ambassadeur les dirigeants africains pour se developper doivent penser à leur peuple puisque la sevitude s'est de l'histoire

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