L'armée nigériane est dépassée. Depuis l'exécution de son chef spirituel Muhamed Yusuf en 2009, Boko Haram est passé d'un groupe religieux, à une redoutable insurrection jihadiste face à la répression de l'armée. Pour Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria et auteur d'un ouvrage collectif sur Boko Haram, cette armée est inadaptée à la situation sécuritaire dans le nord du Nigeria.
« Guerre asymétrique »
« Une guerre asymétrique, c'est extrêmement compliqué à gagner pour une armée régulière. Il y a aussi des problèmes qui tiennent à l'acceptation de l'armée régulière par la population après avoir tué beaucoup de civils qui sont autant touchés par les massacres de Boko Haram que ceux de l'armée, explique le chercheur. Au-delà, on est dans le cadre d'un Etat faible et l'armée est corrompue. Au Nigeria, cela ne vaut pas que pour Boko Haram puisqu'il y a eu des précédents pour d'autres groupes rebelles comme le Mend dans les zones productrices de pétrole dans le delta du Niger dans le sud à dominante chrétienne et on s'est rendu compte que le principal fournisseur d'armes, c'était finalement l'armée qui vend les armes au marché noir. Depuis l'instauration de l'état d'urgence dans cet Etat du Borno en mai 2013, le Nigeria a engagé des sommes faramineuses dans la lutte contre le terrorisme. Près de 23% du budget de l'Etat est consacré aux forces de sécurité. Donc il y a énormément d'argent engagé, mais très peu qui arrive sur le terrain ».
Incapable de retrouver les jeunes filles enlevées, Goodluck Jonhatan se retrouve sous pression dans son pays et fait appel à l'aide de la communauté internationale. La première réponse positive est venue de Washington qui annonce l'envoi d'experts et de militaires au Nigeria. Cette « équipe interdisciplinaire », dont le nombre n'est pas précisé, doit participer aux recherches des lycéennes. Sur la télévision américaine, Barack Obama qualifiait ce rapt massif revendiqué par Boko Haram de « situation révoltante » nécessitant une « mobilisation internationale ». Mercredi, la France a annoncé elle aussi l'envoi immédiat d'une équipe technique tout en gardant la discrétion sur sa composition. Car une implication, trop visible de la communauté internationale pourrait avoir un effet contreproductif.
Globaliser la stratégie de Boko Haram
Pour le moment, Boko Haram a toujours concentré ces activités sur le Nigeria, mais une intervention occidentale pourrait, selon Gille Yabi, consultant en sécurité pour la région, pousser Boko Haram à globaliser sa stratégie : « Dès lors qu'il y a davantage d'implication militaire extérieure et occidentale, cela ne peut qu'alimenter le discours d'un groupe comme Boko Haram et également récupéré par ce qu'il reste d'al-Qaïda au Maghreb islamique et pousser à cette régionalisation qui a été longtemps crainte, mais pas été concrètement démontrée. Cela dit, on ne peut pas dire qu'une aide internationale ne pourrait pas aider le Nigeria à mieux lutter contre Boko Haram, sans doute pas par des interventions militaires massives qui ont montré leurs limites, mais plutôt par une meilleure capacité à avoir du renseignement sur les leaders ».
Et d'ailleurs, la Grande-Bretagne qui réfléchit en ce moment à une aide est déjà intervenue au Nigeria, mais les forces spéciales britanniques en gardent un très mauvais souvenir. En 2012, leur intervention pour libérer un ingénieur britannique et un Italien fut un échec. Les deux otages avaient finalement été exécutés.
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