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Note de lecture - "Hivernage" de laurence gavron, Chronique d’un drame

Un petit sac à la main, enlacée dans un pagne au style mauritanien avec la tête bien couverte, le visage détourné, un regard scrutant l’on ne sait quel horizon est imaginé derrière ce facial, Mariama marche dans une eau à la couleur bizarre. Mariama, l’héroïne du roman intitulé «Hivernage». De l’autre côté de la rive les pieds de la jeune fille. Ces pieds plongés dans l’eau et qui ne se voient pas. L’ensemble constitue la photo de couverture du dernier roman policier et le second du genre de l’écrivaine sénégalaise d’origine française Laurence Gavron. Un message est délivré dans ce scénario de photo. Tout finit par se voir et se savoir. Voila ce que l’auteur d’«Hivernage» veut inculquer à ses lecteurs. Un message qui se ne perçoit pourtant qu’au bouclage des 267 pages que constitue l’ouvrage édité aux éditions du «Masque» et qui n’est qu’une continuation du premier roman policier de Gavron, «Boy Dakar».



Note de lecture - "Hivernage" de laurence gavron, Chronique d’un drame
En effet, c’est le commissaire Souleymane Jules Faye alors inspecteur dans Boy Dakar, qui mène ici l’enquête en tant que commissaire du district de la Médina. Médina, un populeux quartier de Dakar où s’est déroulé un crime des plus odieux. Un sexagénaire du nom d’Issa Thiam dépeint par ses voisins et parents comme quelqu’un « de ni bon, ni mauvais » comme écrit dans le livre a été retrouvé mort dans sa chambre, un matin d’hivernage. Assassiné et émasculé dans son appartement. «La scène n’était pas belle à voir (. . .). La tête, renversée sur le côté avait gardé les traces d’un rictus de souffrance, une souffrance horrible, difficilement imaginable. Il n’y avait plus entre ses jambes qu’une masse de sang coagulé, noir, mélangé à des lambeaux de chair déchiré, là où se trouvait auparavant un sexe». C’est ainsi que plongeant les lecteurs dans un genre qu’elle maîtrise bien, Gavron décrit la scène du crime. Un crime qui laisse présager aucune piste a priori. L'unique indice et qui ne tenait que sur le bout d’un fil était des griffures sur le visage de la victime. Ce qui laissait prétendre que l’auteur de cet acte peut bien être une femme. Une simple hypothèse. Rien de certain.

Par ailleurs, la victime s’avère être l’oncle d’un célèbre jeune journaliste, Bokar Ndiaye du quotidien Sénégal-Matin. Dans un commentaire dont la mort de son oncle est le prétexte, ce rédacteur en chef se demande, «comment en est-on arrivé à descendre si bas, pour perdre ces grandes qualités de la culture sénégalaise, le jom, le fayda, le ngor ?». Ce dernier avait une liaison avec une jeune métisse, photographe de profession du nom de Léocady. Le travail de cette dernière la mènera auprès d’une des cousines de son compagnon établie à Louga. Une jeune paysanne aux abords anodins mais à l’histoire intéressante. Très fière mais aussi très belle, Mariama en a plus qu’à raconter dans l’encyclopédie da sa courte vie. Son mari établi à Turin l’a épousé après avoir vu une de ces photos sur laquelle elle s’encombre de fioritures. Après le mariage ce dernier est venu passer un bon mois avec sa dulcinée. De retour dans son pays d’accueil, il n’appelle qu’une fois le mois. Mais ceci ne semble guère déranger Mariama. Ici, Laurence tente de montrer comment vivent les femmes d’émigrés.

Très liée à ses parents, Mariama Mbaye Seck ne rate jamais les cérémonies familiales. C’est ainsi qu’à la mort de sa tante Aminata, épouse de son oncle Issa Thiam, elle s’est rendue naturellement à Dakar présenter ses condoléances.
L’irréparable s’y produit. Son oncle la souille et la dépouille de son innocence. Issa ne trouve rien de mieux à faire que de violer sa petite nièce.

De retour à Louga, Mariama mûrit un plan. Elle s’enrage un rendez-vous avec son violeur et commettra l’irréparable. Elle tue son oncle, l’émascule et voit à travers son crime sa vengeance. Mais, ce n’est pas fini. De son viol, elle a contracté une grossesse. Cet enfant, qui pourtant n’a pas demandé à naître mais étant le fruit de cette douloureuse nuit, doit lui aussi disparaître. Ce que Mariama fait sans état d’âme dans le désert de yang-Yang son village natal. Elle l’étouffe à la naissance. Loin des yeux indiscrets. Du moins pensait-elle. Car jusque la, tout le plan déroulé par l’héroïne de ce roman était impeccable. Le seul être qu’il n’avait pris en compte et qui le conduira à sa perte est Abdelaziz, le fou du quartier Montagne de Louga.
A Louga avec son adjoint, le commissaire Jules Souleymane Faye reconstitue les faits sans grande peine en moins d’une semaine.

Mariama est arrêtée. Elle atterrit à la maison de correction de liberté 6.
Jusqu’à son arrestation, Mariama n’a rien regretté de son double délit. Rien ne l’ébranlait. Cependant, sans psychologue avec un jugement qui tardait, aussi courageuse qu’elle soit, elle ne pouvait pas tenir équilibrée pendant longtemps. Des rêves bizarres meublent ses nuits et la plongent dans une dépression qu’elle tente tant bien que mal de cacher. Au bout de ses peines, elle se suicide sans demander son reste.

Ainsi, Laurence Gavron plonge ses lecteurs au sein d’un hivernage humide et sec à la fois. Humide par ses fines pluies. Sec par le nombre d’ignobilités décrites dans son ouvrage. La face taboue du pays de la Téranga est repeinte ici à travers des moments d’histoire, des portraits et descriptions de lieux bien précis. Un roman qui frise la réalité mais qui est en plein dans la fiction.

Bigué BOP

Lundi 19 Juillet 2010 - 03:01


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