Cela ne fait plus aucun doute. Les sénégalais, ont commencé à solder leurs comptes avec le système en place et semblent ne plus rien attendre d’un régime qui s’est plus illustré par le gigantisme de ses promesses, l’ampleur des dérives institutionnelles et des forfaitures financières jamais égalées dans l’histoire du pays. L’éventualité d’un changement de régime est actuellement à la mesure de la fréquence et de la cristallisation des mouvements sociaux qui secouent le pays depuis près de deux ans.
A quelques mois d’achever sa décennie d’une gouvernance pour le moins chaotique (plus de cinq remaniements ministériels en l’espace de sept ans), le parti démocratique sénégalais n’a jamais vraiment trouvé la parade pour sortir le pays du gouffre dans lequel l’ont plongé quarante années de règne socialiste.
D’une situation d’embellie financière au tout début de l’alternance en 2000, nous avons abouti à un état de quasi-banqueroute, cumulant dette privée et publique, état de marasme des piliers du tissu industriel (ICS, SAR, SENELEC), incapacité avérée de l’Etat dans la prise en charge des services sociaux d’accompagnement nécessaires à toute croissance saine.
La pilule classique ne passe plus : à savoir qu’au bout de deux mandats consécutifs, on ne peut plus continuer à brandir le lourd passif laissé par la gestion du parti socialiste. C’est aussi la raison pour laquelle toutes les stratégies de dédouanement de nos dirigeants face à la mauvaise gestion du dossier de l’énergie (entre autre le retard des investissements et la vétusté des installations) demeurent irrecevables pour la majorité des profanes dans le domaine. Le premier handicap relève d’un manque de pédagogie de communication élémentaire en politique devant la question que tous les sénégalais se posent : à quoi ont servi les 520 milliards investis dans la société à la solde du contribuable ? Nos dirigeants manqueraient-ils à ce point du sens de l’argumentation et de la suite dans les idées pour expliquer que la mise en place du programme d’investissement s’étale jusqu’en 2012 ? La centrale de charbon de Sendou qui devrait assurer (officiellement) une couverture totale de la demande ne sera livrée qu’en 2011, avec une puissance exploitable escomptée de 764 Mégawatts. Cela suppose et explique que le plan de restructuration ne puisse encore porter ses fruits. Ce qui est par contre paradoxal, c’est le contraste entre la hausse annoncée de l’offre en énergie (65% entre 2003 et 2007) et la recrudescence aigue des délestages. Pourquoi continuons-nous d’avoir une facture pétrolière aussi exorbitante même en période de baisse des cours ? En définitive, trop de confusions qui donnent aux sénégalais le sentiment d’être les dindons d’une farce dont on ne voit pas l’issue.
Que ce soient aujourd’hui les conflits sociaux dans le secteur hospitalier, scolaire, universitaire ou dans les entreprises, ils ont tous interpellé chez l’Etat des capacités financières qu’il n’a plus, du fait d’un « gangstérisme financier » – et l’expression ne me semble pas assez forte – qui a ignoré le concept de priorisation dans la gestion de la politique économique.
Fallait-il privilégier une politique d’agenciarisation budgétivore qui a fini par accoucher de tunnels prenant l’eau de partout au détriment de la remise sur pied de ce socle incontournable de notre système économique (l’énergie) ?
Cette crise énergétique ajoutée au péril écologique dont Dakar fait l’objet depuis les récentes inondations, ne sont que les faits saillants d’un chaos plus global. Ils participent d’un ensemble de problèmes de gouvernance étroitement imbriqués : une crise agricole qui appelle l’exode rural, qui à sont tour exerce une pression sur nos paysages urbains, accroissant le niveau de la demande sociale à tous les échelons : services de santé, prise en charge du chômage, gestion des flux de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, en enfin politique cohérente d’aménagement du territoire. Cet imbroglio de problématiques est redoutable et requiert de la part du dirigeant qui se respecte, expertise et mise en place de stratégies à long terme.
Nous assistons au contraire à une logique de gestion de l’urgence pour une classe politique en manque d’anticipation et toujours aussi désarmée devant des problèmes chroniques. Un bateau de combustible par-ci, quelques tonnes de riz taïwanais par-là, pour décanter des situations de tension et replonger le lendemain dans une politique de pilotage à vue qui ne va jamais au bout de ses promesses.
Même en étant plus spontanées que structurées, les manifestations de ces derniers jours enregistrées au sein des banlieues et relayées par certaines personnalités du milieu artistique sont à interpréter comme un mouvement de ras-le-bol contraire à une tradition pacifiste. Le virage de 2000, a été une sortie de piste dont on mettra encore des années à se relever.
Ce qui inquiète aujourd’hui c’est que tout ou presque est à refaire : Un avenir incertain pour des pme\pmi asphyxiées par les problèmes récurrents d’approvisionnement en électricité. Des investisseurs de plus en plus sceptiques. Des entreprises croulant sous le poids d’un taux de pression fiscale qui à 17%, est l’un des plus élevés de la zone UEMOA. Justement, parce qu’à défaut de générer et d’utiliser de façon efficiente le surplus économique provenant du PIB, notre Etat ne vit plus désormais que d’une fiscalité exorbitante. On pompe l’argent du contribuable pour l’investir dans des projets de prestige. La cacophonie Anociste a accouché de quelques ponts et échangeurs concentrés sur… 0,5 % de la superficie du territoire et d’un impact infime sur la vraie vie des gens. L’économie c’est la science des choix et la bonne gouvernance se mesure avant et surtout par la justesse et la pertinence de ces choix. Neuf années de tâtonnements et d’options guidées par les calculs clientélistes et politiques ont fini par plomber notre tissu économique. L’escroquerie politicienne qui mène le pays en otage se voit aujourd’hui engloutie par le langage de la vérité : de l’eau partout, des prix qui flambent, une dette intérieure aux proportions inquiétantes, une jeunesse en plein désarroi.
Retombées politiques
Penser qu’il existe en l’état actuel des choses, la moindre porte de sortie pour rafistoler en un peu plus de vingt quatre mois ce que neuf ans de pouvoir n’ont pas permis, relève d’un manichéisme politique de la pire des espèces.
Etonnante pusillanimité dans ce contexte, des partis de l’opposition devant une occasion inédite de parachever la mise à mort d’un système qui s’est auto-détruit et essoufflé à travers les intrigues politiciennes, les luttes de clan et la mise au second degré de la demande sociale au profit de sa propre boulimie financière. Sa déroute électorale en Mars dernier n’est pas anodine. Elle préfigure une autre alternance dont il sera prématuré ici de cerner les contours pour plusieurs raisons.
La première réside dans le choix d’un leader charismatique, expérimenté, pouvant dépasser les visions claniques qui ont longtemps miné l’utilisation efficiente des ressources humaines du pays. Si « Benno Siggil Sénégal » semble jouer dans le fond une même partition en tant que convergence incontestable du moment, ses leaders n’ont toujours pas convaincu les Sénégalais sur deux points essentiels : la candidature unique (comme seul gage de leur souci pour l’intérêt général et de leur volonté de dépasser les querelles de personnalité) et la proposition d’un projet de société aux antipodes de la logique de gestion de l’urgence que nous connaissons sous la conduite de l’équipe gouvernementale actuelle.
La deuxième est d’ordre éthique et renvoie au type de personnage politique qui pourrait être à même de redonner du sens aux sénégalais : intégrité, crédibilité, clarté du projet de société à proposer, sens de l’Etat et par-dessus tout capacité à restaurer d’urgence l’équilibre institutionnel sapé à coup de réformes par le parti au pouvoir. Cette question de l’éthique dans un contexte économique miné par la corruption et les passe-droits peut sembler utopique au vu du profil des leaders du moment mais elle sera la pierre angulaire autour de laquelle se bâtira notre sursaut ou notre déclin.
De fortes personnalités de la société civile se sont illustrées notamment durant la tenue des « assises nationales ». Du fait de leur expérience au sein des institutions internationales, ces derniers n’ont pas à démontrer leurs capacités éventuelles à constituer une alternative à la crise de leadership que connaît le pays. Ce dont on peut douter, c’est de leur aptitude à créer une assise politique dans le très court terme pour donner une réplique aux tâtonnements et à la médiocrité ambiante qui nous gouverne depuis déjà trop longtemps. L’ombre de 2000 est déjà là. Espérons que 2012 sonnera la fin de cette marche à reculons infernale. Pour une vraie alternance cette fois-ci.
Moussa BASSEL
mosilase@yahoo.com
A quelques mois d’achever sa décennie d’une gouvernance pour le moins chaotique (plus de cinq remaniements ministériels en l’espace de sept ans), le parti démocratique sénégalais n’a jamais vraiment trouvé la parade pour sortir le pays du gouffre dans lequel l’ont plongé quarante années de règne socialiste.
D’une situation d’embellie financière au tout début de l’alternance en 2000, nous avons abouti à un état de quasi-banqueroute, cumulant dette privée et publique, état de marasme des piliers du tissu industriel (ICS, SAR, SENELEC), incapacité avérée de l’Etat dans la prise en charge des services sociaux d’accompagnement nécessaires à toute croissance saine.
La pilule classique ne passe plus : à savoir qu’au bout de deux mandats consécutifs, on ne peut plus continuer à brandir le lourd passif laissé par la gestion du parti socialiste. C’est aussi la raison pour laquelle toutes les stratégies de dédouanement de nos dirigeants face à la mauvaise gestion du dossier de l’énergie (entre autre le retard des investissements et la vétusté des installations) demeurent irrecevables pour la majorité des profanes dans le domaine. Le premier handicap relève d’un manque de pédagogie de communication élémentaire en politique devant la question que tous les sénégalais se posent : à quoi ont servi les 520 milliards investis dans la société à la solde du contribuable ? Nos dirigeants manqueraient-ils à ce point du sens de l’argumentation et de la suite dans les idées pour expliquer que la mise en place du programme d’investissement s’étale jusqu’en 2012 ? La centrale de charbon de Sendou qui devrait assurer (officiellement) une couverture totale de la demande ne sera livrée qu’en 2011, avec une puissance exploitable escomptée de 764 Mégawatts. Cela suppose et explique que le plan de restructuration ne puisse encore porter ses fruits. Ce qui est par contre paradoxal, c’est le contraste entre la hausse annoncée de l’offre en énergie (65% entre 2003 et 2007) et la recrudescence aigue des délestages. Pourquoi continuons-nous d’avoir une facture pétrolière aussi exorbitante même en période de baisse des cours ? En définitive, trop de confusions qui donnent aux sénégalais le sentiment d’être les dindons d’une farce dont on ne voit pas l’issue.
Que ce soient aujourd’hui les conflits sociaux dans le secteur hospitalier, scolaire, universitaire ou dans les entreprises, ils ont tous interpellé chez l’Etat des capacités financières qu’il n’a plus, du fait d’un « gangstérisme financier » – et l’expression ne me semble pas assez forte – qui a ignoré le concept de priorisation dans la gestion de la politique économique.
Fallait-il privilégier une politique d’agenciarisation budgétivore qui a fini par accoucher de tunnels prenant l’eau de partout au détriment de la remise sur pied de ce socle incontournable de notre système économique (l’énergie) ?
Cette crise énergétique ajoutée au péril écologique dont Dakar fait l’objet depuis les récentes inondations, ne sont que les faits saillants d’un chaos plus global. Ils participent d’un ensemble de problèmes de gouvernance étroitement imbriqués : une crise agricole qui appelle l’exode rural, qui à sont tour exerce une pression sur nos paysages urbains, accroissant le niveau de la demande sociale à tous les échelons : services de santé, prise en charge du chômage, gestion des flux de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, en enfin politique cohérente d’aménagement du territoire. Cet imbroglio de problématiques est redoutable et requiert de la part du dirigeant qui se respecte, expertise et mise en place de stratégies à long terme.
Nous assistons au contraire à une logique de gestion de l’urgence pour une classe politique en manque d’anticipation et toujours aussi désarmée devant des problèmes chroniques. Un bateau de combustible par-ci, quelques tonnes de riz taïwanais par-là, pour décanter des situations de tension et replonger le lendemain dans une politique de pilotage à vue qui ne va jamais au bout de ses promesses.
Même en étant plus spontanées que structurées, les manifestations de ces derniers jours enregistrées au sein des banlieues et relayées par certaines personnalités du milieu artistique sont à interpréter comme un mouvement de ras-le-bol contraire à une tradition pacifiste. Le virage de 2000, a été une sortie de piste dont on mettra encore des années à se relever.
Ce qui inquiète aujourd’hui c’est que tout ou presque est à refaire : Un avenir incertain pour des pme\pmi asphyxiées par les problèmes récurrents d’approvisionnement en électricité. Des investisseurs de plus en plus sceptiques. Des entreprises croulant sous le poids d’un taux de pression fiscale qui à 17%, est l’un des plus élevés de la zone UEMOA. Justement, parce qu’à défaut de générer et d’utiliser de façon efficiente le surplus économique provenant du PIB, notre Etat ne vit plus désormais que d’une fiscalité exorbitante. On pompe l’argent du contribuable pour l’investir dans des projets de prestige. La cacophonie Anociste a accouché de quelques ponts et échangeurs concentrés sur… 0,5 % de la superficie du territoire et d’un impact infime sur la vraie vie des gens. L’économie c’est la science des choix et la bonne gouvernance se mesure avant et surtout par la justesse et la pertinence de ces choix. Neuf années de tâtonnements et d’options guidées par les calculs clientélistes et politiques ont fini par plomber notre tissu économique. L’escroquerie politicienne qui mène le pays en otage se voit aujourd’hui engloutie par le langage de la vérité : de l’eau partout, des prix qui flambent, une dette intérieure aux proportions inquiétantes, une jeunesse en plein désarroi.
Retombées politiques
Penser qu’il existe en l’état actuel des choses, la moindre porte de sortie pour rafistoler en un peu plus de vingt quatre mois ce que neuf ans de pouvoir n’ont pas permis, relève d’un manichéisme politique de la pire des espèces.
Etonnante pusillanimité dans ce contexte, des partis de l’opposition devant une occasion inédite de parachever la mise à mort d’un système qui s’est auto-détruit et essoufflé à travers les intrigues politiciennes, les luttes de clan et la mise au second degré de la demande sociale au profit de sa propre boulimie financière. Sa déroute électorale en Mars dernier n’est pas anodine. Elle préfigure une autre alternance dont il sera prématuré ici de cerner les contours pour plusieurs raisons.
La première réside dans le choix d’un leader charismatique, expérimenté, pouvant dépasser les visions claniques qui ont longtemps miné l’utilisation efficiente des ressources humaines du pays. Si « Benno Siggil Sénégal » semble jouer dans le fond une même partition en tant que convergence incontestable du moment, ses leaders n’ont toujours pas convaincu les Sénégalais sur deux points essentiels : la candidature unique (comme seul gage de leur souci pour l’intérêt général et de leur volonté de dépasser les querelles de personnalité) et la proposition d’un projet de société aux antipodes de la logique de gestion de l’urgence que nous connaissons sous la conduite de l’équipe gouvernementale actuelle.
La deuxième est d’ordre éthique et renvoie au type de personnage politique qui pourrait être à même de redonner du sens aux sénégalais : intégrité, crédibilité, clarté du projet de société à proposer, sens de l’Etat et par-dessus tout capacité à restaurer d’urgence l’équilibre institutionnel sapé à coup de réformes par le parti au pouvoir. Cette question de l’éthique dans un contexte économique miné par la corruption et les passe-droits peut sembler utopique au vu du profil des leaders du moment mais elle sera la pierre angulaire autour de laquelle se bâtira notre sursaut ou notre déclin.
De fortes personnalités de la société civile se sont illustrées notamment durant la tenue des « assises nationales ». Du fait de leur expérience au sein des institutions internationales, ces derniers n’ont pas à démontrer leurs capacités éventuelles à constituer une alternative à la crise de leadership que connaît le pays. Ce dont on peut douter, c’est de leur aptitude à créer une assise politique dans le très court terme pour donner une réplique aux tâtonnements et à la médiocrité ambiante qui nous gouverne depuis déjà trop longtemps. L’ombre de 2000 est déjà là. Espérons que 2012 sonnera la fin de cette marche à reculons infernale. Pour une vraie alternance cette fois-ci.
Moussa BASSEL
mosilase@yahoo.com
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