Haïti espérait vivement recevoir Me Abdoulaye Wade ; Haïti n'a pas vu Wade. Ni durant la crise avec la destitution du président Aristide, ni dans les périodes subséquentes. Haïti a longtemps attendu Wade, sans le voir. Alors lorsque, sur les ruines de la catastrophe du 12 janvier 2009, le président sénégalais appelle à un pâle remake du drame libérien, cela laisse quelques interrogations avec les douloureux exemples israélien et libérien, une république africaine indépendante en 1847 et créée en 1816 par une société philanthropique américaine, « l'American Colonization Society », pour favoriser le retour à la terre des ancêtres ; il en sera de même pour Israël après la Seconde guerre mondiale avec la « Naqda », le plus grand malheur du peuple palestinien et la principale source du terrorisme international actuel.
Certes, avec 2010 année culturelle de la renaissance africaine, l’idée est charmante en soi d'un nouveau trek vers la terre promise d'Afrique, comme jadis avec Moïse et le peuple hébreu, quand bien même sa faisabilité se heurte aux exemples historiques cités plus haut et qui sont à l’origine du drame palestinien, du génocide perpétré par un certain Charles Taylor et de la naissance de certains grands terroristes internationaux solidaires du peuple palestinien martyr.
Longtemps prévu, jamais tenu, le séjour souhaité de Me Wade à Port-au-Prince, en 2005, devait signer le départ d'une conquête des Caraïbes, surtout de la Martinique de Césaire, avec le voyage projeté du pourtour caribéen, quand d'autres se barricadent autour de la Méditerranée. A l'époque, l'omnipotent président sénégalais était comme le sel fin : il sera de toutes les sauces, de toutes les crises. Espéré comme le messie. Il n'en sera rien pour cet Etat devenu indépendant le Premier janvier 1804. Indépendant et prospère colonie des Antilles qui a mis à genou le puissant aigle colonial napoléonien qui, en voulant rétablir l'esclavage par la force des armes, connaitra sa seconde bérézina après Waterloo, la morne plaine du poète. Ceci explique peut-être l’abandon par la France colonisatrice de ce peuple digne à lui-même et à la terreur de génocidaires familiaux par la suite réfugiés dans l'Hexagone, qui semblait récompenser par là ceux qui lui avaient permis de prendre sa revanche après avoir ruiné et terrorisé le pays et ses populations.
Le Xème sommet de la Francophonie (26-27 novembre 2004 à Ouagadougou, au Burkina Faso) avait en effet révélé le subit intérêt des Caraïbes pour l'homme du Plan Oméga, du Nepad, du plan de sortie de crise pour la Côte d'Ivoire, etc..., au demeurant le plus diplômé d'Afrique, de Casablanca au Cap, comme disait naguère Ousmane Ngom. Le duo de hauts diplomates haïtiens qui confirmait l'invitation du Premier ministre, composé du ministre des Affaires étrangères et du ministre des Finances haïtiens durant le week-end de la Francophonie à Ouaga, ressemblait fort, à l'analyse, à des naufragés à la vue d'une île : on eût dit le Graal retrouvé. C'était aux tout débuts de l'Alternance triomphante, quand le Sénégal démocratique s'était imposé à la face du monde comme modèle d'apaisement de l'espace politique et social national et international. Quand le président sénégalais lui-même se croyait investi d'une mission civilisatrice urbi et orbi. Alors, quand la montagne refusait d'aller à Wade, Wade allait à la montagne.
Wade avait été invité à Port-au-Prince, pour aider à la solution de la crise haïtienne avec l'éviction du président Aristide par les Etats-Unis et la France le 29 février 2003 ; il était alors porteur d'un très grand espoir pour les dirigeants locaux, en butte à l'irrédentisme des supporteurs du président déchu. Un séjour à Madrid, à l’époque de l’invitation (26-27 novembre 2004), inclinait à croire que la communauté internationale voulait lui faire jouer un rôle plus global pour les différentes crises dans les mers chaudes des Caraïbes, en particulier à Cuba, Saint-Domingue et à Haïti même où, il y a deux siècles déjà, "la Négraille se mit debout", comme a dit le poète, et fonda la première République nègre dans un océan esclavagiste. Surtout qu’on assistait dès le 30 novembre à la libération de deux grands dissidents cubains (dont Raul Ribeiro), ce qui portait à douze le nombre d’opposants irrédentistes au régime castriste castrateur, avec le concours de l’Union européenne et, selon certaines sources non confirmées, en application d’un certain…plan Wade. Et c'est peut-là qu'il fallait chercher l'explication du dithyrambique message d'espoir des responsables haïtiens dans leur invitation à Me Wade. Certes, l'Afrique s'était déjà engagée, par le biais de Mbeki (pour l'anniversaire de l'Indépendance) et du boycott intelligent de Mandela pour le bicentenaire de l'indépendance. Mais ça n’était pas la même chose avec le président sénégalais : sollicité par les Haïtiens eux-mêmes, en tout cas au niveau politique et sans doute encouragé en cela par l'Occident incapable de bien maîtriser la psychologie négro-arabe, malgré plus de dix siècles de cohabitation, Wade qui ne verra pas Port-au-Prince devait se sentir responsabilisé par ses pairs de la diaspora et de l’Europe. Malheureusement, son calendrier ne lui permit pas d’y aller.
La catastrophe du 12 janvier dernier lui semble donc, au président de la République du Sénégal, une occasion rêvée de se rattraper, de revenir à la charge, en inversant le mouvement, en conduisant le peuple haïtien vers la Terre promise d'Afrique. Comme pour un nouveau Libéria, Etat créé par des esclaves américains libérés.
L'appel de la mère patrie lancé par le président sénégalais souffre cependant dans sa formulation et son acception et il a fallu, encore une fois, venir à son secours par un catastrophisme pire que l’idée elle-même et que rien ne semble apparemment expliquer ; dans une intervention au cours d'une émission télévisée du 23 janvier, un député libéral s'est cru obligé de préciser la pensée de son leader : avec le réchauffement climatique, dira-t-il en substance, l'île qui abrite Haïti et Saint-Domingue risque de disparaître ; il faudrait en conséquence transformer Wade en Noé pour sauver le peuple haïtien des eaux, d'où cet appel du président de la République du Sénégal à un retour vers la terre d'Afrique, après le terrible tremblement de terre du 12 janvier dernier. Autant dire qu’on patauge encore, comme toujours avec les idées de Wade.
Par Pathé MBODJE
Journaliste, sociologue
Certes, avec 2010 année culturelle de la renaissance africaine, l’idée est charmante en soi d'un nouveau trek vers la terre promise d'Afrique, comme jadis avec Moïse et le peuple hébreu, quand bien même sa faisabilité se heurte aux exemples historiques cités plus haut et qui sont à l’origine du drame palestinien, du génocide perpétré par un certain Charles Taylor et de la naissance de certains grands terroristes internationaux solidaires du peuple palestinien martyr.
Longtemps prévu, jamais tenu, le séjour souhaité de Me Wade à Port-au-Prince, en 2005, devait signer le départ d'une conquête des Caraïbes, surtout de la Martinique de Césaire, avec le voyage projeté du pourtour caribéen, quand d'autres se barricadent autour de la Méditerranée. A l'époque, l'omnipotent président sénégalais était comme le sel fin : il sera de toutes les sauces, de toutes les crises. Espéré comme le messie. Il n'en sera rien pour cet Etat devenu indépendant le Premier janvier 1804. Indépendant et prospère colonie des Antilles qui a mis à genou le puissant aigle colonial napoléonien qui, en voulant rétablir l'esclavage par la force des armes, connaitra sa seconde bérézina après Waterloo, la morne plaine du poète. Ceci explique peut-être l’abandon par la France colonisatrice de ce peuple digne à lui-même et à la terreur de génocidaires familiaux par la suite réfugiés dans l'Hexagone, qui semblait récompenser par là ceux qui lui avaient permis de prendre sa revanche après avoir ruiné et terrorisé le pays et ses populations.
Le Xème sommet de la Francophonie (26-27 novembre 2004 à Ouagadougou, au Burkina Faso) avait en effet révélé le subit intérêt des Caraïbes pour l'homme du Plan Oméga, du Nepad, du plan de sortie de crise pour la Côte d'Ivoire, etc..., au demeurant le plus diplômé d'Afrique, de Casablanca au Cap, comme disait naguère Ousmane Ngom. Le duo de hauts diplomates haïtiens qui confirmait l'invitation du Premier ministre, composé du ministre des Affaires étrangères et du ministre des Finances haïtiens durant le week-end de la Francophonie à Ouaga, ressemblait fort, à l'analyse, à des naufragés à la vue d'une île : on eût dit le Graal retrouvé. C'était aux tout débuts de l'Alternance triomphante, quand le Sénégal démocratique s'était imposé à la face du monde comme modèle d'apaisement de l'espace politique et social national et international. Quand le président sénégalais lui-même se croyait investi d'une mission civilisatrice urbi et orbi. Alors, quand la montagne refusait d'aller à Wade, Wade allait à la montagne.
Wade avait été invité à Port-au-Prince, pour aider à la solution de la crise haïtienne avec l'éviction du président Aristide par les Etats-Unis et la France le 29 février 2003 ; il était alors porteur d'un très grand espoir pour les dirigeants locaux, en butte à l'irrédentisme des supporteurs du président déchu. Un séjour à Madrid, à l’époque de l’invitation (26-27 novembre 2004), inclinait à croire que la communauté internationale voulait lui faire jouer un rôle plus global pour les différentes crises dans les mers chaudes des Caraïbes, en particulier à Cuba, Saint-Domingue et à Haïti même où, il y a deux siècles déjà, "la Négraille se mit debout", comme a dit le poète, et fonda la première République nègre dans un océan esclavagiste. Surtout qu’on assistait dès le 30 novembre à la libération de deux grands dissidents cubains (dont Raul Ribeiro), ce qui portait à douze le nombre d’opposants irrédentistes au régime castriste castrateur, avec le concours de l’Union européenne et, selon certaines sources non confirmées, en application d’un certain…plan Wade. Et c'est peut-là qu'il fallait chercher l'explication du dithyrambique message d'espoir des responsables haïtiens dans leur invitation à Me Wade. Certes, l'Afrique s'était déjà engagée, par le biais de Mbeki (pour l'anniversaire de l'Indépendance) et du boycott intelligent de Mandela pour le bicentenaire de l'indépendance. Mais ça n’était pas la même chose avec le président sénégalais : sollicité par les Haïtiens eux-mêmes, en tout cas au niveau politique et sans doute encouragé en cela par l'Occident incapable de bien maîtriser la psychologie négro-arabe, malgré plus de dix siècles de cohabitation, Wade qui ne verra pas Port-au-Prince devait se sentir responsabilisé par ses pairs de la diaspora et de l’Europe. Malheureusement, son calendrier ne lui permit pas d’y aller.
La catastrophe du 12 janvier dernier lui semble donc, au président de la République du Sénégal, une occasion rêvée de se rattraper, de revenir à la charge, en inversant le mouvement, en conduisant le peuple haïtien vers la Terre promise d'Afrique. Comme pour un nouveau Libéria, Etat créé par des esclaves américains libérés.
L'appel de la mère patrie lancé par le président sénégalais souffre cependant dans sa formulation et son acception et il a fallu, encore une fois, venir à son secours par un catastrophisme pire que l’idée elle-même et que rien ne semble apparemment expliquer ; dans une intervention au cours d'une émission télévisée du 23 janvier, un député libéral s'est cru obligé de préciser la pensée de son leader : avec le réchauffement climatique, dira-t-il en substance, l'île qui abrite Haïti et Saint-Domingue risque de disparaître ; il faudrait en conséquence transformer Wade en Noé pour sauver le peuple haïtien des eaux, d'où cet appel du président de la République du Sénégal à un retour vers la terre d'Afrique, après le terrible tremblement de terre du 12 janvier dernier. Autant dire qu’on patauge encore, comme toujours avec les idées de Wade.
Par Pathé MBODJE
Journaliste, sociologue
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