A moins d’un mois de la célébration du 26e anniversaire d'exil de votre déportation de la Mauritanie vers le Sénégal, quel sentiment vous anime aujourd’hui ?
Après plus d’un quart de siècle d’exil, il va de soi que nous sommes déçus et que nous sommes tristes parce qu’on ne pouvait pas s’attendre à que cet événement comme celui-ci malgré son ampleur puisse durer tout ce temps. Nous sommes déchus parce que nous ne sommes pas compris par le HCR (Haut-commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, Ndrl), les autorités du Sénégal et de la Mauritanie et nous avons des doutes que les gens aillent dans le sens que nous voulons nonobstant notre engagement et notre détermination à continuer parce que nous savons que notre cause est juste et noble. Nous savons aussi que nous sommes victimes d’un génocide même si les gens ne veulent pas en parler et nous savons aussi que le droit est avec nous.
Vous dites que votre cause est juste et noble. De quelle cause s'agit-il ?
Nous les fils de la Mauritanie, nous n’aimons que ce pays et nous pensions que nous avons le droit de participer à la gestion et la vie de la Mauritanie et nous sommes aussi touchés dans notre amour propre. Notre ambition est de montrer qu’en Mauritanie, il y a beaucoup de races et beaucoup d’ethnies et par conséquent, il faudrait qu’il ait un arc-en-ciel de vie, de sentiment, de travail et de sacrifices pour pouvoir faire de notre pays tout ce qu’un pays voudrait avoir. Bref, qu’il y ait une démocratie et que tout le monde se sente heureux par rapport à la vie qui se passe là-bas. Donc c’est ce combat que nous voulons faire et nous sommes victimes d’un génocide. Nos droits les plus élémentaires ont été violés tels que le droit à la nationalité, au domaine culturel, droit à l’éducation, le doit à avoir une langue et même le droit à la vie: c’est impardonnable.
Ces droits-là, est-ce que vous les avez au Sénégal, votre pays d’accueil ?
On ne peut pas comparer la vie socio-économique sénégalaise et mauritanienne. Nous avons trouvé au Sénégal un endroit favorable par rapport à l’élaboration de certains droits. Nous avons trouvé la paix, raison pour laquelle nous sommes là depuis. Nous n’avons jamais été violentés. Nous avons appris beaucoup de choses ici et nous pensons que le Sénégal est supérieur à la Mauritanie en matière de démocratie.
Vous organisez souvent des manifestations, pourquoi ne pas dialoguer avec les différentes autorités du HCR et du Sénégal ?
Notre seule arme est notre conviction. C’est notre justesse de cause et nous savons que le droit est écrit pour toute l’humanité. Nous sommes ouverts au dialogue et la concertation.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés au Sénégal ?
La première difficulté est une violation flagrante de droit de l’homme sur le problème de l’immatriculation de l’enregistrement et la délivrance des cartes d’identité des réfugiés. Vraiment le Sénégal nous a déçus à ce niveau-là. Par exemple, depuis 1989, on nous parle de problème d’enregistrement. En 2000, il y a eu un effort colossal qui a été fait par le HCR avec un enregistrement gigantesque et une délivrance de carte d’identité à moins d’une heure après l’inscription et à notre grande surprise, ce programme a été arrêté à Podor (nord où se trouvent beaucoup de réfugiés). Si ce dossier était réglé depuis 2000, beaucoup de problèmes ne se poseraient pas. Parmi nous, il y a des gens qui ont des documents commençant par des numéros qui ne sont pas reconnus par le l’état sénégalais et le HCR. Leurs détenteurs ne bénéficient de rien, ce qui est un crime. Beaucoup parmi eux, sont maintenant morts à présent et certains ont perdu leur familles, des enfants sont devenus orphelins. D'autres par contre, sont repartis en Mauritanie par désespoir de cause. Pensez-vous que cela est normal pour un pays qui se dit démocratique ? Nous en souffrons jusqu’à présent.
Actuellement le HCR et le Sénégal sont à pied d’œuvre pour une intégration locale. Optez-vous pour cette solution ?
Cette fameuse intégration locale dont on parle est un médecin après la mort. Nous avons eu la chance, nous négro-mauritaniens, quand nous sommes arrivés ici, malgré la grande proportion d’éleveurs, de paysans et même ces éleveurs ont une profession parce qu’ils maîtrisaient leur matière et ils ont amené beaucoup de bétail au Sénégal mais la majorité était des intellectuels. Quand les événements (violences inter-communautaires) ont survenu, presque la majorité des infirmiers, militaires et enseignants se sont exilés au Sénégal mais ils n’ont pas pu intégrer leurs secteurs d'activité ici, pour des problèmes de papiers. Ils ont perdu les connaissances académiques qu’ils avaient. Ils ne pouvaient pas avoir du travail parce qu’ils n’ont pas des documents administratifs. Il va-de-soi que toute personne qui veut prendre la nationalité peut la prendre, chacun est libre.
En 2013, le représentant du HCR lors de la célébration de la journée du Réfugié, avait soutenu que la situation des réfugiés reste "exemplaire". Etes-vous d'avis avec lui ?
Vus tous les problèmes que les réfugiés vivent ici, nous ne voyons pas l'exemplarité de cette situation. Des femmes réfugiées meurent en couche en milieu rural parce qu’elles n’ont pas de moyens. Les enfants réfugiés ne vont pas à l’école. Par rapport aux doléances, aux requêtes et la satisfaction de la demande sociale, le HCR est zéro car il est entrainé par un mouvement politique. Nous constatons que les autorités du HCR et l’Etat du Sénégal ont peur de la Mauritanie. En effet, le gouvernement sénégalais est timide devant les autorités mauritaniennes.
Pour quelle solution durable optez-vous ?
Nous aimons notre pays. En 2008, près de 90% des réfugiés mauritaniens voulaient rentrer malheureusement six (6) mois plus tard, il y a eu un coup d’état en Mauritanie qui a plombé l’espoir des réfugiés. Les réfugiés veulent rentrer à condition qu’ils sentent qu’ils sont chez eux. Je pense que pour pouvoir garder la sécurité dans la zone. Mais les autorités mauritaniennes dénient l’existences des réfugiés mauritaniens au Sénégal. Maintenant la seule solution, c’est de faire retourner ces réfugiés de telle sorte qu'il n'y ait plus de problème.
Sur qui comptez-vous pour cela ?
Actuellement, seul le gouvernement sénégalais peut actionner ce levier et le HCR suivra ainsi que la communauté internationale. Dans la situation actuelle, Macky Sall a de l’aura, de même que son gouvernement. Je suis parfaitement convaincu que si Macky Sall lève la main, le HCR suivra et les pays étrangers accepteront et on ne parlera plus des problèmes des réfugiés mauritaniens, une situation qui a trop durée. Aussi, je lance un appel à toute la communauté réfugiée de venir commémorer cette 26 e année de la déportation pour se souvenir de nos disparus.
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