Depuis le début de la semaine, ce sont les ministres des Affaires étrangères des pays de l’UA qui se réunissent. Ils ont eu trois jours pour préparer la réunion des chefs d’Etat. Trois jours, car l’agenda était particulière chargé. L’agenda du Conseil des ministres en soi, mais aussi toutes les réunions en parallèle qui mobilisaient bon nombre de délégations.
Préparation des gros dossiers
Il y avait le rapport de la présidente de la commission et des commissaires, ce qui est assez traditionnel, mais aussi l’agenda 2063 - un gros morceau – sur les objectifs que se fixe l’Union africaine d’ici au centenaire de la création de l’Organisation de l’Union africaine (OUA).
Il y a une feuille de route axée sur le renforcement de l’intégration continentale. Cela va de la réalisation de certaines infrastructures à la place des femmes dans la politique. « L’autonomisation des femmes et le développement », est d’ailleurs le thème de ce sommet.
Sur la table également, l’adoption des conclusions du rapport Obasanjo, un rapport vieux de trois ans déjà qui explorait de nouvelles possibilités de financements alternatifs pour l’Union africaine. Pour l’instant, seuls 40 % du budget de l’UA provient des cotisations des Etats membres. L’organisation panafricaine manque cruellement de moyens.
Autre gros sujet, celui des élections dans les différentes instances de l’Union qui accueillera le prochain sommet après désistement du Tchad.
D'autres sujets comme celui concernant le rapport de l’Afrique et ses chefs d’Etat à la Cour pénale internationale (CPI) n’ont été abordés que tard dans la nuit de mardi à mercredi. Beaucoup de ministres étaient absents, mais un projet de résolution va pourtant être proposé au vote encore ce soir. D’abord selon ce projet, il sera demandé à tous les Etats membres de ratifier le protocole instaurant la Cour africaine de justice. Cette Cour existe et fonctionne déjà à Arusha, mais n’a que peu de visibilité et de moyens pour le moment. L’idée, ce serait de juger sur le continent les crimes les plus graves et de ne pas les laisser à la seule CPI.
Autre proposition, selon la ministre kényane des Affaires étrangères, celle d’appeler les Etats membres à ne pas tenter d’arrêter tous les chefs d’Etat ou de gouvernement en exercice poursuivis par la CPI. Il s’agit là d’une conséquence logique de la position de l’Union africaine édictée en octobre 2013 et affirmant que la CPI ne pouvait tout simplement pas poursuivre ces chefs d’Etat. Une position qui avait fait hurler les organisations de défense des droits de l’homme. Par ailleurs, si cette résolution est adoptée ce mercredi soir, les ministres de l’Union africaine pourraient féliciter le président kényan, Uhuru Kenyatta, pour ne pas s’être présenté à la CPI, comme chef d’Etat mais comme simple citoyen. Il avait, à l’époque, transféré ses pouvoirs à son vice-président.
Boko Haram et les massacres dans la région de Baga
Les derniers massacres perpétrés par la secte islamiste Boko Haram dans la région de Baga, au Nigeria, font partie des principaux thèmes de ce sommet et les ministres devaient en parler. Certains pays souhaitaient que les résolutions adoptéés lors de la réunion de Niamey, la semaine dernière, soient remises à son compte par l’Union africaine.
Cette réunion de Niamey avait réuni les pays de la région du Lac Tchad ainsi que des représentants de la communauté internationale. Le Nigeria n’avait, dans cette réunion, aucun représentant de haut niveau, ce qui d’ailleurs avait agacé les autres pays. Cependant, le ministre nigérian des Affaires étrangères est bel et bien présent à Addis-Abeba. Il y aura aussi probablement dans le document final quelques recommandations aux chefs d’Etat sur Boko Haram. En même temps, c’est avant tout le dossier des chefs d’Etat. C’est d’ailleurs ainsi que la présidente de l’Union africaine l’avait présenté lors de son discours d’ouverture du conseil des ministres.
Par conséquent, aussi étrange que cela puisse paraître, la question de Boko Haram a été bien plus évoquée à l’extérieur - lors de réunions parallèles comme ce sera le cas encore demain au Conseil de paix et sécurité - que par les ministres de l’UA.
Situation en Libye
La situation en Libye, après l’attentat perpétré en début de semaine par l’organisation de l’Etat Islamique (EI), est un autre gros dossier qui a fait l’objet d’une réunion ad hoc. Il y a eu une réunion du Groupe de contact international sur la Libye créé par l’Union africaine en décembre dernier.
La réunion a failli tourner court, car le ministre libyen des Affaires étrangères a quitté la salle. En effet, Mohamed Dayri n’était pas du tout content de voir des représentants du Qatar et de la Turquie dans la salle, ces derniers étant considérés comme proches de groupes hostiles au gouvernement de Tobrouk. Il a fallu que toute la diplomatie des autres ministres présents dans la réunion, et notamment ceux de l’Algérie, du Niger et du Tchad, pour que la discussion puisse reprendre. Les représentants qataris et turcs sont tout simplement partis. Ce qui en ressort, c’est qu’il n’est pas question de solution militaire ou d’intervention étrangère en Libye. Le Niger et la France, notamment, y étaient plutôt favorables.
Aujourd’hui, il est plutôt question de soutenir les pourparlers qui sont en cours en ce moment à Genève sous l’égide du représentant du secrétaire général des Nations unies pour la Libye. Ce dialogue doit être le plus inclusif possible. Le groupe de contact a salué les toutes récentes déclarations de l’Armée syrienne libre et de la coalition, Aube Libye, d’observer un cessez-le-feu pour laisser une chance à la négociation. De plus, tous les voisins vont être mis à contribution. Il y aura ainsi une réunion au Tchad des pays voisins de la Libye, d’ici à la fin février. La troisième réunion du groupe de contact aura lieu à Niamey, en avril. De son côté, l’Algérie a proposé de réunir toutes les parties pour œuvrer à la réconciliation, en s’appuyant sur les pourparlers de Genève, et cela aussi a été accepté.
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