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Son mandat, CEDEAO, Hissène Habré, immigration, économie : Macky Sall dit tout

Président du Sénégal depuis 2012, Macky Sall est aussi, depuis le mois de mai, le président de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), qui rassemble quinze États de cette région. Macky Sall évoque, dans Le Figaro, les dangers de l'islamisme galopant, les solutions à trouver pour tarir les flots de migrants partant d'Afrique, la vie politique de son pays, et les perspectives de développement économique du continent.



Son mandat, CEDEAO, Hissène Habré, immigration, économie : Macky Sall dit tout
LE FIGARO – Comme le prouve l’attentat qui a fait 34 morts dans la capitale tchadienne, le 15 juin, l'Afrique subsaharienne est plus que jamais exposée au terrorisme islamiste. Le Sénégal, pays à grande majorité musulmane, est-il très menacé?

Macky SALL : Comme partout dans le monde, y compris en Europe et en France, où vous venez de vivre l'horreur, la menace islamiste doit être prise en compte. Elle est forte. Mais le Sénégal pratique un islam de confréries, très singulier, très apaisé, qui est un frein aux dérives islamistes. C'est aussi, évidemment, en mettant l'accent en amont sur l'éducation de notre jeunesse et sur sa formation que nous éviterons ce que d'autres pays connaissent. C'est une bataille de tous les instants. Il ne faut pas négliger, non plus, le renseignement humain pour détecter des comportements anormaux de jeunes qui reviennent de zones et pays où on leur a lavé le cerveau.

Les États d'Afrique de l'Ouest sont-ils solidaires face à ce danger?

La Cédéao, organisation qui regroupe quinze États et 300 millions d'habitants, avait, à sa naissance, une vocation exclusivement économique. Aujourd'hui, elle travaille sur tous les fronts, y compris militaire, pour lutter contre le djihadisme. Trois mille soldats sénégalais sont engagés dans ce combat pour la paix, notamment pour la stabilité du Mali et la guerre contre Boko Haram au Nigeria.

Des ressortissants d'Afrique et du Moyen-Orient cherchent par milliers à venir en Europe pour fuir la guerre, pour certains, la misère, pour d autres. Y a-t-il des Sénégalais parmi eux? Que faites-vous?

Il y a une dizaine d'années, c'est vrai, de nombreux Sénégalais partaient tenter leur chance en Europe. Ce flot s'est tari peu à peu. Il faut fixer nos jeunes chez nous, en leur donnant des emplois et des perspectives de carrière. Ma dernière initiative en date dans ce domaine a été de lancer un programme agricole destiné à 40 000 jeunes, en y consacrant quelque 60 millions d'euros.

En qualité de président de la Cedeao, travaillez-vous de concert avec l'Union européenne pour trouver des solutions au phénomène migratoire?

Nous devons nous retrouver, cet été, à Malte avec les Européens pour faire des propositions et trouver des solutions. Il est nécessaire de nouer des partenariats entre nos deux continents afin de retenir chez nous tous ceux qui partent pour des raisons économiques. La quête migratoire d'un mieux-être est vieille comme le monde, mais quand elle se transforme en drame humanitaire, cela devient intolérable.

Regrettez-vous que l'Union européenne ne soit pas arrivée à s'entendre sur ce sujet et qu'elle ait donc renoncé à une répartition de l'accueil par quotas?

En tant qu'Africain, il ne me revient pas de m'immiscer dans un débat intra-européen. Il s'agit d'un débat européen, tout comme nous avons les nôtres, au niveau africain. Il vous faudrait leur poser la question.

Les prévisions de croissance qu'affichent certains pays d Afrique de l'Ouest pour 2015, près de 5 % pour le Sénégal et de 8 % pour la Côte d Ivoire, sont-ils de nature à vous rendre optimiste pour l'avenir de votre pays et de votre continent?

Nous sommes sur la pente ascendante. Des pays comme le Sénégal ou la Côte d Ivoire doivent aujourd'hui représenter des opportunités d'investissement pour des sociétés étrangères. Les clés du développement de notre continent et de la création d emplois sur place se trouvent dans la diversification de nos cultures agricoles et dans notre faculté à transformer chez nous ce que nous produisons. Nous nous y employons à plein régime.

Au Sénégal, que proposez-vous aux investisseurs étrangers?

Pour accueillir des investisseurs privés, nous avons lancé, en 2013, le plan Sénégal émergent, qui leur garantit une stabilité et une bonne visibilité fiscale, ainsi que certaines facilités d'installation. Cette année-là, les investissements directs étrangers se sont élevés à 225,6 millions d'euros et, en 2014, à 254,6 millions d'euros.

Un traité de libre-échange a récemment été signé entre 26 pays de l'Est de l'Afrique, de l'Égypte à l'Afrique du Sud, en passant par le Kenya.

Ce marché commun est une première sur le continent. Des pays de l'Ouest vont-ils un jour l'intégrer?

Mais il est prévu que, d'ici à deux ans, l'ensemble des 54 pays africains, du nord au sud et de l'ouest à l'est, s'unissent dans un grand marché commun. L'ambition est de nous réunir, car seuls 11 % des échanges commerciaux en Afrique se font aujourd'hui entre pays du continent, contre 70 % en Europe. Pour passer à la vitesse supérieure, nous devons développer nos infrastructures de communication.

Quel regard portez-vous sur le plan de Jean-Louis Borloo pour électriser l'Afrique?

L'électrification de l'Afrique est un souci majeur, elle est un préalable au développement. Celle du Sénégal pose aussi des problèmes: je me suis attaqué à la modernisation de notre réseau pour en doubler les capacités et faire cesser les coupures intempestives de courant. Je salue le travail de Jean-Louis Borloo qui vient de réussir, dans le cadre du 25e sommet de l'Union africaine, à rassembler tous les pays du continent autour de cet objectif. Chacun a accepté de contribuer financièrement à un fonds de 5 milliards de dollars, en vue de la création d'une agence spécialisée.

Sous votre prédécesseur, Abdoulaye Wade, les relations avec la France avaient connu quelques ratés. Qu'en est-il aujourd'hui?

Le seul problème avec la France, c'est qu il n'y a pas de problème.

Vous avez été élu président du Sénégal en 2012. Vous représenterez-vous?

Je ne vous répondrai pas. J'avais proposé, à mon arrivée, de raccourcir le mandat présidentiel de sept à cinq ans, et de soumettre cette question à un référendum. Je saisirai le Conseil constitutionnel de ce sujet début 2016. J'attends sa réponse.

Karim Wade, le fils de votre prédécesseur, a été condamné pour enrichissement illicite à six ans d'emprisonnement, au mois de mai, et à une amende de 210 millions d'euros. Les conditions de son procès sont très contestées, d'autant que cette décision ne serait pas susceptible d'appel…

Je vais vous répondre en trois temps. D abord, j ai placé mon mandat sous le signe de la lutte contre la corruption. Ensuite, la cour qui a jugé Karim Wade a été instituée en 1981. Elle appartient donc à notre organisation constitutionnelle. Le Sénégal est une démocratie. Enfin, il est faux de dire qu il n'y aura pas d'appel, car la Cour suprême a été saisie par les avocats de Karim Wade.

L'ancien président tchadien Hissène Habré, arrêté en 2013 dans votre pays, où il vivait, est poursuivi pour crimes contre l'humanité. Comment sera-t-il jugé?

Il sera bientôt jugé à Dakar par une chambre africaine, à compétence universelle, de la cour d'appel.
 
Interview publiée dans Le Figaro du mardi 30 juin 2015


Mercredi 1 Juillet 2015 - 11:15


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