Parti le mardi 20 octobre dernier à Koulikoro, le navire Firhoune Ag El Ansar qui transportait les participants de la deuxième étape de la caravane « Azalaï Kayes – Kidal » pour la paix et la réconciliation au Mali a accosté le lendemain 21 vers 19 heures à Youwarou. L’initiative, organisée par le ministère de la Réconciliation nationale, avec l’appui financier du Programme d’appui à la transition au Mali (PAT – Mali), s’est donné comme parrain l’administrateur civil à la retraite, Modibo Sidibé. Elle a mobilisé une quarantaine de jeunes messagers qui ont prêché la paix et la réconciliation à travers les régions du Nord du Mali.
Youwarou constituait tout à la fois la première étape du périple entamé et la seule de la Région de Mopti. L’accueil y fut d’une exceptionnelle qualité avec des populations sorties nombreuses et qui couvraient tout l’espace large d’une centaine de mètres s’étendant de la place de l’Indépendance jusqu’au bord du fleuve Niger. La même ferveur populaire s’est retrouvée dans la manifestation culturelle qui s’est déroulée immédiatement après dans un foisonnement de drapeaux vert, or et rouge, aux rythmes des tambours, flûtes, calebasses d’une troupe locale. A l’assistance, le parrain Modibo Sidibé a livré l’objectif de la caravane. « Elle vise une appropriation de l’Accord pour la paix par les populations à la base, avec un engagement commun des acteurs de la société civile et de la classe politique », a-t-il indiqué. Demba Konta, premier adjoint au maire de la localité s’est réjoui de la « première » que constituait le passage à Youwarou d’une caravane nationale alors que le préfet, Makan Cissoko, souhaitait que solution soit trouvée à l’enclavement du cercle.
Le lendemain 22 octobre a débuté avec les visites de courtoisie aux notabilités. A ses hôtes, Modibo Sidibé a expliqué que la participation d’autorités traditionnelles impartiales, incarnant l’autorité et l’unité, est incontournable dans la restauration de réconciliation et de la paix. Cette vérité a été récemment illustrée par le rôle joué par le Moro Naba dans la crise survenue chez nos frères du Burkina faso. En réponse à l’interpellation du parrain de la caravane, les chefferies traditionnelles et les leaders religieux se sont engagés à agir en faveur du retour à la stabilité.
LES PRINCIPES ESSENTIELS SONT SAUVEGARDÉS. Le second événement de la journée s’est tenu à la Maison des jeunes avec une conférence publique consacrée aux acquis et aux perspectives apportés par l’Accord issu du processus d’Alger. Le premier conférencier en la personne du conseiller technique au ministère de la Réconciliation nationale, Ibrahim Sianga Maïga, a insisté tout d’abord sur le fait que les lignes rouges, à savoir la laïcité, la souveraineté et l’intégrité du territoire, tracées par le président de la République ont été respectées et reconnues de tous les partenaires et de toutes les parties maliennes. Il développera un effort pédagogique particulier dans la restitution des points concernant l’appellation Azawad, la régionalisation et le processus Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR).
Dans les interventions qui ont suivi, on retiendra notamment l’hommage rendu à la bravoure des Famas et l’exhortation faite à l’Etat de doter nos troupes de moyens à la hauteur de la mission qui leur revient. Car, à en croire un intervenant, les hommes du prêcheur radical Amadou Kounfa, sont présents à la périphérie de Youwarou. D’autres habitants ont pointé du doigt les irrégularités dans le processus de recrutement dans l’armée. Pour eux, seuls les enfants de riches ont une chance de se voir acceptés. Des participants ont demandé des éclaircissements sur les critères de réintégration des ex combattants. Il a été aussi question de la possibilité de faire passer la caravane dans Kidal ainsi que de la place réservée aux femmes et jeunes dans le processus de retour à la normalité. Les conférenciers et le parrain ont répondu aux préoccupations exprimées par les populations afin de les rassurer et d’obtenir leur concours dans la mise en œuvre de l’Accord.
Prenant note des inquiétudes exprimées, le conférencier informera ses interlocuteurs que l’Accord prévoit une conférence d’envergure nationale au cours de laquelle les populations du Nord décideront de l’appellation à donner à leurs Régions. Il est revenu une fois de plus sur un nombre de principes essentiels qui sont sauvegardés dans l’Accord. Il s’agit notamment du respect de l’unité nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté de l’Etat du Mali, de sa forme républicaine et de son caractère laïc. L’Accord prévoit d’autre part la reconnaissance et la promotion de la diversité culturelle et linguistique, ainsi que la prise en charge par les populations de la gestion effective de leurs propres affaires. Le document insiste aussi sur le rejet de la violence comme moyen d’expression politique et prône le recours au dialogue et à la concertation pour le règlement des différents.
Il met un accent particulier sur le respect des droits de l’homme, de la dignité humaine et des libertés fondamentales et religieuses. La valorisation de la contribution de toutes les communautés dans la construction nationale, notamment celles des femmes et des jeunes, la lutte contre la corruption et l’impunité, la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et les autres formes de criminalités transnationales figurent parmi les domaines pris en charge par l’Accord pour la paix et la réconciliation.
SUR TROIS PILIERS. Abordant la gestion de la période post crise, le conférencier a calmé les inquiétudes concernant une quelconque impunité qui pourrait être accordée aux auteurs de crimes et d’actes d’arbitraire. Selon lui, la justice transitionnelle, à travers la Commission vérité, justice et réconciliation, se mettra à l’écoute des populations victimes et recensera les exactions commises. La réconciliation se construira donc au bout d’un exercice de vérité. Toutefois, a précisé Ibrahim Sianga Maïga, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité restent imprescriptibles. Il n’y aura donc pas d’amnistie pour leurs auteurs, en particulier pour tous ceux qui seront identifiés comme coupables des violations graves des droits de l’homme, des violences sur les femmes, les filles et les enfants.
La seconde conférencière, Maïmouna Yattara, a exposé en langue locale la thématique du rôle incontournable des femmes dans la paix et la réconciliation. Selon elle, celles-ci sont les premières victimes des conflits. C’est pourquoi, insistera-t-elle, les femmes doivent s’impliquer dans la quête de la paix, gage d’un développement durable.
Eclairées et convaincues, les populations de Youwarou ont au terme de la conférence exprimé leur adhésion au processus de paix et de réconciliation. Elles ont invité les autorités à accélérer la mise en œuvre de l’Accord, cela au bénéfice des populations. Interrogé sur les améliorations que la paix amènera concrètement dans le quotidien des habitants de la localité, Ibrahim Sianga Maïga indiquera que l’Accord dans son volet économique prévoit un projet de construction d’un quai à l’escale fluviale de Youwarou et l’aménagement de la piste Mounia-Diafarabé-Dia-Ténenkou-Youwarou.
Coiffé d’un béret rouge et arborant au cou un foulard de la même, le commissaire du district des pionniers de Youwarou, Mamadou Moukoro, a énoncé vigoureusement son credo. Pour lui, la paix et la réconciliation s’instaureront en se basant sur trois piliers qui sont le civisme, la citoyenneté et l’amour de la patrie et de l’autre. Du fond de la salle, une dizaine d’écoliers filmaient avec des téléphones portables les débats et les interprétations en langue locale. Intrigué, nous nous sommes intéressés à savoir ce qu’ils feraient de ces enregistrements. « Nous les partagerons avec nos autres camarades ou nos parents qui n’ont pas pu venir », a expliqué l’un d’entre eux. Les caravaniers ont donc eu partie gagnée à Youwarou : ils ont en effet convaincu d’autres citoyens de se faire le relais des messages de paix et de réconciliation qu’ils ont portés ici.
En faisant une synthèse des interventions, Modibo Sidibé a souligné que la caravane constitue la manifestation de la volonté et de l’engagement des plus hautes autorités à inclure toutes les couches de la population malienne à la mise en œuvre de l’Accord et au processus de réconciliation nationale. Car le combat difficile qui débute pour la réhabilitation de la cohésion sociale nécessite la participation sincère de tous. Le travail de persuasion abattu par la caravane pose donc des jalons précieux pour une vraie implication populaire.
Source : Malijet
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