Aucune amnistie ne devrait s’appliquer aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres graves violations des droits humains commises en Côte d’Ivoire pendant la crise post-électorale de 2010-2011, ont déclaré aujourd’hui onze organisations de défense des droits humains ivoiriennes et internationales.
Contredisant tous ses engagements en faveur de la justice pris depuis 2011, le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé le 6 août qu’il accordait l’amnistie à 800 personnes accusées ou inculpées de crimes liés à la crise de 2010-11 ou aux attaques contre l’État qui ont suivi, parmi lesquels pourraient se trouver des personnes présumées responsables des crimes les plus graves.
Ouattara a précisé que l’amnistie ne s’appliquerait pas à soixante militaires et membres des groupes armés ayant commis des « crimes de sang » au cours des violences post-électorales. Pourtant, les juges ivoiriens ont déjà inculpé bien plus de 60 personnes pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre relatifs à la crise post-électorale, y compris des responsables militaires et politiques des deux côtés du conflit, et l’annonce du président ne clarifie pas lesquelles d’entre elles devront faire face à la justice.
« Décider, après sept années de procédure judiciaire impliquant des centaines de victimes et d’auteurs présumés, que seules soixante personnes répondront à la justice est non seulement une décision arbitraire, mais c’est aussi un geste de mépris vis à vis des victimes si cela permet aux auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité d’échapper aux poursuites », ont déclaré les onze organisations.
La crise de 2010-2011 a éclaté lorsque le président en fonction à l’époque, Laurent Gbagbo, a refusé de céder le pouvoir à Ouattara à la suite de l’élection présidentielle de novembre 2010. Au cours des six mois de violence et de conflit armé qui ont suivi, au moins 3 000 personnes ont été tuées et plus de 150 femmes violées. Les forces armées des deux camps ciblaient les civils sur la base de leur appartenance politique et parfois ethnique et religieuse.
Le gouvernement ivoirien a créé une Commission nationale d’enquête (CNE) pour identifier les crimes commis entre 2010 et 2011, ainsi qu’une Cellule spéciale d’enquête et d’instruction (CSEI) pour poursuivre ceux présumés responsables.
Après des années de travail, la cellule spéciale a inculpé plus de 150 personnes pour des « crimes de sang, » y compris des alliés de Ouattara aussi bien que de Gbagbo. Pour l’attaque de Duékoué en mars 2011, par exemple, où plus de 300 personnes ont été tuées par les forces pro-Ouattara, une vingtaine de personnes est mise en cause. Une vingtaine de personnes a également été inculpée pour la répression des manifestations à Abidjan par les forces de défense et de sécurité pro-Gbagbo. Plusieurs dizaines de personnes, du camp Gbagbo et celui de Ouattara, ont été inculpées pour les attaques à Yopougon, une commune d’Abidjan, pendant la crise post-électorale et plus de 80 personnes pour l’attaque sur un camp de personnes déplacées à Nahibly en 2012, y compris des chasseurs Dozos, des civils et des membres de l’armée ivoirienne.
Le droit international exige des États qu'ils poursuivent les auteurs des crimes graves, tels que les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, afin que les droits de victimes à la vérité, à la justice et aux réparations soient respectés. Les principaux traités internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie – y compris la Convention contre la torture, les Conventions de Genève et le statut de Rome de la Cour pénale internationale – imposent que les auteurs présumés de crimes soient poursuivis. Une amnistie pour crimes graves serait également contraire aux principes constitutifs de l’Union Africaine et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples.
Le président Ouattara a promis à plusieurs reprises que la justice sera rendue aux victimes, déclarant en avril 2015 que : « Tous ceux qui ont commis des atrocités seront jugés [...]. Je trouve inacceptable que les gens qui ont tué, brûlé vif des gens ou violé des femmes, continuent à se comporter comme s’ils étaient des anges, comme s’ils n’avaient rien fait de mal. » Le 9 mai 2018, en réponse à une lettre de nos organisations, le Procureur Général s’était engagé à la tenue rapide de procès.
« Si le gouvernement ivoirien revient désormais sur ses engagements répétés de poursuivre les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, cela ouvre la voie à des procédures judiciaires devant les juridictions régionales et internationales où les lois d’amnistie ne sont pas reconnues », ont déclaré les onze organisations. « Le gouvernement devrait au contraire garantir, en lien avec la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction, que l’amnistie ne s’applique pas aux individus mis en causes pour les crimes les plus graves », ont-elles ajouté.
A la demande du président Ouattara et de l’Etat de Côte d’Ivoire, la Cour pénale internationale est elle aussi en train d’examiner des crimes commis à la fois par les forces pro-Gbagbo et pro-Ouattara pendant les violences de 2010-11. Ainsi Laurent Gbagbo est actuellement poursuivi par la CPI au côté de Charles Blé Goudé, un de ses proches alliés, pour crimes contre l’humanité.
Jusqu’ici, le gouvernement ivoirien a refusé le transfèrement de l’épouse de Gbagbo, Simone, vers la Haye, arguant que les tribunaux ivoiriens étaient désireux et tout à fait capables de juger les affaires liées à la crise post-électorale. Simone Gbagbo devait ainsi être rejugée par la Cour d’assises d’Abidjan pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, puisque son acquittement, prononcé en mars 2017, a été cassé par la Cour suprême en juillet. Malgré cela, Ouattara a placé Simone Gbagbo, qui purge une peine de prison de 20 ans pour d’autres crimes liés à la crise post-électorale, sur la liste des personnes qui bénéficieraient de l’amnistie, jetant ainsi le doute sur la volonté réelle du système judiciaire ivoirien de la juger pour son rôle supposé dans des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre
« L’histoire de la Côte d’Ivoire montre à quel point l’impunité encourage la violence politique et les atteintes aux droits humains. À l’approche de l’élection présidentielle de 2020, une amnistie pour les crimes les plus graves de la crise post-électorale de 2010-2011 adresserait un dangereux message, selon lequel les leaders politiques qui ont recours aux atroces pourront échapper aux sanctions, » ont déclaré les
Contredisant tous ses engagements en faveur de la justice pris depuis 2011, le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé le 6 août qu’il accordait l’amnistie à 800 personnes accusées ou inculpées de crimes liés à la crise de 2010-11 ou aux attaques contre l’État qui ont suivi, parmi lesquels pourraient se trouver des personnes présumées responsables des crimes les plus graves.
Ouattara a précisé que l’amnistie ne s’appliquerait pas à soixante militaires et membres des groupes armés ayant commis des « crimes de sang » au cours des violences post-électorales. Pourtant, les juges ivoiriens ont déjà inculpé bien plus de 60 personnes pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre relatifs à la crise post-électorale, y compris des responsables militaires et politiques des deux côtés du conflit, et l’annonce du président ne clarifie pas lesquelles d’entre elles devront faire face à la justice.
« Décider, après sept années de procédure judiciaire impliquant des centaines de victimes et d’auteurs présumés, que seules soixante personnes répondront à la justice est non seulement une décision arbitraire, mais c’est aussi un geste de mépris vis à vis des victimes si cela permet aux auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité d’échapper aux poursuites », ont déclaré les onze organisations.
La crise de 2010-2011 a éclaté lorsque le président en fonction à l’époque, Laurent Gbagbo, a refusé de céder le pouvoir à Ouattara à la suite de l’élection présidentielle de novembre 2010. Au cours des six mois de violence et de conflit armé qui ont suivi, au moins 3 000 personnes ont été tuées et plus de 150 femmes violées. Les forces armées des deux camps ciblaient les civils sur la base de leur appartenance politique et parfois ethnique et religieuse.
Le gouvernement ivoirien a créé une Commission nationale d’enquête (CNE) pour identifier les crimes commis entre 2010 et 2011, ainsi qu’une Cellule spéciale d’enquête et d’instruction (CSEI) pour poursuivre ceux présumés responsables.
Après des années de travail, la cellule spéciale a inculpé plus de 150 personnes pour des « crimes de sang, » y compris des alliés de Ouattara aussi bien que de Gbagbo. Pour l’attaque de Duékoué en mars 2011, par exemple, où plus de 300 personnes ont été tuées par les forces pro-Ouattara, une vingtaine de personnes est mise en cause. Une vingtaine de personnes a également été inculpée pour la répression des manifestations à Abidjan par les forces de défense et de sécurité pro-Gbagbo. Plusieurs dizaines de personnes, du camp Gbagbo et celui de Ouattara, ont été inculpées pour les attaques à Yopougon, une commune d’Abidjan, pendant la crise post-électorale et plus de 80 personnes pour l’attaque sur un camp de personnes déplacées à Nahibly en 2012, y compris des chasseurs Dozos, des civils et des membres de l’armée ivoirienne.
Le droit international exige des États qu'ils poursuivent les auteurs des crimes graves, tels que les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, afin que les droits de victimes à la vérité, à la justice et aux réparations soient respectés. Les principaux traités internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie – y compris la Convention contre la torture, les Conventions de Genève et le statut de Rome de la Cour pénale internationale – imposent que les auteurs présumés de crimes soient poursuivis. Une amnistie pour crimes graves serait également contraire aux principes constitutifs de l’Union Africaine et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples.
Le président Ouattara a promis à plusieurs reprises que la justice sera rendue aux victimes, déclarant en avril 2015 que : « Tous ceux qui ont commis des atrocités seront jugés [...]. Je trouve inacceptable que les gens qui ont tué, brûlé vif des gens ou violé des femmes, continuent à se comporter comme s’ils étaient des anges, comme s’ils n’avaient rien fait de mal. » Le 9 mai 2018, en réponse à une lettre de nos organisations, le Procureur Général s’était engagé à la tenue rapide de procès.
« Si le gouvernement ivoirien revient désormais sur ses engagements répétés de poursuivre les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, cela ouvre la voie à des procédures judiciaires devant les juridictions régionales et internationales où les lois d’amnistie ne sont pas reconnues », ont déclaré les onze organisations. « Le gouvernement devrait au contraire garantir, en lien avec la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction, que l’amnistie ne s’applique pas aux individus mis en causes pour les crimes les plus graves », ont-elles ajouté.
A la demande du président Ouattara et de l’Etat de Côte d’Ivoire, la Cour pénale internationale est elle aussi en train d’examiner des crimes commis à la fois par les forces pro-Gbagbo et pro-Ouattara pendant les violences de 2010-11. Ainsi Laurent Gbagbo est actuellement poursuivi par la CPI au côté de Charles Blé Goudé, un de ses proches alliés, pour crimes contre l’humanité.
Jusqu’ici, le gouvernement ivoirien a refusé le transfèrement de l’épouse de Gbagbo, Simone, vers la Haye, arguant que les tribunaux ivoiriens étaient désireux et tout à fait capables de juger les affaires liées à la crise post-électorale. Simone Gbagbo devait ainsi être rejugée par la Cour d’assises d’Abidjan pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, puisque son acquittement, prononcé en mars 2017, a été cassé par la Cour suprême en juillet. Malgré cela, Ouattara a placé Simone Gbagbo, qui purge une peine de prison de 20 ans pour d’autres crimes liés à la crise post-électorale, sur la liste des personnes qui bénéficieraient de l’amnistie, jetant ainsi le doute sur la volonté réelle du système judiciaire ivoirien de la juger pour son rôle supposé dans des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre
« L’histoire de la Côte d’Ivoire montre à quel point l’impunité encourage la violence politique et les atteintes aux droits humains. À l’approche de l’élection présidentielle de 2020, une amnistie pour les crimes les plus graves de la crise post-électorale de 2010-2011 adresserait un dangereux message, selon lequel les leaders politiques qui ont recours aux atroces pourront échapper aux sanctions, » ont déclaré les
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