C’est une grande première dans l’histoire de l’Union européenne (UE). Le 17 novembre, lors d’une réunion des ministres européens de la Défense à Bruxelles, le Français Jean-Yves Le Drian a invoqué la « clause de défense mutuelle » consacrée dans l’article 42.7 du traité de Lisbonne. La disposition était déjà citée la veille par le président français, François Hollande, lors de son discours devant les deux chambres du Parlement français réunis en Congrès à Versailles.
En quoi consiste la « clause de défense mutuelle » ?
La clause invoquée veut qu’« au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir (… ) ».
La France a été attaquée, l’Europe entière a été attaquée.
Dans la foulée de l’invocation historique de cette disposition à Bruxelles, Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, également vice-présidente de la Commission, et Jean-Yves Le Drian ont tenu un « petit point de presse » pour tenter d’expliquer sa portée.
« La France a été attaquée, l’Europe entière a été attaquée », a déclaré d’entrée la chef de la diplomatie européenne, faisant allusion aux attentats terroristes simultanés qui ont plus de 120 morts, le 13 novembre, à Paris. « Ce n’est pas seulement une attaque contre la civilisation européenne, mais aussi [contre] les racines communes de nos civilisations : [une attaque] contre la civilisation », a-t-elle ajouté.
« Aujourd’hui, la France demande l’aide et l’assistance de toute l’Europe et aujourd’hui toute l’Europe unie répond ‘oui' », a indiqué Federica Mogherini.
En quoi va consister l’assistance militaire de l’UE ?
Jamais mis en oeuvre depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne fin 2009, l’article 42.7 paraît pour beaucoup comme une disposition aux contours flous. Comment l’appliquer ? Des réunions bilatérales entre la France et les 27 autres États membres de l’UE sont prévus – « dans les heures qui viennent », selon Jean-Yves Le Drian – pour définir les modalités d’assistance de chacun. D’autant que, pour le ministre, cette contribution « pourra prendre des formes différentes : que ce soit sur le théâtre du Moyen-Orient ou [sur] d’autres théâtres » d’opérations.
La France ne peut plus tout faire, a martelé Le Drian
« La France ne peut plus tout faire : être à la fois dans le Sahel, en République centrafricaine, au Liban, dans les interventions de riposte sur le Levant et ensuite assurer, par ses propres forces, la sécurité du territoire nationale », a martelé le ministre français de la Défense.
Pour lui, l’assistance militaire attendue de l’UE devra ainsi se traduire « soit par une collaboration capacitaire sur les interventions françaises en Syrie et en Irak, soit par un allègement ou un soutien de la France dans d’autres opérations ».
Quelles troupes européennes au Mali ?
Si beaucoup d’États membres de l’UE ne comptent pas, pour l’instant, participer directement aux opérations en cours contre le groupe terroriste État islamique en Syrie et en Irak, certains sont plus disposés à venir épauler l’armée française engagée sur plusieurs fronts en Afrique.
L’Allemagne a annoncé que ses troupes pourraient bien être déployées au Mali pour permettre à celles de la France, engagée dans le Sahel à travers l’opération Barkhane (3 000 militaires, une vingtaine d’hélicoptères, 200 véhicules de logistique, 200 blindés, 6 avions de chasse, 3 drones et une dizaine d’avions de transport), de se redéployer sur les autres terrains de conflits, voire de revenir sur le territoire national qui fait face aux attaques terroristes.
Opération Barkhane : présence de l’armée française dans le Sahel
« Nous allons renforcer notre engagement là-bas. Et pour la France, cela représente un soulagement très important pour son armée en Afrique de l’Ouest », a fait savoir Ursula von der Leyen, ministre allemande de la Défense.
Même son de cloche du côté de l’Irlande. Son gouvernement se dit également prêt à envoyer un contingent important dans le cadre de la Minusma. Il n’est pas exclu que d’autres États membres emboîtent le pas.
Pourquoi la France n’a pas activé le dispositif similaire de l’OTAN ?
C’est à l’Otan d’attaquer Daesh.
Pour la France, invoquer l’article 42.7 du traité de Lisbonne fut un « acte politique de grande ampleur », s’est félicité Le Drian. D’autant que sa demande a obtenu le « soutien unanime » de tous les 27 autres États membres de l’UE.
Mais aux yeux de James Stavridis, ancien commandant suprême des forces de l’Alliance Atlantique, « après les attentats du 13 novembre [à Paris], c’est à l’Otan d’attaquer Daesh ». Dans une tribune publiée mardi sur Slate, celui-ci rappelle le « principe fondateur entériné dans l’article 5 (…) du Traité de l’Atlantique nord », qui dispose : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties (…). En conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées », ajoute le texte.
Est-ce pour contourner les multiples « petites étapes préliminaires » de ce dispositif – approbation du Conseil de sécurité avant toute intervention militaire de l’Otan entre autres – que la France a choisi d’invoquer l’article 42.7 des traités européens en lieu et place de son équivalent contenu dans l’article 5 du traité de l’Atlantique nord ? François Hollande « a bien fait d’invoquer [l’article 42.7] pour la première fois », s’est contenté de répondre Jean-Yves Le Drian.
Source : Jeune Afrique
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