Kinshasa n’a pas apprécié du tout la récente campagne médiatique au sujet des enfants congolais « légalement adoptés » par des Français qui se trouvent encore bloqués en RDC. Ils seraient quelque 300 en attente de rejoindre leurs familles adoptives dans l’Hexagone, selon un collectif de parents français.
Depuis le 27 septembre 2013, les autorités congolaises ont en effet décidé de geler les autorisations de sortie des enfants congolais adoptés par des étrangers. « C’est en raison de nombreux abus que l’État congolais, dans son rôle de la protection de la jeunesse, et à l’instar de tout État qui se veut responsable, a dû décréter un moratoire sur la sortie des enfants au titre d’adoption », a expliqué à Jeune Afrique Alexis Thambwe Mwamba, le ministre congolais de la Justice. Initialement d’une durée d’un an, ce moratoire a ensuite été prolongé et est, jusqu’à nouvel ordre, toujours en vigueur.
Au départ, plus de 1 100 enfants adoptés concernés
Lorsque la décision a été prise en 2013, 1 103 enfants congolais adoptés étaient sur la liste d’attente, selon les chiffres officiels de la Direction générale de migration (DGM). Leurs parents adoptifs les attendaient dans 15 pays à travers le monde.
Pourquoi le moratoire n’a-t-il pas été levé au bout d’un an ?
Las, près de deux ans plus tard, Kinshasa n’a toujours pas levé la mesure. Alexis Thambwe Mwamba met ce blocage sur le dos des familles adoptives elles-mêmes. « Certains adoptants, sans attendre l’issue des procédures engagées, s’autorisaient à faire sortir frauduleusement les enfants du territoire national. [Un] comportement qui frise l’enlèvement », accuse le garde des Sceaux congolais.
Grâce à la complicité des agents de la DGM, certains parents ont tenté d’exfiltrer les enfants qu’ils ont adopté. Une citoyenne belge, Laurence Senechal a ainsi été condamnée à 6 mois de prison et au paiement de 300 000 francs congolais (environ 330 euros) pour « tentative de déplacement illicite » d’une enfant de quatre ans.
Vers la frontière avec la Zambie, dans le sud du pays, un réseau de malfrats a été démantelé la même année. Il tentait lui aussi de contourner la décision des autorités congolaises. « C’est donc par principe de précaution que nous estimons encore aujourd’hui qu’il faut maintenir ce gel des autorisations de sortie de nos enfants », estime Lambert Mende.
Le porte-parole du gouvernement affirme également que « plusieurs informations recoupées ont fait état ces dernières années de situations inacceptables : des enfants congolais adoptés par des familles soi-disant normales se retrouvaient du jour au lendemain des esclaves sexuels ». Puis de poursuivre : « C’est de notre devoir de les protéger, nous devons nous assurer que les familles qui veulent accueillir des enfants congolais sont bien ce qu’elles prétendent. Cela prendra le temps qu’il faudra ! » prévient Lambert Mende.
La justice congolaise pointé du doigt
Mais selon une source au ministère de l’Intérieur, la justice congolaise n’a pas été suffisamment regardante lorsqu’elle a délivré des jugements d’adoption. Les tribunaux ont toléré que les futurs parents adoptifs ne se présentent pas physiquement lors du jugement. Allant ainsi à l’encontre de ce que prévoit la loi. Une pratique qui perdurerait à l’heure actuelle.
« Les futurs parents, dans la plupart des cas, engagent des cabinets d’avocats et d’intermédiaires pour démarcher les juges et obtenir le précieux sésame : le jugement d’adoption », affirme cette source, indiquant que le coût de ces « transactions varient entre 30 000 et 50 000 dollars (environ 45 000 euros) ».
En conséquence, le nombre des enfants adoptés qui attendent leur départ vers l’étranger est passé de 1 103 en 2013 à « près de 1 500 aujourd’hui », selon le ministère congolais de la Justice.
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