Lucien Bahuma, ce général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) était avant tout un homme de terrain. Pour le voir, il fallait donc, généralement, s’approcher de la ligne de front. Petit, le regard rieur, cet homme discret, qui fuyait les micros, n’était jamais très loin de ses troupes : souvent penché sur une carte, ou en train de donner des ordres à ses hommes.
Sa grande victoire restera l’offensive éclair qu’il a menée face à la rébellion du Mouvement du 23-mars (M23). Fin tacticien, formé en RDC mais aussi en France, il est nommé en juin 2012 à la tête de la 8e région militaire pour reprendre les choses en main. L’armée congolaise y enchaîne les défaites face au M23, dont la plus humiliante est la prise de la ville de Goma en novembre 2012.
Un an plus tard, après avoir simplifié la chaîne de commandement, placé des hommes de confiance et bénéficié du soutien de Kinshasa pour que ses troupes soient payées, il efface en deux semaines près d’un an d’humiliations répétées face aux rebelles, et devient ainsi l’auteur de l’une des premières victoires militaires des FARDC depuis la décolonisation.
Opération inachevée contre les ADF
Quinze minutes après la prise de Bunagana – ville symbole à la frontière avec l’Ouganda – occupée par le M23 depuis des mois, il est là pour constater la victoire en personne. De même à Chanzu, le dernier bastion des rebelles du M23 et lieu de résidence de leur chef Sultani Makenga, tout en haut d’une colline : il avait tenu à voir, visiter et profiter de cette victoire avec ses hommes, sans jamais accepter de s’exprimer au micro.
Depuis janvier, il menait l’offensive contre les rebelles ougandais des Allied democratic forces (ADF). Une opération compliquée, très coûteuse en vies humaines, et qu’il n’aura pas pu achever. Le général Lucien Bahuma s'est éteint en Afrique du Sud, où il avait été évacué après une brusque dégradation de son état de santé alors qu'il était en mission en Ouganda.
Avec sa mort, l’armée congolaise perd sans conteste l’un de ses meilleurs éléments ;
populaire auprès de ses troupes mais aussi des Congolais, il risque de manquer à une armée lancée en pleine bataille face aux groupes rebelles.
Emotion au Nord-Kivu
Dans le Nord-Kivu, les réactions ne se sont pas fait attendre. Dimanche, les femmes de militaires ont organisé une marche de colère dans la ville de Goma. « A Goma, des femmes, des populations civiles, des motards se sont regroupés. C’était leur manière de montrer leur souffrance », détaille Julien Paluku, gouverneur de la province du Nord-Kivu.
Du côté de la société civile, nombreux sont ceux qui réclament une enquête.
La mort du général intervient en effet après le décès, dans des circonstances toujours non élucidées, de l’un de ses proches collaborateurs, le colonel Mamadou Ndala. Huit mois après l’assassinat de cet autre héros de cette victoire contre le M23, beaucoup ont du mal à croire au décès accidentel du général Bahuma.
Les autorités, à l’image du gouverneur Julien Paluku, ont lancé des appels au calme. « Je comprends l’émotion que ressent cette population, elle est tout à fait normale. Mais il nous appartient de la calmer, pour que l’ennemi n’en profite pas pour reprendre ses messages de division et briser cet élan de paix que nous avons retrouvé depuis un moment. »
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