Quatre mois à peine après l’attentat meurtrier contre Charlie Hebdo en France, le rapport annuel de Reporters sans frontières (RSF) vient encore surligner la dégradation de la liberté de la presse dans le monde. Dans sa version 2015, et à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’association pointe une stabilité dans le classement de tête où on retrouve presque toujours les mêmes, des pays nordiques : la Finlande, première pour la cinquième année consécutive, la Norvège et le Danemark.
La chasse aux journalistes s’intensifie
A l’autre bout de l’échelle, dans un cadre noir, la Chine, la Syrie, le Turkménistan, la Corée du Nord et l’Erythrée occupent la place peu enviable de pays où l’information est sous contrôle absolu. Aucun risque que la situation aille en s’améliorant d’après les indicateurs fournis par le rapport. En effet, les enquêtes menées par RSF montrent que parmi les vingt pays les moins respectueux de la liberté d’expression, « quinze ont fait pire que pour l’édition 2014 ».
A côté du pire, le mieux n’est guère plus encourageant. Les deux tiers des 180 pays figurant au Classement mondial de la liberté de la presse 2015 affichent en effet des performances moins bonnes qu’en 2014. Pour les mesurer, RSF a instauré un barème de points : plus les atteintes à la liberté de la presse sont intenses, plus les points sont élevés. A l’échelle mondiale, le score culmine à 3 719 points en 2015, soit une hausse de 8 % par rapport à 2013 et de près de 10 % depuis 2012.
Parmi les pays qui ont enregistré un net recul, RSF retient le Congo-Brazzavilleau 107e rang cette année soit une perte de 25 places après une année « difficile pour les médias indépendants ». Dans ce pays, « le gouvernement a intensifié sa chasse aux journalistes critiques, usant parfois de méthodes extrêmement violentes ». Mieux lotie au 73e rang, l’Italie n’en perd pas moins 24 places conséquence « des menaces exercées par la mafia et de procédures en diffamation abusives dont le nombre a explosé ».
France et Etats-Unis : pas de quoi pavoiser
En Amérique du Sud, le Venezuela perd 20 places au 137e rang notamment à cause des agissements de « l’armée nationale bolivarienne qui tire sur les journalistes pendant les manifestations ». Les Etats-Unis sont également dans le collimateur de MSF ayant perdu 3 places, ils se classent au 49e rang. Cette régression est due avant tout « à la guerre contre l’information menée par l’administration Obama notamment dans le dossier WikiLeaks ».
Ce score médiocre n’a pas empêché d’ailleurs le président Obama de dénoncer le 1er mai les attaques contre la liberté de la presse à travers le monde. A cette occasion il recevait trois journalistes originaires d’Ethiopie, du Vietnam et de la Russie, des pays qui « limitent sévèrement », a-t-il insisté, cette composante « cruciale » de la démocratie.
Classée à la 38e position, la France progresse d’une place mais connaît toujours « un niveau élevé de conflits d’intérêt ». MSF regrette aussi que le secret des sources soit mal protégé. Il est à noter que les assassinats des journalistes de Charlie Hebdo ne sont pas inclus dans ce rapport ayant été perpétrés après la période prise en compte pour la compilation du Classement mondial 2015.
Madagascar remonte
Quelques pays, peu nombreux remarque Reporters sans frontières, ont connu cette année une amélioration de la liberté de la presse. La progression la plus remarquable a été accomplie par la Mongolie qui à la 54e place remonte de 34 échelons. Madagascar a également réalisé une remontée de 17 places se situant cette année au 64e rang. Pour RSF, « les effets bénéfiques des lois sur l'accès à l'information, en vigueur depuis 2012, et la mise en place de vrais médias de service public ont entraîné une vision positive de l'évolution de l'environnement de la presse ».
En gagnant 15 places, la Côte d’Ivoire au 86e rang « continue de s’extraire d’une crise politique et sociale qui avait plongé le pays en pleine guerre civile en 2010. La situation demeure néanmoins contrastée, dans un pays où la libéralisation de l’audiovisuel est attendue pour 2015, non sans quelques craintes qu’elle s’accompagne d’une censure institutionnelle », relativise RSF. Moindre progression de 7 places pour la Tunisie qui, au 126e rang stagne dans l’absolu du fait notamment « du nombre toujours trop élevé d’agressions commises à l’encontre de journalistes ».
« Agissant souvent au nom de la sécurité nationale », Reporters sans frontières vise les démocraties qui « prennent des largesses avec leurs valeurs ». « Face à une menace réelle ou fallacieuse, des gouvernements se créent tout un arsenal législatif afin de museler les voix indépendantes. Un phénomène qui touche aussi bien les régimes autoritaires que les démocraties ».
Autre observation intéressante, l’Union européenne qui montre « les limites de son modèle démocratique ». Parmi ses membres, le classement des pays s’étale de la 1ère (Finlande) à la 106e place (Bulgarie), la preuve pour RSF que l’UE « semble débordée par les velléités de certains Etats membres à transiger avec la liberté de l’information ».
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