Selon un rapport de l’ONU, les combats dans l’est de l’Ukraine ont fait près de 2 600 morts depuis la mi-avril – un chiffre proche des 3 000, si l'on ajoute les 298 victimes du crash de l’avion de ligne malaisien. Trente-six personnes seraient tuées chaque jour, un chiffre qui a encore augmenté ces dix dernières journées, a souligné le secrétaire général adjoint des Nations unies aux droits de l’homme Ivan Simonovic lors de la présentation du rapport, jeudi à Kiev.
Selon l'ONU, l’aggravation quotidienne de ce bilan tient à la participation de combattants étrangers aux hostilités, et au fait que les rebelles pro-russes mettent les civils en danger en plaçant leurs bases dans des zones densément peuplées, comme Donetsk et Lougansk, et en menant des attaques depuis ces zones. Mais l'armée ukrainienne, qui a bombardé les positions des rebelles dans les villes, a aussi sa part de responsabilité, estiment les Nations unies.
Par ailleurs, au moins 468 personnes sont toujours détenues par les rebelles pro-russes, des rebelles que le rapport accuse notamment de « meurtres, d’enlèvements, et de torture ». Les pro-russes ne seraient pas les seuls auteurs d’exactions : l’ONU soupçonne les volontaires combattant aux côtés de l’armée ukrainienne de pratiquer eux aussi la détention arbitraire et la torture.
• Quels sont les derniers développements sur le terrain ?
L'armée ukrainienne perd du terrain face aux séparatistes pro-russes de l'est du pays. Ces derniers, qui ont lancé une contre-offensive cette semaine vers le sud depuis Donetsk, bénéficient désormais de l'aide directe des troupes russes (voir ci-dessous la question suivante). À Ilovaïsk, à 40 kilomètres de Donetsk, des soldats de l'armée ukrainienne sont toujours encerclés par les troupes séparatistes, qui les ont pris au piège il y a une semaine.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, le président russe Vladimir Poutine a demandé directement aux rebelles de créer un « couloir humanitaire » pour évacuer ces soldats et, selon lui, épargner des vies. Les insurgés du Donbass se sont dits prêts à suivre les consignes russes uniquement si les soldats ukrainiens leur remettent, en échange, leurs armes. Une manœuvre qui, pour Kiev, montre que les séparatistes sont bien aux ordres de Moscou.
Tous les regards sont désormais tournés vers le port loyaliste de Marioupol, proche de la Russie et de la Crimée, vers lequel se dirigent les rebelles pro-russes. Ce vendredi, on pouvait voir des bus bondés quitter le port, pendant que d'autres habitants creusaient des tranchées à la périphérie de la ville. Tous se préparent à une attaque venant du côté de la frontière russe, à 50 kilomètres de là. Jeudi, les rebelles pro-russes ont déjà pris une ville toute proche, Novoazovsk, à 40 kilomètres. Le gouverneur pro-Kiev de la région a appelé les habitants à se réunir pour défendre cette ville de 460 000 habitants, devenue le siège de l'administation régionale depuis que celle-ci a dû fuir Donetsk, contrôlée par les insurgés.
Si jeudi, plusieurs milliers de personnes avaient effectivement manifesté en agitant des drapeaux ukrainiens et des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Poutine va-t'en », ce vendredi les habitants ont commencé à quitter Marioupol. En mai dernier, après le référendum organisé par les séparatistes, les combats avaient fait plus d'une dizaine de morts. Mais l'armée avait ensuite expulsé les rebelles, et la ville était restée loyaliste. Aujourd'hui, les rebelles ont clairement annoncé leur intention d'y revenir, d'autant que le contrôle du port pourrait leur permettre de relier la frontière russe à la Crimée contrôlée aujourd'hui par Moscou.
• Y a-t-il des militaires russes présents sur le sol ukrainien ?
« S'il est avéré que des soldats russes sont présents sur le sol ukrainien, ce serait intolérable et inacceptable » : la formulation conditionnelle employée par le président français François Hollande lors de sa conférence aux ambassadeurs, jeudi 29 août, pouvait laisser planer un doute.
Mais ce vendredi, son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, s’est montré plus définitif : « Nous avons des indications extrêmement alarmantes qui montrent qu'il y a des forces militaires russes en Ukraine, à l’est. Lorsqu'un pays envoie des forces militaires dans un autre pays sans l’accord - et même contre l'accord - de cet autre pays , ça s'appelle une intervention. Evidemment, c'est inacceptable », a affirmé le ministre, brandissant des menaces de sanctions « encore renforcées » contre la Russie.
La diplomatie française s’aligne ainsi sur une position largement partagée chez les Occidentaux : la présence de militaires russes sur le sol ukrainien ne fait plus de doutes.À la suite des autorités ukrainiennes, l’Otan affirme qu’un millier de soldats seraient présents sur place. « Malgré les démentis vides de sens de Moscou, il est désormais clair que des troupes et des équipements russes ont illégalement franchi la frontière dans l'est et le sud-est de l'Ukraine. Cela ne constitue pas une action isolée mais fait partie d'un comportement dangereux qui dure depuis plusieurs mois pour déstabiliser l'Ukraine en tant que nation souveraine. C'est une violation flagrante de la souveraineté ukrainienne et de son intégrité territoriale », a déclaré ce vendredi le secrétaire général de l’organisation transatlantique, Anders Fogh Rasmussen.
Vladimir Poutine continue pourtant se soutenir l’inverse. Le président russe, qui s’exprimait vendredi dans le cadre d’un forum de jeunesse annuel, a de nouveau nié la participation militaire de son pays aux combats en Ukraine. Il affirme que les soldats russes capturés en début de semaine sur le territoire ukrainien se sont en réalité égarés.
• Que veut Vladimir Poutine ?
Le président de la Fédération russe ne cesse de le répéter : pour lui, les combats dans le Donbass sont une affaire interne à l’Ukraine. Vladimir Poutine manque rarement une occasion de fustiger l’Occident pour son soutien à Kiev. Vendredi encore, il s’est dit « déçu que les valeurs européennes aujourd’hui soient devenues synonymes de recours à la violence armée contre ceux qui ne seraient pas d’accord », rapporte la correspondante de RFI à Moscou, Veronika Dorman.
Le chef du Kremlin – qui fait face, sur le plan intérieur, à la mobilisation de proches de soldats – estime que pour sortir de la crise en Ukraine, les autorités de Kiev doivent prendre au sérieux les représentants des régions séparatistes, et accepter de négocier avec eux sur l’avenir de la région. Des négociations qui ne porteraient pas uniquement sur des questions techniques, mais également sur les futurs droits de la population du Donbass.
• Quelle est la position des Etats-Unis ?
Le président Barack Obama est intervenu jeudi pour mettre la Russie en garde contre de nouvelles sanctions internationales. Le président américain, qui s’exprimait sur la chaîne de télévision CNN, estime que la violation de l'intégrité du territoire ukrainien est avérée, et accuse Moscou d'encourager la violence en Ukraine : « La violence est encouragée par la Russie. Les séparatistes sont entraînés et armés par la Russie, ils sont soutenus financièrement par la Russie. La Russie est très isolée sur la scène internationale, comme elle ne l’a jamais été depuis la guerre froide. »
• Comment l’Ukraine a-t-elle réagi à cette incursion ?
Les autorités ukrainiennes en ont appelé à l’Union européenne et à l’Otan. Elles ontdemandé à l’UE de leur accorder une « aide militaire d’envergure » et ont appelé à une session extraordinaire du Conseil européen samedi 30 août.
Le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a par ailleurs annoncé que son pays avait l'intention de relancer le processus d'adhésion à l'Otan. En 2008, les dirigeants de pays membres de l'Organisation transatlantique avaient décidé que l'Ukraine avait vocation à les rejoindre, mais en 2010 le gouvernement pro-russe du président Viktor Ianoukovitch avait renoncé à cet objectif. L’Otan, de son côté, estime que l’Ukraine a bien le droit de poser sa candidature pour adhérer à l’Alliance – une possibilité prévue depuis 2008.
L’Ukraine affirme ne pas attendre que l’Otan envoie des troupes en soutien de son armée nationale, rapporte le bureau de RFI à Bruxelles, mais espère une concrétisation rapide de sa demande d'aide logistique, matérielle et financière, actuellement à l’étude au sein de l’Organisation. Kiev espère que les Alliés pourront décider de livraisons d’armes.
Le chef de l'exécutif ukrainien Arseni Iatseniouk a par ailleurs indiqué que son pays attendait des « décisions cruciales » au sommet de l'Alliance atlantique qui aura lieu les 4 et 5 septembre à Newport, au Royaume-Uni.
En attendant ce sommet, les ambassadeurs des 28 pays membres de l'Alliance atlantique se sont réunis en urgence à Bruxelles, ce vendredi. Aucune annonce formelle n’en est ressortie de cette réunion, mais l’Alliance a dénoncé par la voix de son secrétaire général Anders Fogh Rasmussen la « violation flagrante » de la souveraineté ukrainienne de la part de la Russie, et demandé à cette dernière de « cesser ses actions militaires illégales », de «cesser de soutenir les séparatistes » et de « prendre des mesures pour que s’arrête l’escalade des combats ».
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