Marie-Christine Saragosse : Je suis inquiète parce que - on l’a appris plus tard - il a été d’abord détenu en secret, puis il a subi des tortures. Nous avons dès le départ fait valoir la présomption d’innocence, on lui a donné un avocat, on a fait pression pour qu’il rentre dans une procédure disons plus normale. Mais notre avocat nous dit, et nous le constatons nous-mêmes, que le dossier est vide. Il n’y a pas eu vraiment d’instruction. Il est renvoyé de procès en procès qui restent des procès techniques. Jamais le fond n’est abordé, pas de liste de témoins, rien. Donc à un moment, on s’interroge : qu’est-ce que ça cache ? Est-ce qu’on gagne du temps ? Est-ce qu’on a peur de perdre la face en se rendant compte qu’on l’a en prison depuis un an, et c’est très long un an. Moi, je me souviens de ce que je faisais quand j’ai appris qu’il avait été arrêté l’année dernière. Et tout ce qui s’est passé pendant cette année-là, lui il a vécu entre quatre murs. Cet homme, qui n’a rien dans son dossier, donc qui est innocent, depuis un an, sa vie lui a été confisquée. C’est extrêmement grave. Pour quelles raisons ? Rien ne nous est donné. Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que c’est pour ne pas perdre la face qu’on fait traîner ce procès parce qu’on se rend compte qu’il n’y a rien dans son dossier ?
Qu’est-ce qui vous choque le plus ?
Ce qui me choque, c’est que ce sont des accusations très graves. Et au départ d’ailleurs, ici à RFI, et en France, on subit le terrorisme toutes les semaines. Donc on est très sensible à ces accusations de terrorisme. Ce sont des accusations graves quand on dit à quelqu’un qu’il a une complicité, qu’il n’aurait pas prévenu les autorités. Ce sont des accusations graves. Quand on parle d’accusations de cette gravité, elles doivent être étayées. Porter de telles accusations sur un dossier vide, ça me semble au fond quelque part attaquer le métier de journaliste parce que, qu’est-ce qu’a fait Ahmed Abba ? Il était le correspondant en haoussa de RFI au Nord-Cameroun, précisément parce que le Nord-Cameroun vivait une situation extrêmement grave d’attaques terroristes. Et nous-mêmes, nous nous sentons absolument solidaires du Cameroun sur ces questions. Il couvrait ça. Quand on est journaliste, on est forcément amené à être en contact avec l’information qu’on couvre, à être appelé même parfois par des terroristes. Cela arrive à nos spécialistes du jihadisme ici. Pour autant, est-ce qu’on donne un aval quelconque à eux ? Non, pas du tout. Mais comment est-ce qu’on peut faire un travail d’information si on n’est pas en contact parfois avec ceux qu’on est censé couvrir en information ? Cette frontière, elle est parfois difficile pour faire le métier de journaliste, entre couvrir et tout d’un coup, pouvoir être accusé de complicité. Mais il n’a jamais franchi cette frontière, jamais. Nous avons fait traduire tout ce qu’il avait fait, pour vérifier que jamais dans ses propos il pouvait y avoir la moindre ambiguïté. Il n’y a aucune ambigüité. Et les autorités lui reprochent même de ne pas avoir fait de dénonciation. Mais il était en contact avec les autorités, il n’a jamais franchi le Rubicon. C’est pour cela que je suis inquiète et que je ne comprends pas. Et je ne comprends pas comment on n’est pas sorti de cette situation un an plus tard.
Quel est votre message aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je dis, il y a un procès le 3 août qui risque d’être encore un procès technique puisqu’au fond, il n’y a pas eu d’instruction, il n’y a pas de liste de témoins, il n’y a pas de dossier. Je supplie les autorités camerounaises, dont je sais qu’elles mènent une lutte difficile, je sais à quel point c’est difficile… Mais justement dans cette lutte, pour être implacable face au terrorisme, il s’agit d’être juste. Commettre une erreur judiciaire, c’est s’affaiblir face aux terroristes. Donc je supplie les autorités camerounaises, par humanisme, mais aussi par esprit de rigueur, de mettre un terme au calvaire de notre correspondant.
Source: Rfi.fr
Qu’est-ce qui vous choque le plus ?
Ce qui me choque, c’est que ce sont des accusations très graves. Et au départ d’ailleurs, ici à RFI, et en France, on subit le terrorisme toutes les semaines. Donc on est très sensible à ces accusations de terrorisme. Ce sont des accusations graves quand on dit à quelqu’un qu’il a une complicité, qu’il n’aurait pas prévenu les autorités. Ce sont des accusations graves. Quand on parle d’accusations de cette gravité, elles doivent être étayées. Porter de telles accusations sur un dossier vide, ça me semble au fond quelque part attaquer le métier de journaliste parce que, qu’est-ce qu’a fait Ahmed Abba ? Il était le correspondant en haoussa de RFI au Nord-Cameroun, précisément parce que le Nord-Cameroun vivait une situation extrêmement grave d’attaques terroristes. Et nous-mêmes, nous nous sentons absolument solidaires du Cameroun sur ces questions. Il couvrait ça. Quand on est journaliste, on est forcément amené à être en contact avec l’information qu’on couvre, à être appelé même parfois par des terroristes. Cela arrive à nos spécialistes du jihadisme ici. Pour autant, est-ce qu’on donne un aval quelconque à eux ? Non, pas du tout. Mais comment est-ce qu’on peut faire un travail d’information si on n’est pas en contact parfois avec ceux qu’on est censé couvrir en information ? Cette frontière, elle est parfois difficile pour faire le métier de journaliste, entre couvrir et tout d’un coup, pouvoir être accusé de complicité. Mais il n’a jamais franchi cette frontière, jamais. Nous avons fait traduire tout ce qu’il avait fait, pour vérifier que jamais dans ses propos il pouvait y avoir la moindre ambiguïté. Il n’y a aucune ambigüité. Et les autorités lui reprochent même de ne pas avoir fait de dénonciation. Mais il était en contact avec les autorités, il n’a jamais franchi le Rubicon. C’est pour cela que je suis inquiète et que je ne comprends pas. Et je ne comprends pas comment on n’est pas sorti de cette situation un an plus tard.
Quel est votre message aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je dis, il y a un procès le 3 août qui risque d’être encore un procès technique puisqu’au fond, il n’y a pas eu d’instruction, il n’y a pas de liste de témoins, il n’y a pas de dossier. Je supplie les autorités camerounaises, dont je sais qu’elles mènent une lutte difficile, je sais à quel point c’est difficile… Mais justement dans cette lutte, pour être implacable face au terrorisme, il s’agit d’être juste. Commettre une erreur judiciaire, c’est s’affaiblir face aux terroristes. Donc je supplie les autorités camerounaises, par humanisme, mais aussi par esprit de rigueur, de mettre un terme au calvaire de notre correspondant.
Source: Rfi.fr
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