« C'est tout sauf un enfant de cœur », estime un haut gradé français au sujet d'Ibrahim Ag Inawalen, l'un des quatre individus abattus lundi au Mali, dont deux étaient des cadres. Celui que l'on surnommait « Bana » dans les rangs jihadistes serait notamment à l'origine de la lapidation d'un couple à Aguelhok durant l'occupation jihadiste en 2012. Officier de l'armée malienne, il avait déserté en 2006 pour rejoindre le jihad. « Son fief, comme celui d'al-Targui et d'Iyad Ag Ghali, c'est Kidal », indique un militaire français, qui ajoute : « Depuis deux ans et l'élimination de nombreux cadres jihadistes, son rôle a évolué. Pour nous, c'est lui l'adjoint d'Iyad, son messager, c'est lui le numéro 2 d'Ansar Dine. »
Ibrahim Ag Inawalen, plutôt de taille moyenne, était donc un homme de confiance d'Iyad Ag Ghali, chef d’Ansar Dine. Il aurait aussi obtenu la direction de la police religieuse dans toute la zone. Ce changement de statut a intéressé les services français, qui ont épié ses gestes et déplacements. Est-ce lui qui a conduit l'armée française à Abdelkrim al-Targui ? « Je ne vous dirai pas lequel nous a menés à l'autre », indique une source au sein de l'armée.
Al-Targui, un gros poisson
« L'autre », c'est Abdelkrim al-Targui. On le reconnaissait par sa haute taille et ses cheveux ébouriffés, ses vêtements de coupe afghane au tissu kaki. Amada Ag Hama, de son vrai nom, était surnommé Abdelkrim al-Targui parce qu’il était Touareg. Malien, originaire de Kidal et âgé d’une quarantaine d’années, il était réputé pour son radicalisme. Pour lui, jihad rimait avec le rapt de ressortissants européens et les assassinats. Sa katiba avait ainsi revendiqué le rapt de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, nos deux envoyés spéciaux enlevés puis retrouvés morts juste après, non loin de Kidal.
Abdelkrim al-Targui n’était pas présent pendant cette opération, mais il aurait piloté certains détails à distance. Lui et les hommes de sa katiba al-Ansar étaient d'ailleurs liés (ou soupçonnés de l'être) à quasiment tous les enlèvements de ressortissants français dans la zone : Michel Germaneau, humanitaire septuagénaire enlevé en 2010 au nord du Niger puis assassiné, mais aussi Serge Lazarevic et Philippe Verdon, enlevés en novembre 2011 - le premier sera libéré, mais le second y restera. Spécialisé dans le rançonnage, il avait été au cœur de la libération des quatre otages d'Arlit, employés d'Areva relâchés fin octobre 2013.
Plus de 20 ans de jihad
C'est dans les années 1990 qu'Abdelkrim al-Targui intègre la Dawa, une secte islamiste. On le voit alors prêcher dans une mosquée de la région de Kidal. Il se radicalise très tôt. Peu avant l’an 2000, il fréquente le GSPC algérien, un groupe islamiste qui s’installe dans le nord du Mali et deviendra al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Abdelkrim franchit le pas et il intègre la katiba, c'est-à-dire l’unité combattante d’un autre chef jihadiste, Abou Zeid - qui sera tué en 2013 par les militaires tchadiens et français dans le nord du Mali. Ce dernier le met tout de suite à la tête d’un petit groupe de combattants, une troupe d’élite. Al-Targui recrute alors des Maliens et tisse sa toile.
En 2003, il est aux côtés des jihadistes algériens pour négocier la libération d’otages européens. Il s’oppose à la présence de l’armée malienne dans le nord et c’est ainsi qu’il met fin, brutalement, à la construction d’un camp militaire en 2011. Il intègre les rangs d’Aqmi dès 2010, introduit dans le milieu par son oncle, Iyad Ag Ghali. Quand la crise éclate dans le nord en 2012, avec la création du groupe Ansar Dine, son chef Iyad Ag Ghaly décide d’y intégrer en priorité les islamistes maliens qui étaient dans les autres katiba. Abdelkrim est le premier à répondre présent.
→ la mort d'Abdelkrim al-Targui est aussi à la Une de la Revue de presse Afrique
Un coup dur pour Aqmi
La mort de ces deux chefs jihadistes ne permettra pas d’en savoir beaucoup plus sur les circonstances de l’assassinat de Claude Verlon et Ghislaine Dupont. Abdelkrim al-Targui ne parlera plus, et les membres du commando responsable du rapt, dont certains ont été identifiés, n’ont toujours pas été retrouvés. Mais la mort de ces deux chefs jihadistes est un coup dur pour Aqmi et pour les autres groupes jihadistes toujours présents dans le nord du Mali. Depuis août 2014, selon la force militaire française Barkhane, les opérations antiterroristes françaises ont permis de tuer ou d’arrêter une centaine de combattants, de découvrir une soixantaine de caches d’armes et de détruire plusieurs dizaines de tonnes de munitions et d’armement.
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