L'insurrection a été si soudaine, le départ de Blaise Compaoré si rapide, que l'on s'attendait sans doute aussi à une prise de décision immédiate de la part des participants à cette réunion. Or, si l'on a le programme de la transition démocratique fixée d'un commun accord entre les Burkinabè et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), il manque quelques précieux détails sur son mode d'emploi et sa chronologie. Les leaders de la Cédéao, qui seront en sommet extraordinaire à partir de ce jeudi jusqu'au lendemain, vont devoir trouver des pistes pour apaiser le pays.
Toutes les forces vives consultées lors de cette journée vraiment particulière pour le Burkina Faso se sont entendues sur le fait de rétablir la Constitution, et donc de constater la vacance du pouvoir, indique le communiqué. Cela induit la mise en place d’un gouvernement de transition. Il y a été convenu de la nomination urgente et par consensus d’une éminente personnalité civile pour présider cette transition. Mais aucune date n'est arrêtée pour cette nomination, et on ne sait pas non plus si le retour à la constitutionnalité est effectif dès ce jeudi ou plus tard. On ne sait pas, d'ailleurs, qui doit annoncer ce rétablissement ; le lieutenant-colonel Zida, qui doit quitter le pouvoir, ou quelqu'un d'autre ?
Optimisme du président ghanéen
Une chose est sûre : le gouvernement de transition aura une durée de vie d’un an, c’est-à-dire jusqu’à l’organisation d’élections présidentielle et législatives d’ici novembre 2015. Il faudra enfin poursuivre les consultations inclusives entre les leaders des différents partis, les leaders religieux, les représentants de la société civile et les forces militaires pour se mettre d’accord sur la structure et la composition des organes de transition.
La tâche est vaste, mais le président ghanéen John Dramani Mahama s'est déclaré optimiste. Il a encouragé les Burkinabè à « surmonter la douleur et la peine le plus rapidement possible, afin que toutes les composantes de la société du Burkina Faso participent aux décisions qui permettront de mettre sur pied une démocratie stable ».
« Même si des gens sont contrariés vis-à-vis de leurs frères et sœurs, ajoute-t-il, il nous faut les impliquer, de sorte que quel que soit l’accord que nous allons trouver, ce soit l’accord de toute la société. Nous allons parvenir à un accord et mettre sur pied un gouvernement de transition. Je suis certain que nous n’allons pas arriver au stade où la communauté internationale devra imposer des sanctions.»
Obtenir du temps, c'est gagné
Une chose est notifiée sans équivoque dans le communiqué : un hommage appuyé a été rendu au lieutenant-colonel Zida et à toutes les forces armées du Burkina Faso pour le rôle joué dans le maintien de la sécurité et de la loi dans une période trouble.
Au fond, les Burkinabè ont obtenu du temps. C’est ce qu’ils souhaitaient. Il était question de ressortir de cette journée de consultations avec le nom de ce fameux acteur consensuel qui prendrait les rênes de la transition. Une méthode proposée, pour ne pas dire imposée, par la Cédéao, mais qui n’avait pas l’air de convenir aux représentants burkinabè rencontrés. Finalement, la délégation de l'organisation sous-régionale a accepté de temporiser et de laisser les Burkinabè prendre ce temps du dialogue.
L’un des participants, croisé par l'envoyé spécial de RFI au sortir de la réunion mercredi soir, a expliqué que l’on devrait connaître, peut-être lundi, la personnalité civile qui devrait faire consensus. Les différents représentants du monde politique, religieux ou de la société civile se sont d’ailleurs retrouvés dès ce mercredi soir – juste après le départ des trois chefs d’État sénégalais, ghanéen et nigérian – dans la salle de réunion pour plancher immédiatement sur ce dossier de la transition burkinabè.
→ à lire aussi : la revue de la presse africaine avec à la Une : Vers une sortie de crise au Burkina:
Quid de l'ancienne majorité ?
Une question s'impose : quelle place accorder à l'ancienne majorité présidentielle dans ce dialogue ? Alors que le secrétaire exécutif national du parti de l'ex-président (CDP), Assimi Kouanda, et le président de la Fédération des associations pour la paix avec Blaise Compaoré, Adama Zongo, ont été convoqués à la gendarmerie en vue d'être entendus sur des propos qu'ils auraient tenus fin octobre avant le début du soulèvement (selon le service de communication de la gendarmerie, il ne s'agit pas d'une arrestation), l'arrivée d'une délégation de l'ancienne majorité présidentielle dans les concertations a donné lieu, ce mercredi, à un véritable coup de sang, une bronca des autres participants.
L'opposition politique et la société civile sont irritées par la Cédéao, qui a invité cette délégation. C'est ce qu'explique Guy-Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen (société civile) : « Les dirigeants de la Cédéao auraient dû informer que la pléniaire se ferait avec l'ensemble des partis, y compris ceux de l'ex-majorité, explique-t-il. On serait venus en connaissance de cause. (...) Nous avons été les premiers à dire que si l'on veut une transition, elle doit être inclusive. Et pour qu'elle le soit, ils doivent y participer. Mais (...) ce qui a manqué ici, c'est la forme. »
« Je considère que ça frise un peu le manque de respect, ajoute-t-il. Déjà, au Burkina, nous ne sommes pas du tout en phase avec la Cédéao qui a, nous considérons, manqué à ses obligations quand le Burkina avait des difficultés. Venir maintenant en pompiers, je pense qu'ils devraient quand même avoir l'humilité de savoir qu'ils ont déjà commis une faute et préparer les esprits à cette rencontre là. On ne met pas comme ça les gens en face sans préparation. » Plus de détails sur cet incident dans l'audio ci-dessous.
-
Côte d'Ivoire: Tidjane Thiam auprès de ses partisans pour célébrer sa première année à la tête du PDCI
-
Tchad : le Président Mahamat Idriss Déby promu maréchal
-
Mali: 26 personnes tuées dans des attaques jihadistes près de Bandiagara
-
Le Burkina Faso adopte une loi d’amnistie pour les auteurs du putsch de 2015
-
Guerre au Soudan: plus de 780 civils tués par des paramilitaires à El-Fasher, selon l'ONU