A Bangui, l’annonce du renvoi du patron de la mission de l’ONU en Centrafrique ne provoque pas beaucoup de réactions mercredi 12 août au soir. Du côté de la Minusca, le mutisme est total. On refuse de faire un commentaire sur la révocation du chef de la mission onusienne dans le pays. On refuse également de faire un lien avec la récente accusation de viol et d’homicide portée par l’ONG Amnesty International à l’encontre des casques bleus.
Difficile pourtant de voir un autre motif à la démission forcée de Babacar Gaye. Dans son communiqué, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon dit sa colère de voir les rapports d’abus sexuels s’accumuler. Le dernier événement en date remonte à quelques semaines, les 2 et 3 août dernier. Lors d’une opération militaire dans le quartier du PK5, un casque bleu aurait violé une fillette de douze ans. Le lendemain, des soldats auraient tiré sur deux personnes, un homme de 61 ans et son fils de 16 ans, sans raison apparente, avant de refuser d’emmener les deux blessés à l’hôpital. Ils sont tous les deux décédés.
Ces accusations à l’encontre des soldats de la paix s’accumulent en Centrafrique. Il y a quelques mois, des rapports successifs avaient accusé des soldats de la Minusca d’abuser d’enfants des rues à Bangui. C'est ce qui a coûté la tête du général Babacar Gaye. Peu après son éviction, il confiait : « Il (Ban Ki-moon) a demandé à ce qu’on mette en œuvre ce qu’il a toujours appelé la responsabilité institutionnelle des Nations unies par rapport à ce phénomène et aujourd’hui je suis celui qui incarne cette responsabilité en disant « très bien j’en prends la responsabilité au nom de l’institution ». C’est une question de principe, je suis dans cet état d’esprit, un état d’esprit guidé par le devoir. »
Alors si publiquement personne n'ose encore faire de commentaire, en coulisse, les quelques diplomates interrogés n'hésitent pas à le dire : cette dernière affaire est le scandale de trop. De son côté l'ONG Amnesty International qui est en partie à l'origine de l'évènement, estime que ce limogeage prouve que l'ONU prends aux sérieux les accusations.
Deux enquêtes ouvertes
Une enquête avait déjà été ouverte après l'opération militaire des 2 et 3 août dernier, car un casque bleu ainsi qu'au moins quatre personnes sont décédées dans les évènements. Mais suite aux allégations d'Amnesty International, les investigations risquent d'être accélérées. Une équipe disciplinaire, appuyée notamment par la section des droits de l'homme et par la police de la Minusca, va enquêter sur le terrain pour vérifier les dires de l'ONG. Leur rôle est de vérifier si les procédures qui régissent l'intervention des casques bleus ont bien été respectées. La force onusienne espère pouvoir donner quelques éclaircissements dès le 16 août. C'est du moins ce qu'assure son porte-parole de la force onusienne.
Du côté centrafricain, une enquête préliminaire a été ouverte dès le week-end des événements. Sur le plan pénal, le parquet de Centrafrique n'a aucun pouvoir, car les casques bleus jouissent d'une immunité. Si un ou plusieurs soldats venaient à être pointés du doigt, ce serait alors à leur pays d'origine d'engager ou non des poursuites pénales à son encontre.
Sur le plan civil en revanche, si le parquet estime que les dégâts matériels sont conséquents, il peut attaquer en justice la Minusca. Contacté par téléphone, le ministre de la Justice se réserve le droit de recourir à cette éventualité, mais attend les résultats de l'enquête préliminaire.
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