Lundi, dans le sillage des bourses asiatiques, la plupart des indices européens ont chuté. Ralentissement de la deuxième puissance économique de la planète ; turbulences sur les places financières de cette dernière ; dévaluation de la monnaie chinoise, le yuan, il y a près de deux semaines... Ces facteurs sont à l'origine des soubresauts de la planète financière et continuent de peser sur les marchés.
L'homme le plus riche d'Asie, le Chinois Wang Jianlin, a perdu à lui seul environ 3 milliards et demi de dollars depuis l'effondrement de la Bourse de Shanghai. Certes, il reste l'homme le plus riche d'Asie, mais la Bourse a effacé tous ses gains de l'année. La Banque centrale chinoise injecte aujourd'hui 24 milliards de dollars dans les marchés, mais la dégringolade continue en Chine.
Hong Kong tient, Tokyo replonge avec Shanghai
Les investisseurs semblent suspendus à d'éventuelles mesures supplémentaires du gouvernement chinois, même si les autorités à Pékin semblent dépassées par la situation. Ce mardi, la banque centrale chinoise a d'ailleurs baissé ses taux pour la cinquième fois depuis novembre. Après plusieurs années de croissance à deux chiffres, la Chine entretient un flou total sur la réalité de l'économie du pays et le réveil pourrait être très dur, analyseAnne Verdaguer, journaliste au service économie de RFI.
Ce mardi matin, la tendance a néanmoins été à la hausse sur les places européennes. Athènes, qui avait plongé jusqu'à - 11 % la veille, a rebondi dans la matinée à + 5 %. La Bourse suisse a repris 3 %. Idem à Londres, tandis que Paris prend 4 %. Mais alors que certaines bourses asiatiques semblaient résister elles aussi, à l'instar de Hong Kong (+ 0,72 %), Shanghai et Shenzhen ont continué de dévisser lourdement, perdant respectivement 7,63 % et environ 7,1 % à la clôture. Et la Bourse de Tokyo a suivi, cédant encore 3,96 % à la clôture, malgré un rebond trompeur du Nikkei à la mi-journée.
Le Japon doute des statistiques chinoises
Ce mardi matin, le ministre nippon des Finances Taro Aso a exprimé le souhait de voir les autorités chinoises prendre des mesures appropriées pour stabiliser leur économie. Cette déclaration trahit bien l'inquiétude du gouvernement japonais, analyse notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles. D’autant plus que le Japon s’est relevé à l’ombre de la croissance chinoise.
Le ministre japonais des Finances craint en effet que l’économie de la Chine soit en fait plus endettée, et que son ralentissement industriel soit plus marqué et préoccupant que ne le disent les statistiques officielles du pays, qui sont tout sauf crédibles. Le problème, c'est que la Chine n’est plus « l’usine du monde », parce qu’il n’y a plus de croissance dans le monde, lui répond néanmoins un économiste de la banque nippone Nomura.
L'attente de nouvelles dévaluations du yuan
La banque américaine Goldman Sachs, elle, se veut rassurante : la chute des cours des matières premières de la production industrielle chinoise et la dévaluation du yuan ne feront pas basculer l’économie mondiale dans la récession, à en croire Goldman Sachs. De son côté, le yen japonais s'est raffermi face au dollar, + 5 % en moins de 24 heures, une tendance saluée par le ministre japonais de l'Economie comme un signe de confiance envoyé par les investisseurs.
Mais il faut tempérer cet enthousiasme. Le Japon ne veut pas d’un yen fort. Il l'a dévalué de 33 % en l’espace de deux ans pour relancer ses exportations, sans qu’elles ne reprennent pour autant, vu que la croissance mondiale est faible. Et en ce qui concerne l’économie chinoise, un économiste à Tokyo observe que cette dévaluation du yuan n’est peut-être qu’un début. Il estime que pour redonner des couleurs à l’économie chinoise, relancer l’usine du monde, il faudrait que la Chine dévalue le yuan d’au moins 20 %.
Les Etats-Unis regardent avec circonspection
Les observateurs considèrent que les marchés d’Asie et d'ailleurs dans le monde resteront donc volatils tant que cette incertitude au sujet de la politique monétaire chinoise ne sera pas levée. Lundi, même les marchés américains ont été touchés. La Bourse de New York a perdu plus de 3,5 % à la clôture. Le ralentissement de l'économie chinoise et l'incertitude autour de sa politique monétaire font donc tout aussi peur à Wall Street.
Selon notre correspondant à Washington, Pierre-Yves Duga, le net ralentissement de la deuxième économie du monde donne en fait l'impression, vu des Etats-Unis aussi, que les dirigeants chinois sont dépassés et que la confiance n’est plus là. Les autorités chinoises semblent avoir tenté de brider la baisse des cours de la Bourse de Shanghai, et ce faisant, ils ont aggravé le mal en empêchant les vendeurs de vendre, d'où la crise de confiance.
Un effet domino dans les politiques monétaires ?
Aux Etats-Unis, on note également une perte de confiance dans la Banque centrale chinoise, qui n’arrive pas à prendre des mesures de relance assez fortes. La perte de confiance est évidente depuis la dévaluation du yuan le 11 août dernier, note-t-on. Cette dernière a choqué, et elle fait surtout craindre, désormais, de nouvelles dévaluations, voire même des courses à la dévaluation.
D’autres pays émergents du monde, fragiles et dépendants des matières premières - Vietnam, Brésil, Turquie, Afrique du Sud ou Algérie par exemple - sont en effet obligés de dévaluer ou de laisser filer leur monnaie dans la foulée. Ces pays dépendent des matières premières, dont les cours s’effondrent puisque la Chine, première consommatrice mondiale de matières premières, voit sa demande reculer.
Incertitudes sur la réaction de la FED américaine
Autre conséquence, du point de vue américain : sur le marché des changes, le dollar a plongé lundi. C’est un paradoxe, puisqu’il n’y a pas de mauvaise nouvelle concernant la conjoncture américaine, mais de plus en plus de traders américains pensent que la Réserve fédérale (FED, banque centrale américaine) ne va pas oser relever, le mois prochain comme on s’y attendait, le principal taux directeur compte tenu de cette tempête boursière.
Et pourtant, les indicateurs économiques américains récents sont toujours bons, notamment ceux relatifs à la consommation, à l’emploi ou à l’immobilier. Seulement voilà, on redoute désormais que la FED ne se dise en substance : « Si nous relevons le taux directeur maintenant, cela va aggraver la crise boursière. »
Chute des bourses mondiales, quel impact en Afrique ?
Pour l’économiste Alexandre Kateb, maître de conférence à Sciences Po Paris, même si l’impact est encore très limité, les places africaines n’échapperont pas à la règle dans un tel contexte. Au micro de notre journaliste Stanislas Ndayshimiye, il relate que certaines bourses africaines « vont être durablement impactées », celles notamment « où les valorisations avaient atteint un niveau excessif », qui étaient « soutenues par des liquidités importantes à l'époque du grand marché boursier haussier ». Et de citer notamment la Bourse de Johannesburg, « bien qu'elle a déjà corrigé ».
L'économiste pointe toutefois que « d'autres places boursières africaines seront fondamentalement moins affectées, puisqu'elles bénéficient de valorisations attractives ». « Il y a un certain nombre de sociétés, note M. Kateb, dont l'activité est plus diversifiée, qui sont apparues ces dernières années dans certains grands pays africains, comme le Nigeria par exemple. Ces valeurs sont plus soutenues par la demande intérieure, par la consommation de classes moyennes émergentes. L'impact devrait être moins important que pour les sociétés orientées vers l'extraction pétrolière. »
Craintes et perspectives positives s'emmêlent
Concernant les sociétés exportatrices de matières premières, justement, « si les prévisions catastrophiques se confirmaient au sujet des menaces sur l’économie chinoise, les conséquences qui en résulteraient seraient dramatiques », notre le site d’information guinéen Ledjely.com. En effet, l’or, la bauxite, l’uranium, le fer, le cuivre, le cobalt, et bien d’autres minerais extraits en Afrique, sont exportés vers la Chine, rappelle notre journaliste Frédéric Couteau dans sa revue de presse.
Si la Chine réduisait ses importations du fait de la crise, ce serait dommageable pour le continent. Cependant, peut-on lire dans Ledjely.com, « en partant de l’exemple de la dernière baisse du prix du pétrole, on se rappelle qu’en Guinée, en Sierra Leone, au Liberia, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, ou encore au Mali, la classe populaire s’était quelque peu réjouie. En fait, les prix de l’ensemble des denrées de première nécessité étant indexés au prix du baril à Londres, les syndicats avaient exigé et obtenu des gouvernements qu’ils revoient à la baisse le prix du litre d’essence à la pompe. »
« Par la suite, il y avait eu des négociations laborieuses, débouchant elles-mêmes sur une baisse des prix pratiqués sur le trafic routier », rappelle Ledejley.com, qui se projette déjà : « De fil en aiguille, c’est le prix de la viande, du poisson, du riz, du gombo, de la tomate, du piment, etc. qui pourrait être revu à la baisse, si de la chute boursière, on débouchait sur une crise économique mondiale. Et dans bien des ménages du continent, le chômage côtoyant des salaires de misère, une telle perspective n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. »
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