Brice Clothaire Oligui Nguéma avait promis d’agir vite, et sur certains points, il a tenu parole. Les premières semaines de la transition ont été marquées par les annonces socio-économiques, destinées à « répondre à des demandes concrètes » des Gabonais, explique le porte-parole de la transition, Max-Olivier Obame Ndong : « On a le déblocage de plus de 1 000 postes budgétaires pour des enseignants en attente de solde depuis des années, la gratuité des frais de scolarité dans les écoles publiques et confessionnelles, des manuels scolaires gratuits, le rétablissement des bourses pour le secondaire. D’autres dossiers confiés au gouvernement font l’objet d’instructions particulières, notamment sur la révision des textes sur le foncier et sur l’acquisition de la nationalité, des sujets qui posaient problème depuis plusieurs années. »
Des actions contre la corruption ont été lancées, c’est l’opération « dignité ». Une vingtaine de personnes sont poursuivies, dont l’ex-première dame Sylvia Bongo, son fils Noureddin Bongo, leur entourage, et au moins quatre anciens ministres. Bien que controversée, la « task force » sur la dette interne et externe a été ressuscitée, pour traquer les fraudes sur les marchés publics, et prouver que l’impunité est « terminée », dixit Max-Olivier Obame Ndong, « car il ne s’agit pas de quelques individus, mais d’un système dynastique avec des métastases. Ça va prendre du temps et concerner tout le monde, même si bien sûr, il ne s’agit pas d’exclure qui que ce soit a priori. »
Interrogations sur les nominations
Cet activisme des premiers jours est remarqué par les différentes parties prenantes à la transition, dont les débuts se déroulent dans l’unanimisme, après la chute, acclamée, d’Ali Bongo. « Les militaires sont là depuis un mois et il y a eu des actions fortes », constate François Ndong Obiang, porte-parole de la coalition d’opposition à la dernière présidentielle, Alternance 2023. « Nous sommes satisfaits pour le moment, mais bien sûr, un mois, c’est très court, on fera une première appréciation aux cent jours. Il y a eu des nominations qui suscitent des commentaires sur les équilibres, on peut considérer que ça va se corriger », ajoute le désormais premier vice-président de l’Assemblée nationale de transition, Alternance 2023 ayant décidé de prendre une part active dans la transition.
En effet, les nominations se sont multipliées dans les ministères, les hautes administrations et les régies financières, avec parfois des interrogations sur les personnes choisies, les équilibres régionaux, des craintes de recyclage de rouages de l’ancien régime.
« On constate que l’ancien parti au pouvoir est présent en force dans les institutions, analyse Thélesphore Ondo, professeur de droit public à l’université Omar Bongo de Libreville. C’est inquiétant, car il est quand même évident que si l’ancien système a été renversé, c’est à cause des animateurs de ce système. Alors en faisant une sorte de recyclage de certains, ça ne peut qu’inquiéter l’observateur que je suis. »
« Toutes ses nominations, ça va extrêmement vite », abonde Marc Ona Essangui. Le militant de la défense de l’environnement a, lui aussi, choisi de jouer le jeu de la transition, en intégrant le bureau du Sénat, « il y a des appréciations diverses dans l’opinion sur les profils choisis, parfois, il y a des faux pas, mais disons que c’est l’engagement des militaires d’aller vite ».
« À chaque révolution, tout le monde se réveille pour profiter de ses fruits »
Alors que l’administration se remplume, les organes de la transition sont encore en cours de mise en place : le gouvernement a été nommé autour de l’ancien opposant Raymond Ndong Sima, les bureaux de l’assemblée et du Sénat ont été formés, avec un mélange de politiques de l’ex-majorité et de l’ancienne opposition, et de membres de la société civile. Mais on discute encore sur le nombre de parlementaires et les équilibres.
« C’est de bonne guerre en politique, chacun tire la couverture à soi, explique François Ndong Obiang, à chaque révolution, tout le monde se réveille pour profiter de ses fruits. Aujourd’hui, le comité militaire est envahi de pressions de toutes parts. Tout s’est passé [pour la chute de l’ancien régime] entre l’armée et le groupe Alternance, donc, on doit accorder d’abord la place aux initiateurs, ceux qui ont suscité les évènements. Mais il faut évidemment que le parlement soit inclusif », résume-t-il alors que les listes de parlementaires se font attendre et que les partis politiques veulent « pousser les murs » des quotas fixés par la charte de transition.
Télesphore Ondo estime que c’est de techniciens plus que de politiques dont a besoin la transition gabonaise : « Il y a une difficulté des acteurs à comprendre ce qu’est une transition : ce n’est pas aux politiques de faire la pluie et le beau temps, mais c’est plus un moment pour faire un travail technique, de nettoyer et revoir les textes, ça ne demande pas trop de monde. D’autant plus que des élections seront organisées à la fin, et à partir de ce moment les acteurs politiques pourront reprendre du service ».
Marc Ona Essangui voudrait lui surtout une accélération de l’organisation de la conférence nationale, annoncée pour avril par le premier ministre. Il craint une « perte de souffle » de la transition : « Entre maintenant et le mois d’avril, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts, est-ce que l’engouement que nous connaissons aujourd’hui ne va pas s’estomper ? Ce qui me fait peur, c’est la remontée des politiques qui ont mis le pays à genoux, car il y a toujours des arrangements pour se tailler la part du lion, et nous serons vigilants au niveau de la société civile pour que les politiques qui sont à l’origine de la situation du pays, ne recommencent pas leurs arrangements ».
Cette conférence souveraine devra trancher sur la durée de la transition, qui n’est pas encore fixée -une durée de deux ans revient souvent dans les débats…-, mais aussi sur la question de l’éligibilité du général Oligui NGuema aux futures élections. Sur ce point, les acteurs de la transition sont pour le moment inéligibles selon la charte, sauf le président de la transition. Au magazine Jeune Afrique, celui-ci a justifié ne « pas être un acteur de la mise en œuvre du nouveau code électoral et de la nouvelle constitution », et donc ne pas être soumis à « restriction ».
L’éligibilité du président de transition, un sujet pour la conférence nationale
Mais pour l’instant, ce n’est pas un sujet, dit Max-Olivier Obame Ndong, le porte-parole de la présidence de transition : « Une constitution sera écrite, un nouveau code électoral verra le jour, ceux qui vont travailler au sein de ces commissions détermineront qui est éligible, qui ne l’est pas. Ce n’est pas à lui [le général Oligui] de dire “Moi, je suis éligible et on avance comme tel”, il respecte les institutions établies. Nous pensons que parler d’élection aujourd’hui, c’est perdre du temps alors qu’on a beaucoup à faire ».
Dans les rangs de l’ex-opposition qui a bataillé contre Ali Bongo, pas d’inquiétude pour le moment. « La charte a été écrite dans un moment de haute chaleur, elle a subi la pression de l’urgence, mais maintenant face à la réalité, elle doit subir un regard plus froid, plus averti de la réalité, juge François Ndong Obiang. Ce qui nous importe, c'est de faire vivre ensemble toutes les forces vives de la nation pour arriver à un régime démocratique avec un président élu démocratiquement. Donc les exigences d’inéligibilité, c’est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant. »
« Le processus annoncé est intéressant s’il est respecté », analyse Thélesphore Ondo. « D’abord, faire participer les forces vives de la nation, y compris l’ancien système, mais surtout, on verra le contenu proposé, ajoute le constitutionnaliste, il faudra éviter qu’à la constituante, on ne retrouve pas trop d’anciens du parti au pouvoir. L’objectif évident est de mettre des verrous pour que la constitution ne soit pas instrumentalisée comme sous l’ancien régime. »
En attendant les débats de fond sur la constitution et les élections, la transition travaille à rassurer la communauté internationale, c’était la mission du premier ministre Raymond Ndong Sima à l’assemblée générale de l’ONU, et à rétablir de bonnes relations avec ses voisins. D’où les premières visites du général Oligui Nguema en Guinée équatoriale, au Congo-Brazzaville, et en Centrafrique ce mercredi, chez le facilitateur de la CEEAC, Faustin-Archange Touadera.
Des actions contre la corruption ont été lancées, c’est l’opération « dignité ». Une vingtaine de personnes sont poursuivies, dont l’ex-première dame Sylvia Bongo, son fils Noureddin Bongo, leur entourage, et au moins quatre anciens ministres. Bien que controversée, la « task force » sur la dette interne et externe a été ressuscitée, pour traquer les fraudes sur les marchés publics, et prouver que l’impunité est « terminée », dixit Max-Olivier Obame Ndong, « car il ne s’agit pas de quelques individus, mais d’un système dynastique avec des métastases. Ça va prendre du temps et concerner tout le monde, même si bien sûr, il ne s’agit pas d’exclure qui que ce soit a priori. »
Interrogations sur les nominations
Cet activisme des premiers jours est remarqué par les différentes parties prenantes à la transition, dont les débuts se déroulent dans l’unanimisme, après la chute, acclamée, d’Ali Bongo. « Les militaires sont là depuis un mois et il y a eu des actions fortes », constate François Ndong Obiang, porte-parole de la coalition d’opposition à la dernière présidentielle, Alternance 2023. « Nous sommes satisfaits pour le moment, mais bien sûr, un mois, c’est très court, on fera une première appréciation aux cent jours. Il y a eu des nominations qui suscitent des commentaires sur les équilibres, on peut considérer que ça va se corriger », ajoute le désormais premier vice-président de l’Assemblée nationale de transition, Alternance 2023 ayant décidé de prendre une part active dans la transition.
En effet, les nominations se sont multipliées dans les ministères, les hautes administrations et les régies financières, avec parfois des interrogations sur les personnes choisies, les équilibres régionaux, des craintes de recyclage de rouages de l’ancien régime.
« On constate que l’ancien parti au pouvoir est présent en force dans les institutions, analyse Thélesphore Ondo, professeur de droit public à l’université Omar Bongo de Libreville. C’est inquiétant, car il est quand même évident que si l’ancien système a été renversé, c’est à cause des animateurs de ce système. Alors en faisant une sorte de recyclage de certains, ça ne peut qu’inquiéter l’observateur que je suis. »
« Toutes ses nominations, ça va extrêmement vite », abonde Marc Ona Essangui. Le militant de la défense de l’environnement a, lui aussi, choisi de jouer le jeu de la transition, en intégrant le bureau du Sénat, « il y a des appréciations diverses dans l’opinion sur les profils choisis, parfois, il y a des faux pas, mais disons que c’est l’engagement des militaires d’aller vite ».
« À chaque révolution, tout le monde se réveille pour profiter de ses fruits »
Alors que l’administration se remplume, les organes de la transition sont encore en cours de mise en place : le gouvernement a été nommé autour de l’ancien opposant Raymond Ndong Sima, les bureaux de l’assemblée et du Sénat ont été formés, avec un mélange de politiques de l’ex-majorité et de l’ancienne opposition, et de membres de la société civile. Mais on discute encore sur le nombre de parlementaires et les équilibres.
« C’est de bonne guerre en politique, chacun tire la couverture à soi, explique François Ndong Obiang, à chaque révolution, tout le monde se réveille pour profiter de ses fruits. Aujourd’hui, le comité militaire est envahi de pressions de toutes parts. Tout s’est passé [pour la chute de l’ancien régime] entre l’armée et le groupe Alternance, donc, on doit accorder d’abord la place aux initiateurs, ceux qui ont suscité les évènements. Mais il faut évidemment que le parlement soit inclusif », résume-t-il alors que les listes de parlementaires se font attendre et que les partis politiques veulent « pousser les murs » des quotas fixés par la charte de transition.
Télesphore Ondo estime que c’est de techniciens plus que de politiques dont a besoin la transition gabonaise : « Il y a une difficulté des acteurs à comprendre ce qu’est une transition : ce n’est pas aux politiques de faire la pluie et le beau temps, mais c’est plus un moment pour faire un travail technique, de nettoyer et revoir les textes, ça ne demande pas trop de monde. D’autant plus que des élections seront organisées à la fin, et à partir de ce moment les acteurs politiques pourront reprendre du service ».
Marc Ona Essangui voudrait lui surtout une accélération de l’organisation de la conférence nationale, annoncée pour avril par le premier ministre. Il craint une « perte de souffle » de la transition : « Entre maintenant et le mois d’avril, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts, est-ce que l’engouement que nous connaissons aujourd’hui ne va pas s’estomper ? Ce qui me fait peur, c’est la remontée des politiques qui ont mis le pays à genoux, car il y a toujours des arrangements pour se tailler la part du lion, et nous serons vigilants au niveau de la société civile pour que les politiques qui sont à l’origine de la situation du pays, ne recommencent pas leurs arrangements ».
Cette conférence souveraine devra trancher sur la durée de la transition, qui n’est pas encore fixée -une durée de deux ans revient souvent dans les débats…-, mais aussi sur la question de l’éligibilité du général Oligui NGuema aux futures élections. Sur ce point, les acteurs de la transition sont pour le moment inéligibles selon la charte, sauf le président de la transition. Au magazine Jeune Afrique, celui-ci a justifié ne « pas être un acteur de la mise en œuvre du nouveau code électoral et de la nouvelle constitution », et donc ne pas être soumis à « restriction ».
L’éligibilité du président de transition, un sujet pour la conférence nationale
Mais pour l’instant, ce n’est pas un sujet, dit Max-Olivier Obame Ndong, le porte-parole de la présidence de transition : « Une constitution sera écrite, un nouveau code électoral verra le jour, ceux qui vont travailler au sein de ces commissions détermineront qui est éligible, qui ne l’est pas. Ce n’est pas à lui [le général Oligui] de dire “Moi, je suis éligible et on avance comme tel”, il respecte les institutions établies. Nous pensons que parler d’élection aujourd’hui, c’est perdre du temps alors qu’on a beaucoup à faire ».
Dans les rangs de l’ex-opposition qui a bataillé contre Ali Bongo, pas d’inquiétude pour le moment. « La charte a été écrite dans un moment de haute chaleur, elle a subi la pression de l’urgence, mais maintenant face à la réalité, elle doit subir un regard plus froid, plus averti de la réalité, juge François Ndong Obiang. Ce qui nous importe, c'est de faire vivre ensemble toutes les forces vives de la nation pour arriver à un régime démocratique avec un président élu démocratiquement. Donc les exigences d’inéligibilité, c’est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant. »
« Le processus annoncé est intéressant s’il est respecté », analyse Thélesphore Ondo. « D’abord, faire participer les forces vives de la nation, y compris l’ancien système, mais surtout, on verra le contenu proposé, ajoute le constitutionnaliste, il faudra éviter qu’à la constituante, on ne retrouve pas trop d’anciens du parti au pouvoir. L’objectif évident est de mettre des verrous pour que la constitution ne soit pas instrumentalisée comme sous l’ancien régime. »
En attendant les débats de fond sur la constitution et les élections, la transition travaille à rassurer la communauté internationale, c’était la mission du premier ministre Raymond Ndong Sima à l’assemblée générale de l’ONU, et à rétablir de bonnes relations avec ses voisins. D’où les premières visites du général Oligui Nguema en Guinée équatoriale, au Congo-Brazzaville, et en Centrafrique ce mercredi, chez le facilitateur de la CEEAC, Faustin-Archange Touadera.
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