Une heure pile pour officialiser le rétablissement de relations apaisées entre le Maroc et la France. Le roi Mohammed VI a été accueilli vers 17h par la sonnerie de la garde présidentielle. Court sourire courtois en direction des photographes. Puis le chef de l'Etat marocain s'est engouffré dans l'enceinte du palais de l'Elysée avec son homologue français, sans faire de déclaration.
C'est une visite importante, car les relations entre les deux pays n'étaient plus au beau fixe depuis un an. Au départ de cette brouille, une descente de police à la résidence de l'ambassadeur du Maroc en banlieue parisienne, en février 2014. Des policiers venus notifier au patron du renseignement marocain, Abdellatif Hammouchi, une demande d'audition de la justice française saisie par des ONG. Ces dernières avaient porté plainte contre lui pour « apologie de torture ». En réponse, Rabat suspendait sa coopération judiciaire avec Paris.
Une série d'incidents et de « couacs » diplomatiques sont aussi survenus, que les coups de fil de François Hollande au roi du Maroc ou les excuses de Laurent Fabius à son homologue n'étaient pas parvenus à faire oublier : fouille inopinée du chef de la diplomatie marocaine à l’aéroport, menaces reçues par un haut gradé dans sa chambre d’hôpital, placement du Maroc parmi les pays sous vigilance par le quai d’Orsay, ce qui avait entrainé l’annulation de milliers de séjours touristiques en quelques jours.
Fin janvier, pour permettre un réchauffement, la coopération judiciaire avait été rétablie à l'occasion d'une visite du ministre marocain de la Justice à Paris. Il faut dire que les attentats de Paris ont donné un coup d'accélérateur à la reprise des relations judiciaires et sécuritaires entre les deux pays. Le Maroc, qui lutte aussi contre les filières de recrutement jihadistes, est en effet un allié incontournable dans la région. Désormais, Rabat et Paris sont déterminés « à lutter ensemble contre le terrorisme ».
Le nouvel accord de coopération judiciaire conclu entre les gardes des Sceaux des deux pays favorise notamment les échanges de renseignements et d'informations. Mais d’autres rencontres sont programmées après ce tête-à-tête entre chefs d'Etat. Selon l'Elysée, le Premier ministre Manuel Valls et le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius devraient se rendre tout prochainement au Maroc pour poursuivre les discussions.
Au lendemain de la rencontre, ce mardi 10 février, la fermeté de Rabat a payé, commente en substance la presse marocaine. Le fait de freiner l’échange de renseignements dans la lutte antiterroriste a servi d'argument de poids pour renégocier les conditions des relations bilatérales. Pour les médias du pays, le Royaume ressort ainsi renforcé de ce bras de fer.
La renégociation de la coopération judiciaire sonne comme une réparation aux affronts successifs subis par les officiels marocains en France. Et vu de Rabat, la brouille aura aussi été l’occasion de réformer l’action diplomatique du Maroc, en affirmant vouloir s’affranchir d’une certaine tutelle française, alors que Rabat oriente de plus en plus sa diplomatie économique vers le continent africain.
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