Salut mec,
C’est comme cela que tu aimais me passer le bonjour. La dernière fois qu’on s’était parlé, c’était au téléphone, en début avril. Je venais d’arriver à Ziguinchor et je t’appelais pour te faire savoir que j’étais en ville. Cela faisait en effet plusieurs mois qu’on ne s’était pas vu. C’est là que tu m’appris que tu étais à Dakar, tu venais de rentrer d’Allemagne où tu te faisais soigner. Tu étais gravement malade, tu m’as dit. Mais tu m’as aussitôt rassuré, me disant que tout allait mieux maintenant. Je ne me suis pas beaucoup inquiété. A mon retour de Ziguinchor, je t’ai rappelé pour m’enquérir de ta santé, mais tu étais injoignable. Après plusieurs vaines tentatives, j’ai appelé Antoine Diouf qui me dit aussi qu’il avait du mal à te joindre depuis quelques jours. Cela m’avait inquiété. Je finis alors par appelé notre ami Ousmane « Landry » Diallo, qui m’apprit alors que tu avais rechuté et que tu t’étais volontairement reclus, ne répondant plus au téléphone, n’acceptant aucune visite, sauf celle des plus proches. Ce qu’il m’annonça me fit peur. « Si tu vois Abraham aujourd’hui tu ne vas pas le reconnaître. Ce n’est pas Abraham que tu avais connu », m’a-t-il dit. Je m’étais promis de faire le voyage de Ziguinchor pour te voir. Mais je ne te reverrais plus, parce que tu es parti. Et c’était comme quelque chose que j’avais ressenti. Parce que ce dimanche 30 août, je m’apprêtais encore une fois à appeler Landry pour avoir de tes nouvelles quand mon téléphone sonne, affichant le numéro d’Aminata Angélique Manga. J’allais lui sortir une vanne, mais les sanglots dans sa voix m’arrêtèrent. J’ai cru d’abord qu’elle était enrhumée. Elle pleurait, en réalité. « Je t’apporte une mauvaise nouvelle, notre ami Abraham est parti », me dit-elle. Je n’ai pas pu entendre ce qu’elle disait par la suite. J’étais abasourdi, malgré le fait qu’elle parlait à voix basse. J’avais du mal à la croire. Mais ce sont des choses avec lesquelles on ne joue, et puis nous n’étions pas en Avril. J’ai composé le numéro de Landry, je suis tombé sur sa boîte vocale. J’apprendrais plus tard qu’il était hors du pays. C’est ton cousin Pascal Andou, qui me confirme la mauvaise nouvelle. Aussitôt, je cherchais qui, parmi nos amis, appeler, pour partager ma douleur. Antoine Diouf (qui étais déjà au courant) Ousseynou Diakhaté, Mohamed Guèye. Et pour eux tous, ce fut une surprise qui les rendit muets.
Tex, c’est comme cela que je t’appelais, singeant tes amis d’enfance, même si je n’en étais pas un. On s’était connu à la fac. Tu étais au département d’Histoire, moi en Géographie. Nous sommes devenus amis au CESTI, où nous sommes entrés la même année. Tu as choisi la presse écrite, moi la radio, mais nous ne nous sommes jamais quittés depuis lors. Tu m’as retrouvé au groupe Walfadjri, moi à la radio et toi au quotidien. Je me rappelle encore nos discussions dans les couloirs de votre rédaction. Nous discutions de tout. Surtout de notre métier, de nos ambitions, de nos rêves. Comme celui de lancer un grand journal en Casamance. Un rêve qu’a essayé de nous offrir, Nicolas Sambou, avec « Regards du Sud ». Le seul numéro que nous avions eu du mal a bouclé, n’est presque jamais sorti. Et tu t’en es voulu de m’avoir entraîné dans cette galère. Tu me l’as fait savoir, avec beaucoup de gène. Mais tu dois comprendre que je ne t’en ai jamais tenu rigueur. Tu me faisais confiance, c’est pourquoi tu avais tenu à m’associer à ce projet. Et puis entre nous, c’était Nicolas qui n’avait pas tenu parole. Tu es ensuite parti pour Lille, en France, pour des études en communication, puis Paris où tu t’étais inscrit à l’Institut français de géopolitique, où tu as soutenu un mémoire de maîtrise sur la crise casamançaise. Tu m’as dit beaucoup de bien de cette école. Et je me rappelle, lors d’un voyage à Paris tu m’as amené à l’Ifg, présenté à la directrice Béatrice Giblin, parce que tu tenais vraiment, je ne sais pas pourquoi, à ce que je fasse cette école. Tu m’en disais beaucoup de bien. Je m’étais même incrusté dans un de vos cours, ce jour là et dans une discussion sur la France et ses colonies, j’avais dit à madame Giblin qu’à l’école, les Français disaient à nos parents que leurs ancêtres étaient des Gaulois. Tout le monde à rigoler. Lors de ce séjour à Paris, j’étais descendu chez mon frère Amoro, à Cachan, mais tu as insisté pour que je vienne partager ta petite chambre d’étudiant dans la cité d’Antony. Je n’oublierais pas ce jour où Jean Baptiste, nous invitant à prendre un mot, nous a fait faire le tour de Paris juste pour nous amener dans un bar, rien que parce qu’une des serveuses le plaisait.
Ha oui j’allais oublier, tu m’avais invité à passer Pacques 2004 chez toi à Edioungou. Inoubliable ! J’ai toujours en mémoire, notre virée à Essaouat, où nous avions dégusté des huîtres grillées que tu avais fais passer avec du « bounouk », cela t’avais fait vomir et tout le monde à rigoler en ce moquant de toi.
Tex, tu vas me manquer, tu me manques déjà. Et nous ne réaliserons jamais ensemble nos rêves. Nous avions convenus de poursuivre séparément nos carrières respectives, mais de nous retrouver, un jour, pour réaliser quelque chose ensemble. Nous ne savions pas encore quoi, mais étions tout de même convaincus que nous devrions faire quelque chose ensemble.
Au fait tu ne liras jamais mes chroniques sur Pressafrik. Je n’écris pas aussi bien que toi, mais j’aurais aimé que tu me lises et que tu me fasses tes critiques, disons pour que tu me donnes ton avis. Tu aimais bien écouter ma voix à la radio comme moi j’adorais te lire. Tu pensais sincèrement que j’étais un bon journaliste de radio, et moi j’étais convaincu que tu étais déjà une grande plume, quoi que très modeste. L’autre jour en réunion de rédaction, on voulait quelqu’un pour une analyse sur la recrudescence de la violence en Casamance. J’ai dit à mes confrères que j’avais un ami qui pouvait donner un avis pertinent parce qu’auteur d’un mémoire de maîtrise sur la crise casamançaise. Mais que cet ami était alité. Cet ami c’était toi. A la rédaction, les autres ont rigolé. Ils ignoraient que c’était une manière pour moi de me sentir un peu proche de toi dans ton épreuve.
Tex, j’aimais bien visiter le site de l’Ifg pour lire ton nom sur la liste des doctorants. Ta thèse, tu aimais beaucoup m’en parler, tu t’étais donné jusqu’en 2010 pour retourner la soutenir. Cela ne se fera jamais. Comme Beethoven, c’est ta symphonie inachevée.
Salut Mec !
C’est comme cela que tu aimais me passer le bonjour. La dernière fois qu’on s’était parlé, c’était au téléphone, en début avril. Je venais d’arriver à Ziguinchor et je t’appelais pour te faire savoir que j’étais en ville. Cela faisait en effet plusieurs mois qu’on ne s’était pas vu. C’est là que tu m’appris que tu étais à Dakar, tu venais de rentrer d’Allemagne où tu te faisais soigner. Tu étais gravement malade, tu m’as dit. Mais tu m’as aussitôt rassuré, me disant que tout allait mieux maintenant. Je ne me suis pas beaucoup inquiété. A mon retour de Ziguinchor, je t’ai rappelé pour m’enquérir de ta santé, mais tu étais injoignable. Après plusieurs vaines tentatives, j’ai appelé Antoine Diouf qui me dit aussi qu’il avait du mal à te joindre depuis quelques jours. Cela m’avait inquiété. Je finis alors par appelé notre ami Ousmane « Landry » Diallo, qui m’apprit alors que tu avais rechuté et que tu t’étais volontairement reclus, ne répondant plus au téléphone, n’acceptant aucune visite, sauf celle des plus proches. Ce qu’il m’annonça me fit peur. « Si tu vois Abraham aujourd’hui tu ne vas pas le reconnaître. Ce n’est pas Abraham que tu avais connu », m’a-t-il dit. Je m’étais promis de faire le voyage de Ziguinchor pour te voir. Mais je ne te reverrais plus, parce que tu es parti. Et c’était comme quelque chose que j’avais ressenti. Parce que ce dimanche 30 août, je m’apprêtais encore une fois à appeler Landry pour avoir de tes nouvelles quand mon téléphone sonne, affichant le numéro d’Aminata Angélique Manga. J’allais lui sortir une vanne, mais les sanglots dans sa voix m’arrêtèrent. J’ai cru d’abord qu’elle était enrhumée. Elle pleurait, en réalité. « Je t’apporte une mauvaise nouvelle, notre ami Abraham est parti », me dit-elle. Je n’ai pas pu entendre ce qu’elle disait par la suite. J’étais abasourdi, malgré le fait qu’elle parlait à voix basse. J’avais du mal à la croire. Mais ce sont des choses avec lesquelles on ne joue, et puis nous n’étions pas en Avril. J’ai composé le numéro de Landry, je suis tombé sur sa boîte vocale. J’apprendrais plus tard qu’il était hors du pays. C’est ton cousin Pascal Andou, qui me confirme la mauvaise nouvelle. Aussitôt, je cherchais qui, parmi nos amis, appeler, pour partager ma douleur. Antoine Diouf (qui étais déjà au courant) Ousseynou Diakhaté, Mohamed Guèye. Et pour eux tous, ce fut une surprise qui les rendit muets.
Tex, c’est comme cela que je t’appelais, singeant tes amis d’enfance, même si je n’en étais pas un. On s’était connu à la fac. Tu étais au département d’Histoire, moi en Géographie. Nous sommes devenus amis au CESTI, où nous sommes entrés la même année. Tu as choisi la presse écrite, moi la radio, mais nous ne nous sommes jamais quittés depuis lors. Tu m’as retrouvé au groupe Walfadjri, moi à la radio et toi au quotidien. Je me rappelle encore nos discussions dans les couloirs de votre rédaction. Nous discutions de tout. Surtout de notre métier, de nos ambitions, de nos rêves. Comme celui de lancer un grand journal en Casamance. Un rêve qu’a essayé de nous offrir, Nicolas Sambou, avec « Regards du Sud ». Le seul numéro que nous avions eu du mal a bouclé, n’est presque jamais sorti. Et tu t’en es voulu de m’avoir entraîné dans cette galère. Tu me l’as fait savoir, avec beaucoup de gène. Mais tu dois comprendre que je ne t’en ai jamais tenu rigueur. Tu me faisais confiance, c’est pourquoi tu avais tenu à m’associer à ce projet. Et puis entre nous, c’était Nicolas qui n’avait pas tenu parole. Tu es ensuite parti pour Lille, en France, pour des études en communication, puis Paris où tu t’étais inscrit à l’Institut français de géopolitique, où tu as soutenu un mémoire de maîtrise sur la crise casamançaise. Tu m’as dit beaucoup de bien de cette école. Et je me rappelle, lors d’un voyage à Paris tu m’as amené à l’Ifg, présenté à la directrice Béatrice Giblin, parce que tu tenais vraiment, je ne sais pas pourquoi, à ce que je fasse cette école. Tu m’en disais beaucoup de bien. Je m’étais même incrusté dans un de vos cours, ce jour là et dans une discussion sur la France et ses colonies, j’avais dit à madame Giblin qu’à l’école, les Français disaient à nos parents que leurs ancêtres étaient des Gaulois. Tout le monde à rigoler. Lors de ce séjour à Paris, j’étais descendu chez mon frère Amoro, à Cachan, mais tu as insisté pour que je vienne partager ta petite chambre d’étudiant dans la cité d’Antony. Je n’oublierais pas ce jour où Jean Baptiste, nous invitant à prendre un mot, nous a fait faire le tour de Paris juste pour nous amener dans un bar, rien que parce qu’une des serveuses le plaisait.
Ha oui j’allais oublier, tu m’avais invité à passer Pacques 2004 chez toi à Edioungou. Inoubliable ! J’ai toujours en mémoire, notre virée à Essaouat, où nous avions dégusté des huîtres grillées que tu avais fais passer avec du « bounouk », cela t’avais fait vomir et tout le monde à rigoler en ce moquant de toi.
Tex, tu vas me manquer, tu me manques déjà. Et nous ne réaliserons jamais ensemble nos rêves. Nous avions convenus de poursuivre séparément nos carrières respectives, mais de nous retrouver, un jour, pour réaliser quelque chose ensemble. Nous ne savions pas encore quoi, mais étions tout de même convaincus que nous devrions faire quelque chose ensemble.
Au fait tu ne liras jamais mes chroniques sur Pressafrik. Je n’écris pas aussi bien que toi, mais j’aurais aimé que tu me lises et que tu me fasses tes critiques, disons pour que tu me donnes ton avis. Tu aimais bien écouter ma voix à la radio comme moi j’adorais te lire. Tu pensais sincèrement que j’étais un bon journaliste de radio, et moi j’étais convaincu que tu étais déjà une grande plume, quoi que très modeste. L’autre jour en réunion de rédaction, on voulait quelqu’un pour une analyse sur la recrudescence de la violence en Casamance. J’ai dit à mes confrères que j’avais un ami qui pouvait donner un avis pertinent parce qu’auteur d’un mémoire de maîtrise sur la crise casamançaise. Mais que cet ami était alité. Cet ami c’était toi. A la rédaction, les autres ont rigolé. Ils ignoraient que c’était une manière pour moi de me sentir un peu proche de toi dans ton épreuve.
Tex, j’aimais bien visiter le site de l’Ifg pour lire ton nom sur la liste des doctorants. Ta thèse, tu aimais beaucoup m’en parler, tu t’étais donné jusqu’en 2010 pour retourner la soutenir. Cela ne se fera jamais. Comme Beethoven, c’est ta symphonie inachevée.
Salut Mec !
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