Le Sénat était jusqu’à hier la seule institution à avoir survécu à la suspension de la Constitution. On pensait que l’armée, traditionnellement proche des opposants - les chemises jaunes - qui contrôle cette Assemblée, l'avait gardé pour préserver une apparence de légitimité, un premier ministre « technique », neutre, d’ici quelques jours ou quelques semaines. Mais non, le Sénat a été dissout vendredi . David Camroux, chercheur au CERI / Sciences Po , se dit « surpris » de cette décision. « Je pensais qu’il fallait au moins une institution civile - entre guillemets – légitime », avoue le chercheur, d’autant qu’au sein du Sénat, qui est à moitié nommé, « la majorité est dans les mains de l’opposition parlementaire proche du Parti démocrate, et proche des chemises jaunes ».
Avec la dissolution du Sénat, le général Prayuth Chan-ocha, qui s’était déjà proclamé Premier ministre, récupère le pouvoir législatif. De fait, ce coup d’Etat se différencie de plus en plus de celui de 2006. Il y a huit ans, les militaires avaient annoncé qu’ils rendraient le pouvoir rapidement. Cette fois, on n’a encore rien entendu de tel.
La junte prépare l'après Bhumibol
De plus, Prayuth Chan-ocha a envoyé une lettre au secrétaire personnel du roi Bhumibol, pour demander que celui-ci – au sommet de la monarchie constitutionnelle thaïlandaise-, approuve le nouveau régime militaire. Une manœuvre qui a, là encore, surpris David Camroux. Cette lettre de Prayuth Chan-ocha « ne demandait pas à voir [le roi], pour demander son approbation, mais simplement [d’]informer indirectement le roi qu’il y a eu un coup d’Etat. » Pour ce chercheur spécialiste de la Thaïlande, « la famille royale semble être en jeu » et les derniers développements indiquent que l’objectif de la junte militaire est de « mettre en place un système politique, pour après le décès du roi Bhumibol », dans le but de « préserver les intérêts de l’establishment à Bangkok, avec les militaires, les hauts fonctionnaires, les chemises jaunes… Pour, justement, mettre en place des garde-fous. Car, après le décès du roi, un gouvernement de la mouvance de Takhsin Shinawatra, même s’il revient au pouvoir, ne sera pas en mesure de gouverner. »
Politiques et intellectuels ciblés
Ce samedi, l’armée a convoqué 35 intellectuels et militants associatifs, la plupart connus pour leurs critiques de la monarchie ou du coup d’Etat. Peu ont répondu à cette invitation, de peur d'être arrêtés comme l'ont été vendredi l’ancienne Première ministre Yingluck Shinawatra et une partie des autres politiques convoqués, eux aussi, au siège du nouveau pouvoir. L'armée a d’ailleurs refusé de dire combien de personnes avaient été arrêtées. En tout cas, il semble, là encore, que les détentions soient beaucoup plus nombreuses qu’en 2006. Certains parlent déjà de purge. Il y a encore eu des manifestations, samedi à Bangkok. Quelques centaines de personnes à chaque fois et peu d'arrestations : armée et police se sont surtout bornées à filmer les manifestants.
Source : Rfi.fr
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