"Ils exagèrent maintenant. Il y a deux semaines je suis venue ici et on m’a dit de repasser et depuis on dit que ce n’est pas encore arrivé", lance-t-elle, lasse d’attendre un vaccin qui semble s'être volatilisé.
Depuis janvier, le BCG (Bacille de Calmette et Guérin, vaccin mis au point à l’Institut Pasteur en 1921) qui prévient les formes graves de la tuberculose chez l’enfant, est "en rupture" au Chr de San Pedro, affirme le coordonnateur du Programme élargi de vaccination (PEV), Honoré Gueh.
Joint au téléphone, M. Gueh soutient que la "dotation" de janvier, tout comme celle de février n’est pas parvenue au Chr, indiquant que "c’est une rupture nationale", vu que les vaccins ne sont "pas encore arrivés en Côte d’Ivoire".
Il joue toutefois la carte de l’assurance : "J’ai appelé la direction et je crois que d’ici à la fin du mois on pourra avoir les vaccins et au début du mois de mars on pourra commencer à vacciner les enfants".
Les mères devraient attendre quelques semaines pour faire vacciner gratuitement leurs enfants, vu que, selon notre interlocuteur, le BCG n’est disponible qu’auprès des structures couvertes par le PEV et dans quelques pharmacies où il "coûte cher".
Indisponible en mode gratuit mais disponible en mode payant
Proximité oblige, la "voisine de banc" d’Hélène et un homme qui semble être son conjoint, se mêlent à la discussion, après avoir discrètement suivi l’échange entre cette maman d’une trentaine d’années et sa tante, hochant la tête chaque fois qu’elles relevaient un point qu’ils approuvaient.
"Ma sœur, va à la maternité Henriette Konan Bédié au Bardot là-bas (grand bidonville de San Pedro). C’est payant mais au moins tu peux vacciner ton enfant", intervient la voisine qui ajoute, avec un sourire qui cache mal son dépit:"on va faire comment ? On ne peut pas attendre tout le temps aussi".
Le seul homme du quatuor, désireux de garder l’anonymat, avance qu’il a accompagné sa femme dans cette maternité, pour y faire vacciner leur fils contre la tuberculose, à hauteur 3.500 Fcfa soit "2.500 Fcfa pour le vaccin et les 1.000 Fcfa restants pour le carnet de vaccination".
Interrogé sur ce fait, le directeur départemental de la Santé, Docteur Ipo, écarquille les yeux et ouvre les paumes de ses mains pour montrer sa grande surprise:"c’est vous qui me l’apprenez. Comment ça se fait que nous on en n’a pas et eux ils en ont? Je vais vérifier ça".
"Peut-être qu’ils l’ont acheté en pharmacie", suppose-t-il, l’air pensif, essayant de trouver une explication plausible à cet état de faits.
Madame Hiné assure qu’en ce qui la concerne, elle a du s’associer à d’autres mamans pour faire vacciner sa fille d’un mois. Vu que la boîte de BCG comporte dix doses qui ne sont plus utilisables au bout de six heures, les vaccinateurs doivent s’assurer de vacciner le plus grand nombre d’enfants pour ne pas gâcher le précieux liquide.
Le BCG, mais pas que…
Sous un appatam près de la pédiatrie, Franck, vaccinateur au Chr de San Pedro, discute avec ses collègues pour tuer le temps, les mains dans les poches de sa blouse.
Face à lui, deux tables devant lesquelles aucun des nombreux passants ne marque un arrêt: une sur laquelle sont posés quelques documents, censée accueillir les visiteurs, et une autre à sa droite, plus petite, sur laquelle se trouve une glacière soigneusement fermée, un flacon de gel hydroalcoolique et tout le matériel nécessaire.
Au Chr de la seconde ville portuaire ivoirienne, il n’y a pas que le BCG qui manque. Le vaccin contre la fièvre jaune est également en rupture de stock depuis octobre, relève Honoré Gueh, mais est disponible à l’Institut national d’hygiène publique (INHP) de la ville, au prix de 5.500 FCFA. Et selon un agent de santé, le vaccin anti-tétanique (VAT) est disponible à l'hôpital public, après une rupture en janvier
Dans son dernier rapport sur "la situation de l’enfant en Côte d’Ivoire", publié en collaboration avec le ministère du Plan, l’Unicef (fonds des Nations unies pour l’enfance) a révélé que dans le sud-ouest du pays, "seul un tiers des enfants de 12 à 23 mois a reçu tous les vaccins".
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