plus en plus hostile aux forces internationales déployées dans leur pays, les Centrafricains demandent - présidente en tête - le réarmement de leurs soldats, ce dont la communauté internationale ne veut pas entendre parler, car cette armée s'illustre par des mutineries et une indiscipline chronique.
Samedi, des centaines de FACA ont convergé vers le camp militaire Kassaï à la sortie de Bangui pour participer au "grand rapport", une sorte de levée d'armes hebdomadaire mais sans arme... Et c'est un joyeux désordre: certains arrivent à quatre sur une moto, il n'y a pas deux soldats qui ont le même treillis.
"Cette armée n'est plus qu'une ombre mais nous sommes déterminés et c'est maintenant aux politiques de décider ce qu'ils vont faire de nous", explique le lieutenant Alain Taddas. "Nous, nous voulons être réarmés parce que la population le demande, pour sécuriser ce pays".
Près de 8.000 FACA (Forces armées centrafricaines) sont recensés en Centrafrique, la plupart basés à Bangui, selon la présidence. Ces FACA ont été incapables d'empêcher les ex-rebelles Séléka de prendre le pouvoir en mars 2013. Ils l'ont payé durement, en étant désarmés et privés de soldes.
Depuis le départ des Séléka en janvier dernier, poussés vers la sortie par la communauté internationale, la question du devenir des FACA se pose à nouveau. Depuis mars ces soldats touchent leur solde mais ne jouent aucun rôle dans la résolution de la crise actuelle en Centrafrique.
A Bangui, dans la rue, beaucoup de Centrafricains exigent le réarmement "immédiat" des FACA pour rétablir la sécurité, jugeant les forces africaines déployées dans le pays trop proches des ex-rebelles Séléka et les forces françaises incapables de désarmer les milices.
"Etant donné que les résolutions de l'ONU sur le désarmement des milices ne sont plus appliquées", explique Eric Willibyro Sako, l'un des leaders des récentes marches de jeunes organisées dans la capitale pour demander notamment le réarmement des FACA, "la population se sent livrée à elle même, abandonnée".
"Les Centrafricains demandent le retour des FACA parce que ça les rassure, parce qu'ils pensent que les FACA connaissent mieux le terrain et qu'un pays ne peut pas durablement rester sans armée", résume le secrétaire général de l'université de Bangui, Noël Ngoulo.
Le quotidien Le Citoyen soulignait récemment "le refus systématique de réhabiliter cette force", alors que dans le même temps, la France décidait de remettre sur pied l'armée au Mali, pour faire face à la menace islamiste.
- Lynchage public -
La présidente de transition Catherine Samba Panza elle-même, porte cette demande depuis qu'elle s'est installée au palais présidentiel en janvier.
"Dès mon élection, j'ai demandé le réarmement de nos militaires, de nos gendarmes et de nos policiers. Mais j'ai été confrontée à un refus poli de la part du Conseil de sécurité des Nations unies," a-t-elle déclaré le 26 mars dans un discours à la nation. "Je m'emploie tous les jours à convaincre nos partenaires extérieurs".
L'ONU et les Français sont réticents à l'idée de réarmer des FACA mal formés dans un pays où les accrochages entre groupes armés restent quotidiens. D'autant que le 5 février dernier, lors d'une cérémonie officielle au cours de laquelle Mme Samba Panza célébrait la renaissance de l'armée nationale, des FACA avaient lynché à mort l'un des leur, suspecté d'être un Séléka.
Une bonne partie d'entre eux avait même rejoint les milices anti-balaka qui traquent les musulmans, après la chute de la Séléka.
Pour convaincre la communauté internationale de réarmer les FACA, "nous allons tenter de rendre la mariée plus belle, en la toilettant", explique Jean-Jacques Demafouth, ministre conseiller à la Présidence en charge des relations avec les forces internationales.
"Nous voulons réorganiser les bataillons pour que les différentes ethnies et religions soient mieux représentées, nous allons mieux former les soldats, nous allons faire en sorte que l'armée prenne part au développement du pays", dit-il.
Mais ce n'est pas une mince affaire dans une armée désertée par les musulmans où l'ethnie de l'ancien président François Bozizé, les Gbaya, est surreprésentée.
"L'armée, on a besoin de la former sur le long terme, elle n'a pas besoin d'agir tout de suite", estime un expert, le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française à l'ONU. "Alors que gendarmes et policiers, on en a besoin parce que c'est l'état de droit qu'il faut réinstaller en Centrafrique".
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