L’administration américaine accuse des ressortissants de certains pays alliés de participer au trafic de pétrole qui enrichit l’organisation de l’État islamiquee (EI). La Turquie et les Kurdes d’Irak, impliqués aux côtés des États-Unis dans la coalition, ont ainsi été nommément cités, jeudi 23 octobre, par David Cohen, le sous-secrétaire américain au Terrorisme et au Renseignement financier.
C’est la première fois que l’administration Obama évoque aussi directement leur implication. “Jusqu’au mois dernier, l’EI vendait du pétrole à prix cassé à plusieurs intermédiaires, dont des ressortissants turcs”, a assuré ce responsable américain. Il ajoute que “du pétrole venant de territoires contrôlés par l’EI a été acheté par des Kurdes d’Irak pour être ensuite revendu à la Turquie”. Au passage, David Cohen en profite pour égratigner un peu plus le régime syrien accusé “d’avoir trouvé un arrangement pour acheter du pétrole” au mouvement extrémiste.
Réactions indignées
Certes, ce responsable américain n’a pas directement mis en cause les officiels des forces alliées visées. Mais les accusations n’en ont pas moins suscité de vives réactions. “Nous attendons de nos alliés qu’ils partagent leurs renseignements avec nous et non pas qu’ils nous accusent publiquement”, a affirmé Tanju Bilgiç, le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères. “La Turquie combat avec détermination ce trafic et a confisqué 78 millions de litres de pétrole de contrebande l’année dernière”, a-t-il tenu à préciser.
Même réaction indignée du côté des Kurdes d’Irak. “Nous n’avons jamais entendu d’accusation faisant état d’une quelconque implication de responsables du gouvernement régional du Kurdistan [irakien], nous n’achetons pas de pétrole, nous en vendons”, a affirmé Ezzat Sabir, un député du Parlement kurde d’Irak. Il a, cependant, reconnu que “deux soldats ont été arrêtés” pour avoir aidé à revendre du pétrole acheminé depuis les territoires contrôlés par l’EI.
Quelle mouche a donc piqué David Cohen pour pointer ainsi du doigt la Turquie et les Kurdes d’Irak, pourtant des alliés essentiels dans la lutte contre l’organisation de l'État islamique ? D’abord, il n’est pas le premier à le faire. Le Parti républicain du peuple turc a déjà mis en garde Istanbul contre des intermédiaires turcs qui écouleraient le pétrole de contrebande fourni par l’EI. Le prestigieux institut britannique de géopolitique “Chattam House” a aussi indiqué qu’une “mafia d’intermédiaires utilisent des installations au Kurdistan irakien, en Turquie et en Iran pour raffiner” cet or noir auquel carbure les finances du mouvement terroriste.
Comment lutter contre ce trafic ?
Ensuite, les impressionnantes ressources de l’EI sont devenues, ces derniers temps, un sujet de préoccupation majeure. Le trafic de pétrole rapporte environ deux millions de dollars par jour à l’organisation, affirmait le cabinet d’analyse américain IHS, lundi 20 octobre. Le Trésor américain est moins alarmiste et estime que l’EI n’en tire qu’un million de dollars par jour. Mais il reconnaît que c’est la principale source de revenus du mouvement jihadiste. Grâce à cette manne l’organisation “a amassé une fortune sans précédent [pour un mouvement terroriste, NDLR]”, a souligné David Cohen.
C’est pourquoi la lutte contre cette contrebande d’or noir est devenue un axe prioritaire de l’action américaine. “Quiconque touche à du pétrole vendu par l’EI doit savoir que nous sommes en train de chercher à identifier les intermédiaires et que nous disposons des outils pour le faire”, a affirmé David Cohen. Il a assuré que les États-Unis allaient “non seulement geler les avoirs des personnes identifiées mais aussi rendre très difficile pour eux de trouver une banque n’importe où dans le monde qui acceptera de gérer leurs avoirs”.
Reste que ce responsable reconnaît que “les réseaux illégaux et en marge de l’économie formelle utilisés par l’EI pour acheminer le pétrole”, rend le travail d’identification plus difficile. C’est peut-être à la lumière de ce handicap que les accusations publiques contre la Turquie et les Kurdes d’Irak prennent le plus de sens. Elles permettent de mettre les autorités concernées sous pression et les pousser à agir davantage pour mieux contrôler la frontière turco-irakienne.
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