C’est dans un silence de cathédrale que le discours du procureur général, Mbaké Fall, a été suivi, lundi 20 juillet, au siège de l’association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré. Le procureur général s’est rendu plusieurs fois au Tchad pour rencontrer les victimes et visiter les lieux de détention de la dictature avant que le procès ne démarre, après quinze ans de procédures et de rebondissements et un an et demi d'instruction.
Lundi, son discours a été un moment de grande émotion pour les membres de l’association, qui se sont souvenus des épreuves endurées pour obtenir le procès. « L’arrestation duprésident Clément Abaifouta, la tentative d’assassinat de notre avocate Me Jacqueline Moudeïna … Tous ces obstacles et souffrances ont fait que beaucoup de nos frères et sœurs victimes, qui ont engagé cette lutte avec nous, ne sont plus de ce monde. Nous leur rendons ici un hommage mérité », a déclaré, des trémolos dans la voix, Noyama Kovounsouna.
Un procès qui doit faire « exemple » ?
Sur les visages éprouvés par les années de lutte, on lisait de l’émotion, mais aussi de l’espoir. L’espoir qu’enfin, aux portes de la justice, ce procès serve d’exemple.
« S’il y a justice, s’il y a un jugement digne de ce nom, d’autres dictateurs qui sont encore au pouvoir prendront un peu peur, la leçon leur servirait à quelque chose », juge ainsi Souleymane Kemgue Maradas, l’une des victimes du régime d’Habré.
Une analyse partagée par Saleh Kebzabo, président de l'Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR). Pour ce leader du parti d'opposition tchadien, « au-delà du symbole qu’il représente, ce procès a aussi un aspect didactique en ce sens qu’il peut avoir un effet positif sur des tendances, voire des caprices à visée dictatoriale de certains dirigeants africains qui portent des habits démocratiques sans en accepter la pratique. Et ce sont des pratiques qui perdurent encore dans beaucoup de pays, y compris au Tchad. »
Au micro de RFI, Saleh Kebzabo regrette cependant la manière dont ce procès a démarré, et notamment le fait que l’ancien président tchadien est le seul à comparaître devant les Chambres extraordinaires à Dakar. « Il ne peut pas assumer comme ça, les 40 000 morts de la DDS. Je ne crois pas qu’il ait été derrière chaque cas de décès, derrière chaque cas de meurtre, derrière chaque cas de torture », juge Saleh Kebzabo, pour qui « là, on est en train de faire le procès de Hissène Habré tout seul. » Lui aurait préféré « le procès d’un système, avec tous ceux qui l’ont incarné, et ils sont nombreux ».
Le parti au pouvoir insiste sur les indemnisations
Le porte-parole du MPS, le parti pouvoir, insiste quant à lui sur la nécessité d’indemniser les victimes. « Beaucoup ont perdu leurs biens, au-delà de la condamnation à des peines de prison, on espère au moins une forte indemnisation pour les victimes », expose-t-il au micro de RFI.
Selon lui, « l’ouverture de ce procès démontre l’importance de la justice internationale. Et donc, on attend, le peuple tchadien attend, et les victimes attendent que Habré s’explique. Et on espère qu’il va demander pardon à toutes ses victimes, ce qui va permettre au moins de panser la plaie béante laissée depuis son départ du régime. »
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