Cheick Oumar Sissoko : Je suis atterré. Les rumeurs circulaient depuis 2012 que ces cellules existaient à Bamako, mais aujourd’hui, la preuve est faite. A mon avis, il faut doubler la sécurité dans toutes les capitales africaines. J’avoue que j’acceptais très mal ces dispositions de sécurité à Bamako autour de l’ambassade de France et de l’Institut français, parce que cela gênait beaucoup la circulation. Beaucoup de fois j’ai pesté contre cela, mais ce qui vient d’être fait prouve qu’il n’y a pas trop de dispositions de sécurité, il faut encore plus et vraiment redoubler la vigilance.
Les responsables du Fespaco ont longtemps hésité de programmer ou déprogrammer le film Timbuktu d’Abderrahmane Sissako pour des « raisons de sécurité ». En tant qu’ancien ministre de la Culture malien, aujourd’hui, vous donnez raison à ces hésitations ?
Non, je crois que les terroristes ont des moyens limités. Je ne crois pas qu’ils seraient venus jusque-là. Vous savez, c’est certainement eux et une certaine presse qui a dû développer cette information. Ils ont attiré l’attention sur Ouagadougou et ils sont allés à Bamako. Ils peuvent frapper n’importe où. C’est cela qu’il faut qu’on dise. Et quand il y a un film comme Timbuktu ou un autre film, il ne faut pas accepter les provocations et les menaces des terroristes. Il faut que les dispositions soient prises. Et le Burkina Faso, en tous cas jusque-là, a su prendre des dispositions. Ce n’était pas acceptable de déprogrammer Timbuktu. Après ce qui s’est passé à Bamako, je ne veux pas dire : oui, il y avait des raisons, non ! A mon avis, il faut prendre des dispositions partout maintenant. Et il faut surtout traquer les cellules dormantes, parce que les cellules dormantes existent à Bamako, et dans toutes les capitales africaines et dans toutes les capitales du monde.
RFI : Dans votre film Rapt à Bamako que vous présentez ici au Fespaco de Ouagadougou, vous évoquez le trucage d’élections, la corruption. Vous n'aviez pas prévu un attentat, mais l’enlèvement d’une Française à Bamako. Aujourd’hui, est-ce que votre film prend une autre dimension?
C’était une préfiguration de ce qui peut se passer. Moi, je ne l’ai jamais exclue. En tant que politique, nous avons toujours craint ce genre de choses. Il se trouve que dans ce film-là, et ce le roman qui en parle, j’ai insisté là-dessus pour qu’on en parle, parce que c’est une vérité. Il faut qu’on prenne les dispositions, les terroristes, ces criminels, n’ont pas de frontières pour attaquer, pour causer ce genre de dommage comme à Paris, à Londres, en Allemagne, à Boston… Donc il faut qu’il y ait beaucoup plus de sécurité, mais en réalité il faut qu’on informe suffisamment les populations. Elles peuvent dire où peuvent se terrer les cellules dormantes qui viennent souvent sous la couverture des religieux, des prêcheurs et se glissent dans ces domaines avec suffisamment de moyens pour détruire, comme cela a été malheureusement le cas hier à Bamako.
Rapt à Bamako est en lice pour la Palme d’or africaine, l’Étalon d’or de Yennenga. Quel est votre état d’esprit quelques heures avant la cérémonie ?
Moi, je suis très calme. Si j’ai l’Étalon, cela serait pour moi le bonheur suprême. Parce que, après avoir arrêté pendant 15 ans le cinéma, cela serait le deuxième trophée. Et puis de l’offrir à mon pays dans les situations actuelles, après cet évènement dramatique d’hier, amener ce que j’appelle la Coupe d’Afrique du cinéma à mon pays, cela serait vraiment un réconfort pour ce peuple martyr pendant combien d’années et aussi aujourd’hui. Il faut qu’il y ait des éclaircies.
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