Un face à face inédit. Des centaines de manifestants et des dizaines de policiers anti-émeutes, à moins d'un mètre d'écart. « On a entendu que les policiers ne vont pas intervenir beaucoup dans la rue parce qu’il y a un envoyé spécial d’Obama qui va descendre sur Bujumbura,explique un manifestant. Donc, moi je pense que les policiers ont peur de ça. »
Les jeunes chantent l'hymne national du Burundi, brandissent des pancartes contre unéventuel nouveau mandat. Ils sont une poignée à maintenir les autres manifestants à distance pour éviter tout geste de provocation.
A la grande surprise de tous, les manifestants font demi-tour à petite foulée et prennent la direction opposée au centre ville. Stratégie de contournement : l'objectif c'est la route Nationale 3, puis le centre ville. Une longue marche au cours de laquelle ils sont observés avec curiosité ou acclamés par les habitants des quartiers qu'ils traversent. Face à une vingtaine de policiers, ils ralentissent. Les policiers s'écartent : « La police nous a laissés passés, nous déclarons dès maintenant le droit à la liberté d’expression ! » s’écrie un manifestant.
Tirs à balles réelles
Finalement, ils n'auront fait que quelques centaines de mètres sur la Nationale 3. Deux pick-up font irruption. Les manifestants fuient. La quinzaine de policiers ouvrent le feu : gaz lacrymogènes puis tirs à balles réelles d’après de nombreux témoins. Selon la Croix-Rouge burundaise, il y aurait au moins neuf blessés, dont plusieurs par balle.
Une dizaine de minutes à peine après la charge soudaine et violente des policiers burundais, quelques manifestants reviennent sur cette route pavée qui ressemble à un champ de bataille. Sur le sol, des souliers ici, une casquette là, et surtout beaucoup de branches d’arbres qu’ils brandissent pour symboliser leur volonté de manifester pacifiquement.
Cet homme d’affaires burundais qui manifeste depuis le premier jour ne veut pas donner son nom. Il montre d’un geste indigné des taches de sang sur le sol : « Ils ont tiré des balles réelles. Voilà un exemple, ce sont des balles réelles. Il y a eu beaucoup de blessés. J’en ai vu cinq. Nous voulons un changement. Un troisième mandat, nous sommes catégoriquement contre. »
D’autres manifestants arrivent et se précipitent sur les nombreuses douilles qui jonchent le sol, « violation des droits de l’homme », « justice aux ordres », « barbarie ». Les mots sont très durs.
Le gouvernement dément et accuse
Un professeur burundais d’une quarantaine d’années qui n’a pas manifesté mais a assisté à toute la scène qu’il qualifie de « révoltante » : « J’ai vu des manifestants qui se repliaient vers le quartier, puis la police a tiré des balles réelles. J’ai pu voir trois de ces manifestants qui étaient blessés. Ils saignaient. Un avait même un jambe cassée. »
Le ministre de la Sécurité publique Gabriel Nizigama qui s'est rendu sur les lieux après l'assaut, dément pourtant l'usage de tirs à balles réelles :
« Les forces de l’ordre doivent absolument arrêter ce mouvement, ces manifestations illégales, ces mouvements insurrectionnels, indique-t-il. Je n’ai pas encore eu de rapport concernant des tirs de sommation. (...) Je vous dis, je vous répète, jusqu’à présent, on n’a pas encore eu de rapport qui parlent de tirs. Il y a la loi sur les manifestations, donc si vous transgressez la loi, vous faites des manifestations illégales. Vous avez vu : on a brûlé des véhicules, on a lancé des cailloux… Et vous appelez ça des manifestations publiques ! »
Depuis le début des manifestations contre le troisième mandat du président Pierre Nkurunziza, la police n’a pas hésité à tirer à balles réelles. Six civils ont été tués, une cinquantaine d’autres blessés contre une soixantaine de policiers blessés par des jets de pierre. Ce qui n’empêche pas le pouvoir d’accuser les manifestants d’user de toute sorte d’armes.
■ Washington met en garde le gouvernement burundais
Tom Malinowski, secrétaire d’Etat adjoint à la démocratie et aux droits a rencontré jeudi matin le président Nkurunziza pour rappeler la position des Etats-Unis qui sont contre un troisième mandat. Il ne voit, a-t-il indiqué, aucun signe aujourd’hui que le chef de l’Etat burundais va revoir sa décision, mais il appelle les Burundais et le gouvernement, en particulier, à nouer un dialogue. Tom Malinowski a tenu également ce discours très fort en forme d’excuses, mais aussi d’avertissements à l’égard des autorités burundaises :
« D’abord je voudrais dire que les Etats-Unis et la communauté internationale suivent la situation au Burundi plus que jamais dans son histoire. Il y a de nombreuses tragédies dans le passé de ce pays et au cours de ces années, et c’est une honte pour nous, a-t-il regretté. La communauté internationale ne portait pas une attention suffisante. Mais ça a changé. Nous espérons que les choses vont aller mieux et ne pas s’aggraver. Nous espérons que les opportunités de dialoguer vont être saisies. Mais si cela n’arrive pas, nous avons été très clairs sur le fait qu’il y aurait de réelles conséquences, pas seulement des déclarations. Mais des conséquences que le gouvernement va ressentir. Encore une fois, nous espérons que cela n’arrive pas, ce n’est pas notre objectif. Mais je pense que tout le monde comprend que les relations du Burundi avec la communauté internationale sont essentielles pour que le Burundi réussisse. Cela ne devrait pas être remis en cause. »
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