En Algérie, le journal ne sera pas distribué mais ce n'est pas une mesure spéciale, car déjà en temps normal le journal n'est jamais disponible. La Une de l'hebdomadaire a fait le tour des réseaux sociaux, pour la version papier, il faudra aller se la procurer à l’étranger.
Ce numéro de Charlie Hebdo provoque déjà un malaise. Représenter le prophète, en Une, est vu par certains comme une provocation. Ils dénoncent un nouveau dessin sur le thème de l’islam, alors qu’il y a bien d’autres thèmes à traiter. Les dessinateurs de presse eux sont dans une position délicate. S’ils revendiquent le droit à la liberté d’expression, s’ils ont été très touchés par l’attaque contre le journal satirique, l’Algérie est un pays musulman, où l’islam est religion d’Etat. Difficile d’accepter publiquement une caricature du prophète.
Au-delà des réactions de la société, les autorités considèrent qu’il y a une ligne à ne pas franchir : les médias annoncent que le journal Marianne a été interdit de parution cette semaine pour offense à Allah et Mahomet.
→ à lire aussi la Revue de presse Afrique du jour avec les réactions
Au Maroc, si la condamnation du terrorisme a été unanime, les commentaires prennent peu à peu leur distance avec la campagne « Je suis Charlie ». Il y a ceux qui se demandent si les Marocains ont vraiment les moyens « d’être Charlie » dans un contexte de liberté de parole plus restreint qu’en France.
Il y a ceux qui estiment difficile d’être en accord avec la ligne éditoriale du journal satirique jugée offensante pour les musulmans. Les publications de représentations de Mahomet avaient largement choqué en leur temps et cette nouvelle représentation du prophète dans le nouveau numéro est de nature à offenser à nouveau une large partie de l’opinion.
Une opinion assez en ligne avec le discours officiel : le président de la Chambre des représentants, chambre basse du Parlement, a déploré les attaques offensantes de Charlie Hebdo envers les musulmans au nom de la liberté d’expression. La publication satirique ne devrait pas sortir au Maroc où toute production remettant en cause la religion d’Etat est interdite. Comme on l’a vu récemment avec le péplum américain de Ridley Scott, Exodus, interdit pour sa version contestée d’un passage de la Bible.
Au Royaume-Uni
Seuls les quotidiens The Guardian et The independent ont publié dès mardi en pages intérieures la Une du journal satirique mais discrètement, en bas de page et en format réduit. Même prudence sur leurs sites internet : Le Guardian par exemple avertit ses lecteurs « Attention : cet article contient la Une de 'Charlie Hebdo', pouvant paraître offensante ». LeGuardian a pourtant débloqué 127 000 euros pour aider le journal satirique. Mais cette timidité était déjà perceptible la semaine dernière au lendemain de l’attaque contre Charlie Hebdo. Beaucoup de quotidiens et de chaînes d’information ont soutenu spontanément l’hebdomadaire français, beaucoup proclamaient « je suis Charlie » mais pratiquement aucune publication n’a reproduit les caricatures de Mahomet. En revanche les journaux sont fiers de pointer le courage individuel de leurs compatriotes : le Daily telegraph et le tabloidDaily Mail consacrent tous les deux ce matin un long article admiratif à une marchande journaux dans un petit village du sud-ouest de l’Angleterre qui a décidé la peur au ventre de réserver une centaine de copies de Charlie Hebdo qui ne sera disponible dans les kiosques britanniques qu’en fin de semaine. Une décision qui contraste avec celle des grandes chaînes de distribution de la presse qui elles ont décidé de ne pas mettre en kiosque Charlie Hebdo.
En Australie, où on a aussi défilé pour rendre hommage aux victimes des attentats, la publication de l'hebdomadaire pourrait tomber sous le coup d'une loi anti-discrimination. Mais depuis mercredi dernier, plusieurs voix se sont élevées pour demander la modification du texte. L'article 18c du Racial Discrimination Act stipule en effet qu'il est illégal d'offenser, d'insulter ou d'humilier un groupe de personnes en s'attaquant à leur couleur de peau ou leur appartenance ethnique. Les caricatures de Charlie Hebdo pourraient être interprétées de cette manière, même si la ligne éditoriale de l'hebdomadaire ne va évidemment pas dans ce sens. Après les attentats de Paris, deux sénateurs libéraux ont demandé la réouverture du débat sur la liberté d'expression jugeant cet article trop restrictif.
Mais, s'ils ont reçu le soutien du commissaire en charge des droits de l'homme Tim Wilson, qui reconnait qu'en raison de l'article 18C un magazine comme Charlie Hebdo « ne pourrait pas exister » en Australie, ce n'est pas le cas du vice-Premier ministre libéral Warren Truss. Lundi, il a exclu toute modification de la législation. On se souvient que l'an dernier, une tentative de révision de l'article avait suscité une levée de bouclier de la part de différents groupes ethniques, obligeant le gouvernement à faire marche arrière.
Au Mali, pays à plus de 90% musulman, l’attaque de Charlie Hebdo avait suscité une vive émotion, mais les réactions à la nouvelle Une du journal étaient attendues. Charlie Hebdo qui pardonne, par la voix du prophète : cette prise de hauteur et ce message d'humanité pour répondre à la barbarie meurtrière, a trouvé quelques soutiens dans la rue de Bamako. « C'est une bonne idée, explique ainsi un passant, parce que le monde entier va avoir l'image du prophète qui pardonne à ces gens-là [...] C'est un bon message pour la paix ».
Mais cette position est loin d'être majoritaire. En publiant une nouvelle caricature du prophète, Charlie Hebdo reste fidèle à sa ligne provocatrice, persiste et dessine là où ça fait mal. Une attitude que déplore cet étudiant: « Je condamne ce qui s'est passé. On ne doit pas aller assassiner des innocents parce qu'ils ont fait des dessins. Mais d'un autre côté, ce n'est pas bon, dans la religion musulmane, que les gens fassent des caricatures du prophète Mahomet. Ça heurte les sensibilités. Il faut aussi respecter, parce que la liberté d'expression a aussi ses limites. »
C'est justement ce que Charlie Hebdo récuse, mais au-delà du débat sur ce qui doit ou non être perçu comme une insulte, il y a ceux qui ont peur. « C'est bien de pardonner, explique l'un deux, mais il ne faut pas dessiner, car si l'on dessine encore [...] ça va créer d'autres problèmes ». Qu'elles estiment que cette nouvelle caricature du prophète soit une nouvelle provocation pour l'ensemble des musulmans du monde ou pour les terroristes islamistes uniquement, la grande majorité des personnes rencontrées aurait préféré qu'elle ne soit pas publiée.
En Côte d'Ivoire, la rédaction de G'Bich, une parution satirique où travaillent chrétiens, animistes, bouddhistes et musulmans a quant à elle favorablement accueilli la nouvelle couverture du journal satirique. Quelques caricaturistes reviennent sur cette Une qui représente Mahomet.
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