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16 février 1997-16 février 2023: il y a 29 ans, le chaos !

La tension socio-politique qui prévaut actuellement dans notre pays ne présage rien de bon et augure même de lendemains de braises. Ceux qui soutiennent mordicus qu’il ne peut rien se passer de mal dans cette terre bénie de ses illustres aïeux tels Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadj Malick Sy, Cheikh Al Islam Ibrahima
Niass, Seydina Limamoulaye pour ne citer qu’eux, ont tout faux. Dur sera le réveil si rien n’est fait pour arrêter la spirale de la confrontation ! Ce pays, comme tant d’autres sur le continent africain, n’est pas à l’abri de dérapages et est assis sur un baril de poudre. Il peut basculer dans le chaos à tout moment. Comme ce fut le cas en mars 2021 lorsque notre pays avait été secoué par de violente manifestations. Après ces événements provoqués par la tentative d’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, l’Etat, après s’être réarmé et avoir changé les chefs de la Police et de la Gendarmerie, avait bandé les muscles et juré qu’on ne l’y prendrait plus. Pourtant, bien avait mars 2021, ce même Etat avait été surpris, il y a 29 ans, par une manifestation qui avait la mort atroce de six policiers. Et des dégâts matériels difficiles à chiffrer. Le vendredi 10 février dernier, c’est encore ce même Etat, qui se disait pourtant préparé en conséquence et paré pour le combat, qui n’a pas su et pu empêcher les évènements de Mbacké. Mais, jetons un regard sur le rétroviseur avec comme point de mire une des pires journées vécues par notre jeune nation. Celle du 16 février 1994.



16 février 1994-16 février 2023. Il y a 29 ans, jour pour jour, le Sénégal basculait dans le chaos. La période post-électorale de 1993 marquée notamment par l’assassinat de Me Babacar Sèye, alors vice-président du Conseil constitutionnel, la morosité économique qui résultait de l’adoption le 16 août 1993 d’un plan d’urgence communément appelé plan Sakho-Loum du nom de l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, feu Pape Ousmane Sakho et de son collègue du Budget, Mamadou Lamine Loum, et l’arrestation le 30 octobre 1993 de Serigne Moustapha Sy, leader moral des “Moustachidines”,tous ces événements avaient créé les ingrédients d’un cocktail pour le moins explosif.
 

Les ingrédients du cocktail
Après la proclamation dans la suspicion des résultats provisoires des élections présidentielle et législatives de 1993, le 14 mai de la même année, parla Commission nationale de recensement des votes, qui donnait vainqueur le Parti socialiste (PS) du président sortant Abdou Diouf au détriment de son principal challenger, Me Abdoulaye Wade du Parti démocratique sénégalais (PDS), les Sénégalais attendaient ceux définitifs du Conseil constitutionnel. C’est dans ce contexte que Me Babacar Sèye, vice-président de cette haute juridiction, est assassiné le 15mai 1993, officiellement aux environs de 15 heures après une séance de travail au siège de cette institution. C’est sur la Corniche-Ouest, à bord de son véhicule de fonction alors qu’il rejoignait son domicile, qu’il a été mortellement atteint par des tirs. Après cet assassinat, il y a eu une série d’arrestations dont celles de Me  Abdoulaye Wade et de ses principaux collaborateurs, Me Ousmane Ngom (directeur de campagne), Jean Paul Dias et Pape Samba Mboup. Pour ne rien arranger, Serigne Moustapha Sy, auteur d’une déclaration jugée offensante le 23 octobre 1993 à Thiès lors d’un meeting du Pds, est arrêté une semaine plus tard.

Le jeune marabout tombé avait soutenu que le pays traversait trois crises à savoir une crise d’autorité, une crise de compétence et une crise de confiance. Ces éléments (les résultats jugés frauduleux de la présidentielle, l’assassinat de Me Sèye et l’arrestation de Moustapha Sy — ajoutés à la morosité économique engendrée par le drastique plan Sakho-Loum avaient mis les nerfs à fleur de peau.
 

Journée cauchemardesque
Élargi de prison, Me Abdoulaye Wade, de concert avec la Coordination des forces démocratiques (CFD) qui regroupait cinq partis de l’opposition, organise un meeting au Boulevard du général de Gaulle pour dénoncer la politique économique du régime du président Abdou Diouf. Les populations répondent massivement à l’invitation. Dans le lot, les membres des dahiras “Moustarchides wal Moustarchidates” éparpillés un peu partout à travers le pays et frustrés de savoir leur guide moral, Serigne Moustapha Sy, toujours dans les liens de la détention pour “troubles de nature à discréditer l’Etat”. Aussi, quand Me Abdoulaye Wade, répondant à l’interpellation d’un jeune militant qui appelait à marcher lance devant une foule surexcitée : “Vous voulez marcher ? Eh bien marchez !”

Une déclaration aux allures d’un feu vert 

que les manifestants prendront comme argent comptant en marchant vers le palais de la République. Dans la banlieue dakaroise, certains groupuscules avaient anticipé les évènements bien avant le démarrage du meeting en déclenchant des heurts avec les forces de sécurité et de défense à Thiaroye, Pikine et Rufisque. Les rues de la capitale sont alors à feu et à sang. Des hommes encagoulés, armés de couteaux, de gourdins, de machettes et d’armes à feu prennent part aux émeutes.
 

Toujours sur le boulevard du général De Gaulle, une fourgonnette de la police nationale est brûlée et six policiers qui s’y trouvaient tués. D’autres policiers, une bonne vingtaine, sont grièvement blessés et évacués dans les centres hospitaliers de la capitale. Des magasins sont pillés et des édifices vandalisés. Il s’en suit près de 200 arrestations surtout dans les rangs des “Moustarchidines” présumés auteurs des faits de violences, et notamment du meurtre des policiers, traqués sur l’étendue du territoire national. Me Abdoulaye Wade, Landing Savané, Pape Malick Sy, principaux dirigeants de la Coordination des forces démocratiques, ainsi que quelques-uns de leurs militants sont également arrêtés le 18 février à leurs domiciles et inculpés pour “atteinte à la sûreté de l’Etat”.
 

Du côté du pouvoir, par arrêtéN°001123 du 17 février 1994, feu Djiby Leyti Ka, alors ministre de l’Intérieur, interdit toute activité du mouvement “Moustarchidine Wal Moustarchidaty” sur l’étendue du territoire national.

Parallèlement à cette mesure d’interdiction, il rejette la faute sur les Services et affaires présidentiels dirigés alors par son grand rival, feu Ousmane Tanor Dieng, qui auraient fait de la rétention d’information en n’anticipant point sur les évènements. « C’est un vaste complot. Ce qui s’est passé ce jour n’était pas spontané. C’était connu d’avance sauf que les services compétents de l’Etat qui devaient intervenir et qui étaient au courant auraient gardé l’information pour m’avoir, pensant que je réagirai violemment. Plus vous réprimez, plus les gens sortiront. La violence et la répression forment un cercle infini. J’ai demandé de ne tirer sur personne », avait déclaré l’homme d’Etat et alors premier flic du pays.
 

Le président Abdou Diouf, dos au mur et à l’écoute des régulateurs sociaux de l’époque, joue la carte de l’apaisement et appelle au dialogue son principal challenger, Me Abdoulaye Wade. Un dialogue qui débouchera le 15 mars 1995 sur l’entrée de l’opposition au Gouvernement. Il s’agissait de la deuxième entrée de cette opposition dans l’Exécutif après celle de 1991. Comme quoi, une de nos armes les plus puissantes pour sur monter les crises demeure le dialogue. Un dialogue véritable, comme le dit un proverbe africain, qui suppose la reconnaissance de l’autre à la fois dans son identité et dans son altérité. Ousmane Sonko, comme Abdoulaye Wade hier, est un monstre politique qu’il convient de reconnaître et respecter pour l’intérêt exclusif de la nation.

Le Témoin



Jeudi 16 Février 2023 - 08:20


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