Sa fille dit maintenant craindre que son père soit poursuivi jusque dans l’hôpital où il est soigné. « Même les médecins ne sont pas à l’aise. Ils nous demandent comment nous avons organisé la sécurité, alors que nous sommes avec eux, que nous ne pouvons rien faire », confie Zygele Mbonimpa.
Pacifique Nininahazwe, président d'une autre organisation de la société civile, se dit lui aussi très inquiet pour la sécurité de son ami et collègue. « Nous craignons aussi qu’on risque de tenter de l’achever à l’hôpital. Son épouse, son fils, nous disent qu’il y a des signes qu’il pourrait y avoir une attaque », rapportait-il lundi soir.
Mais du côté des autorités, les conseiller en communication du président, Willy Nyamitwe, soutient que la police est « à pied d'oeuvre pour sécuriser et les souffrants, les malades et la famille ». « Tout est mis en œuvre pour élucider ce mystère et savoir qui sont les personnes derrière ces actes odieux et les traduire devant la justice », assure-t-il. Car il estime que certaines personnes « cherchent à faire replonger le pays dans les affres du passé » et fait savoir que « le gouvernement du Burundi ne peut que condamner cet acte ».
« Spirale de la violence »
D'après Pacifique Nininahazwe, de la société civile, cette attaque contre Pierre-Claver Mbonimpa était « prévisible après l’assassinat de l’ancien chef du renseignement, le général Adolphe ». Le général Adolphe Nshimirimana a été tué dimanche 2 août par des tirs de roquette et d'arme automatique contre sa voiture. Ancien directeur du Service national de renseignement et fidèle parmi les fidèles du président Pierre Knurunziza, il était considéré comme le numéro deux du régime burundais. « Il y a une peur sur ce que tout le gouvernement considère soit comme opposant soit comme ennemi du pays », indique Pacifique Nininahazwe.
Un avis partagé par Florent Geel, responsable Afrique de la FIDH : « Cette attaque contre Pierre-Claver est manifestement une réponse à cet assassinat que nos organisations condamnent, tout comme l’agression du correspondant de RFI et de l’AFP ». Pour lui, le seul moyen de mettre fin à ce qu'il qualifie de « spirale de la violence » est de « rouvrir les espaces de dialogue pour pousser les acteurs à la concertation, à la négociation, afin de permettre autour d’un gouvernement d’union nationale d’organiser de nouvelles élections inclusives, plus réalistes, transparentes et indépendantes. »
Appels au dialogue
L'envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, Thomas Perriello, souligne l'urgence pour les acteurs de la crise burundaise de renouer le dialogue. « En l'espace de seulement 72 heures, nous avons assisté à l'assassinat du général Adolphe, à l'agression d'un journaliste talentueux, et la tentative d'assassinat du plus important défenseur des droits de l'homme du Burundi. Tout cela renforce la nécessite pour toutes les parties de cette crise de s'asseoir à la même table et de parvenir à un dialogue global, qui est le seul moyen d'avancer », estime Thomas Perriello.
Un appel à la reprise des négociations que lance également l'ancien président et opposant Sylvestre Ntibantunganya : « J’interpelle particulièrement les responsables au niveau des institutions, à commencer par le président de la République, mais j’interpelle également les autres responsables politiques pour que ce dialogue, ces négociations qui avaient commencé avec la médiation du président Museveni, reprennent. » Il estime par ailleurs que la communauté internationale doit davantage s'investir, avec des « actions concrètes ».
Sur Twitter, le secrétaire d'Etat adjoint américain en charge de la démocratie, Tom Malinowski, s'est dit désespéré d'apprendre l'attaque contre un homme qu'il dit admirer profondément. « Le Burundi a besoin de justice, pas de vengeance, a-t-il ajouté. Nous sommes prêts à faire tout son possible pour que les responsables soient traduits en justice. »
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