Le Burundi se rapproche-t-il de la guerre civile ? Huit mois après le début du mouvement de contestation pacifique né de la volonté du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, ce qui n’était qu’une crise politique s’est mué, au gré des flambées de violence, en un affrontement armé entre une opposition radicalisée et un régime de plus en plus répressif.
Ce week-end, le conflit a franchi un nouveau cap avec des combats sanglants qui ont de nouveau frappé Bujumbura. Vendredi 11 décembre, des groupes d’opposition armés ont attaqué simultanément trois camps militaires de la capitale burundaise, entraînant des affrontements avec le pouvoir qui se sont poursuivis toute la nuit.
"Victimes non armées"
Selon l’armée, le bilan de ces incidents - les plus sanglants depuis la tentative de putsch de la mi-mai (voir encadré ci-contre) - s’élève à près de 90 morts, parmi lesquels 79 opposants armés, qualifiés d''ennemis" par Bujumbura, ainsi que huit soldats et policiers. "Les chiffres ne sont pas encore confirmés mais des sources fiables parlent plutôt de plus de 100 personnes tuées, notamment des personnes qui n’avaient rien à voir avec les attaques contre les bases militaires ", affirme à France 24 Carina Tertsakian, chercheuse au sein de l’organisation Human Rights Watch (HRWW).
Samedi matin, des dizaines de corps ont en effet été découverts dans les rues de quartiers réputés pour leur opposition au chef de l’État. Certains avaient les bras liés derrière le dos, d'autres avaient été tués à bout portant, ont rapporté des témoins à l’AFP. "Les autorités affirment avoir tué des 'ennemis', mais nos sources sur le terrain affirment que de nombreuses victimes n’étaient pas armés : il s’agissait de personnes qui habitaient les quartiers visés par la police, indique Carina Tertsakian. Une enquête sérieuse et indépendante devrait être lancée d'urgence pour établir les circonstances exactes de ces meurtres."
"Toutes les circonstances n’ont été pas établies, mais tout indique que le pouvoir a voulu venger les attaques en allant dans les quartiers populaires de Bujumbura pour y arrêter des jeunes et les exécuter sommairement, rapporte à France 24 Florent Geel, responsable du bureau Afrique à la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH). On ne se situe donc plus uniquement dans le cadre d’une répression avec un usage excessif de la force mais dans des mesures de rétorsion qui constituent une gradation supplémentaire dans le conflit. "
"Réprimer dans le silence"
Une situation d’autant plus préoccupante aux yeux des ONG que les violences du régime burundais sont également dirigées contre la société civile. "Des listes noires de journalistes et ade défenseurs des droits humains circulent dans le pays ce qui laisse penser que des arrestations vont avoir lieu, s’alarme Florent Geel. Jeudi, la trésorière d’Iteka, l’une des organisations locales avec laquelle nous sommes en contact, a été enlevée et incarcérée par les forces de renseignements qui demandent 3,5 millions de francs burundais [un peu plus de 2 000 euros] pour sa libération. Il y a clairement une volonté du régime de réprimer dans le silence. On assiste actuellement à la reproduction des prémices de la guerre civile qu’a déjà connu le Burundi avec des assassinats et des arrestations ciblés, la constitution de groupes armés et une stratégie de confrontation."
Les craintes d’un embrasement sont telles que les États-Unis ont recommandé, dimanche, à tous leurs ressortissants "de ne pas se rendre au Burundi et à ceux qui s'y trouvent de partir aussi rapidement que possible". En novembre, l'Union européenne (UE) avait déjà décidé d'évacuer les familles et des personnels non essentiels de sa délégation au Burundi. La Belgique avait "conseillé" à ses ressortissants de partir.
Ce n’est toutefois pas la première fois que les pays étrangers redoutent le pire pour le Burundi, pays à l'histoire post-coloniale jalonnée de massacres entre Hutus et Tutsis, notamment lors de la guerre civile qui fit quelque 300 000 morts entre 1993 et 2006. Au début de novembre, la communauté internationale disait ainsi craindre des violences à grande échelle après que certains caciques du pouvoir avaient multiplié des propos incendiaires aux connotations ethniques.
"Ces récentes tueries représentent une escalade mais l’intensité des violences a connu des hauts et des bas depuis le début de la crise. La situation reste très imprévisible", observe Carina Tertsakian qui ne croit pas à une ethnicisation de la crise. "Les circonstances ne sont pas celles des années 1990. Nous sommes face à un conflit non pas ethnique mais politique, qui met un président s’accrochant au pouvoir aux prises avec une kyrielle d’opposants."
"Mettre le paquet diplomatique"
L’urgence reste néanmoins réelle. Alors que la médiation ougandaise, amorcée en juillet, peine à trouver des solutions, les ONG craignent un pourrissement de la situation qui pourrait s’avérer funeste. "Même si les choses sont allées très loin, on a cependant le sentiment qu’une solution diplomatique est encore possible, estime Florent Geel. Il faut que l’Union africaine [UA] et l’ONU accentuent la pression sur le Burundi avec des objectifs clairs de négociations. L’enjeu est de pousser le régime à revenir à la négociation, d’aboutir à la création d’un gouvernement d’union nationale et, in fine, à la tenue d’élections."
Il y a un mois, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution autorisant l'ONU à déployer éventuellement des casques bleus. Mais pour l'instant l'ONU n'envisage que de mettre en place une petite équipe autour de son émissaire au Burundi afin de promouvoir un dialogue politique.
Jeudi, c’est le Conseil de droits de l’Homme de l’ONU qui doit se réunir à Genève pour évoquer la question burundaise. "On attend que des décisions fortes soient prises, tel l’envoi d’une mission politique et d’une force de police qui soit capable de faire de la surveillance sur le terrain, espère Florent Geel. Il faut mettre le paquet diplomatique au risque de devoir envoyer, dans six mois, des casques bleus qui se retrouveraient, comme souvent, dans des situations inextricables. C’est maintenant qu’il faut agir."
source: france 24
Ce week-end, le conflit a franchi un nouveau cap avec des combats sanglants qui ont de nouveau frappé Bujumbura. Vendredi 11 décembre, des groupes d’opposition armés ont attaqué simultanément trois camps militaires de la capitale burundaise, entraînant des affrontements avec le pouvoir qui se sont poursuivis toute la nuit.
"Victimes non armées"
Selon l’armée, le bilan de ces incidents - les plus sanglants depuis la tentative de putsch de la mi-mai (voir encadré ci-contre) - s’élève à près de 90 morts, parmi lesquels 79 opposants armés, qualifiés d''ennemis" par Bujumbura, ainsi que huit soldats et policiers. "Les chiffres ne sont pas encore confirmés mais des sources fiables parlent plutôt de plus de 100 personnes tuées, notamment des personnes qui n’avaient rien à voir avec les attaques contre les bases militaires ", affirme à France 24 Carina Tertsakian, chercheuse au sein de l’organisation Human Rights Watch (HRWW).
Samedi matin, des dizaines de corps ont en effet été découverts dans les rues de quartiers réputés pour leur opposition au chef de l’État. Certains avaient les bras liés derrière le dos, d'autres avaient été tués à bout portant, ont rapporté des témoins à l’AFP. "Les autorités affirment avoir tué des 'ennemis', mais nos sources sur le terrain affirment que de nombreuses victimes n’étaient pas armés : il s’agissait de personnes qui habitaient les quartiers visés par la police, indique Carina Tertsakian. Une enquête sérieuse et indépendante devrait être lancée d'urgence pour établir les circonstances exactes de ces meurtres."
"Toutes les circonstances n’ont été pas établies, mais tout indique que le pouvoir a voulu venger les attaques en allant dans les quartiers populaires de Bujumbura pour y arrêter des jeunes et les exécuter sommairement, rapporte à France 24 Florent Geel, responsable du bureau Afrique à la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH). On ne se situe donc plus uniquement dans le cadre d’une répression avec un usage excessif de la force mais dans des mesures de rétorsion qui constituent une gradation supplémentaire dans le conflit. "
"Réprimer dans le silence"
Une situation d’autant plus préoccupante aux yeux des ONG que les violences du régime burundais sont également dirigées contre la société civile. "Des listes noires de journalistes et ade défenseurs des droits humains circulent dans le pays ce qui laisse penser que des arrestations vont avoir lieu, s’alarme Florent Geel. Jeudi, la trésorière d’Iteka, l’une des organisations locales avec laquelle nous sommes en contact, a été enlevée et incarcérée par les forces de renseignements qui demandent 3,5 millions de francs burundais [un peu plus de 2 000 euros] pour sa libération. Il y a clairement une volonté du régime de réprimer dans le silence. On assiste actuellement à la reproduction des prémices de la guerre civile qu’a déjà connu le Burundi avec des assassinats et des arrestations ciblés, la constitution de groupes armés et une stratégie de confrontation."
Les craintes d’un embrasement sont telles que les États-Unis ont recommandé, dimanche, à tous leurs ressortissants "de ne pas se rendre au Burundi et à ceux qui s'y trouvent de partir aussi rapidement que possible". En novembre, l'Union européenne (UE) avait déjà décidé d'évacuer les familles et des personnels non essentiels de sa délégation au Burundi. La Belgique avait "conseillé" à ses ressortissants de partir.
Ce n’est toutefois pas la première fois que les pays étrangers redoutent le pire pour le Burundi, pays à l'histoire post-coloniale jalonnée de massacres entre Hutus et Tutsis, notamment lors de la guerre civile qui fit quelque 300 000 morts entre 1993 et 2006. Au début de novembre, la communauté internationale disait ainsi craindre des violences à grande échelle après que certains caciques du pouvoir avaient multiplié des propos incendiaires aux connotations ethniques.
"Ces récentes tueries représentent une escalade mais l’intensité des violences a connu des hauts et des bas depuis le début de la crise. La situation reste très imprévisible", observe Carina Tertsakian qui ne croit pas à une ethnicisation de la crise. "Les circonstances ne sont pas celles des années 1990. Nous sommes face à un conflit non pas ethnique mais politique, qui met un président s’accrochant au pouvoir aux prises avec une kyrielle d’opposants."
"Mettre le paquet diplomatique"
L’urgence reste néanmoins réelle. Alors que la médiation ougandaise, amorcée en juillet, peine à trouver des solutions, les ONG craignent un pourrissement de la situation qui pourrait s’avérer funeste. "Même si les choses sont allées très loin, on a cependant le sentiment qu’une solution diplomatique est encore possible, estime Florent Geel. Il faut que l’Union africaine [UA] et l’ONU accentuent la pression sur le Burundi avec des objectifs clairs de négociations. L’enjeu est de pousser le régime à revenir à la négociation, d’aboutir à la création d’un gouvernement d’union nationale et, in fine, à la tenue d’élections."
Il y a un mois, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution autorisant l'ONU à déployer éventuellement des casques bleus. Mais pour l'instant l'ONU n'envisage que de mettre en place une petite équipe autour de son émissaire au Burundi afin de promouvoir un dialogue politique.
Jeudi, c’est le Conseil de droits de l’Homme de l’ONU qui doit se réunir à Genève pour évoquer la question burundaise. "On attend que des décisions fortes soient prises, tel l’envoi d’une mission politique et d’une force de police qui soit capable de faire de la surveillance sur le terrain, espère Florent Geel. Il faut mettre le paquet diplomatique au risque de devoir envoyer, dans six mois, des casques bleus qui se retrouveraient, comme souvent, dans des situations inextricables. C’est maintenant qu’il faut agir."
source: france 24
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