Un OVNI en politique, c’est souvent comme cela qu’a été dépeint Emmanuel Macron, devenu ce dimanche soir, à seulement 39 ans, le plus jeune président de la Ve République française, sans avoir jamais auparavant exercé un quelconque mandat électif. Si l’on veut rester dans le registre spatial, c’est cependant plutôt à une fusée qu’il faudrait faire référence tant l’ascension du candidat d’En Marche ! en politique a été fulgurante.
Là où tous ses prédécesseurs sans exception, y compris le plus illustre, auront mis des décennies à accéder à la fonction suprême, il ne lui aura fallu que cinq ans, l’espace d’un quinquennat, celui de François Hollande, pour endosser le costume de premier des Français, en trahissant au passage – mais c’est de bonne guerre, semble-t-il, en politique – celui qui l’avait lancé.
On aurait tort de penser que l’idée de devenir président n’est venue que récemment à Emmanuel Macron. Mais il aura fallu quand même un alignement de planètes, totalement imprévisible il y a encore six mois, pour donner de l’élan à son ascension dans les sondages puis du corps à son succès dans les urnes.
Son grand mérite aura été d’avoir eu du flair pour mille et d’avoir cru en son étoile. « C’est un processus de cristallisation, comme dirait Stendhal, qui est progressif. Pour moi, il s’est fait à l’automne dernier », confiait-il récemment. « À la fois, poursuivait-il, parce que j’ai eu le sentiment, vraiment, de comprendre très intimement et profondément ce qui était en jeu ; ce qui était en train de se transformer et quelles étaient à la fois les aspirations et les inquiétudes profondes de notre pays. Et en même temps, parce que je m’en suis senti la volonté et la capacité. »
Un parcours atypique
« À la fois », « et en même temps », ceux qui se plaisent à brocarder une supposée, ou réelle, duplicité du personnage ne manqueront pas de relever deux de ses tics de langage les plus distinctifs, prononcés dans la même phrase, deux expressions qui lui ont fréquemment valu des sarcasmes ces derniers mois, au même titre que les désuets « peu me chaut ! », « la belle affaire ! » ou encore le verlainien « jadis plus que naguère ».
Difficile à cerner, Emmanuel Macron l’a toujours été, aux dires même de son entourage, ce qui lui fait au moins un point en commun avec François Hollande.
Si ses relations se comptent en effet par centaines, hormis Marc Ferracci, rencontré durant leurs études communes en 1999, on ne lui connaît aucun réel ami. Seule Brigitte, son épouse, saurait vraiment qui est celui qui présidera durant les cinq prochaines années aux destinées de la France. Pour les autres, il est ce littéraire surdoué au physique à la Boris Vian, période J'suis snob, que beaucoup voyaient devenir écrivain mais qui a fait un crochet par l’Inspection des finances, puis par une banque d’affaires avant de s’inscrire en politique. Un parcours atypique, assuré
ment.
Emmanuel Macron naît dans le quartier bourgeois d’Amiens le 21 décembre 1977, au sein d'une maison de briques confortable mais sans ostentation, selon l’expression consacrée. Son père est chef du service de neurologie du CHU de la ville et sa mère médecin-conseil à la Sécurité sociale. Pas la misère bien sûr mais pas une vie de châtelain non plus. Un frère, Laurent, et une sœur, Estelle, tous deux médecins aujourd'hui, naîtront après Emmanuel. Plus que ses parents, c’est Manette, la grand-mère maternelle, qui va façonner le caractère du garçonnet. De son vrai nom Germaine Noguès, cette ex-principale de collège, qui vit à dix minutes à pied de la demeure familiale, lui enseigne la grammaire et lui transmet l’amour de la littérature, dès l’âge de cinq ans. « J’ai passé mon enfance dans les livres, un peu hors du monde », admet le futur fondateur d’En Marche ! dans Révolution, son livre-programme publié fin novembre 2016.
Là où tous ses prédécesseurs sans exception, y compris le plus illustre, auront mis des décennies à accéder à la fonction suprême, il ne lui aura fallu que cinq ans, l’espace d’un quinquennat, celui de François Hollande, pour endosser le costume de premier des Français, en trahissant au passage – mais c’est de bonne guerre, semble-t-il, en politique – celui qui l’avait lancé.
On aurait tort de penser que l’idée de devenir président n’est venue que récemment à Emmanuel Macron. Mais il aura fallu quand même un alignement de planètes, totalement imprévisible il y a encore six mois, pour donner de l’élan à son ascension dans les sondages puis du corps à son succès dans les urnes.
Son grand mérite aura été d’avoir eu du flair pour mille et d’avoir cru en son étoile. « C’est un processus de cristallisation, comme dirait Stendhal, qui est progressif. Pour moi, il s’est fait à l’automne dernier », confiait-il récemment. « À la fois, poursuivait-il, parce que j’ai eu le sentiment, vraiment, de comprendre très intimement et profondément ce qui était en jeu ; ce qui était en train de se transformer et quelles étaient à la fois les aspirations et les inquiétudes profondes de notre pays. Et en même temps, parce que je m’en suis senti la volonté et la capacité. »
Un parcours atypique
« À la fois », « et en même temps », ceux qui se plaisent à brocarder une supposée, ou réelle, duplicité du personnage ne manqueront pas de relever deux de ses tics de langage les plus distinctifs, prononcés dans la même phrase, deux expressions qui lui ont fréquemment valu des sarcasmes ces derniers mois, au même titre que les désuets « peu me chaut ! », « la belle affaire ! » ou encore le verlainien « jadis plus que naguère ».
Difficile à cerner, Emmanuel Macron l’a toujours été, aux dires même de son entourage, ce qui lui fait au moins un point en commun avec François Hollande.
Si ses relations se comptent en effet par centaines, hormis Marc Ferracci, rencontré durant leurs études communes en 1999, on ne lui connaît aucun réel ami. Seule Brigitte, son épouse, saurait vraiment qui est celui qui présidera durant les cinq prochaines années aux destinées de la France. Pour les autres, il est ce littéraire surdoué au physique à la Boris Vian, période J'suis snob, que beaucoup voyaient devenir écrivain mais qui a fait un crochet par l’Inspection des finances, puis par une banque d’affaires avant de s’inscrire en politique. Un parcours atypique, assuré
ment.
Emmanuel Macron naît dans le quartier bourgeois d’Amiens le 21 décembre 1977, au sein d'une maison de briques confortable mais sans ostentation, selon l’expression consacrée. Son père est chef du service de neurologie du CHU de la ville et sa mère médecin-conseil à la Sécurité sociale. Pas la misère bien sûr mais pas une vie de châtelain non plus. Un frère, Laurent, et une sœur, Estelle, tous deux médecins aujourd'hui, naîtront après Emmanuel. Plus que ses parents, c’est Manette, la grand-mère maternelle, qui va façonner le caractère du garçonnet. De son vrai nom Germaine Noguès, cette ex-principale de collège, qui vit à dix minutes à pied de la demeure familiale, lui enseigne la grammaire et lui transmet l’amour de la littérature, dès l’âge de cinq ans. « J’ai passé mon enfance dans les livres, un peu hors du monde », admet le futur fondateur d’En Marche ! dans Révolution, son livre-programme publié fin novembre 2016.
Hors du monde et un peu hors du temps aussi : il a douze ans lorsqu’il décide d’aller de lui-même dans une église pour se faire baptiser, une originalité de plus chez un préado issu d’une famille agnostique. C’est « le début d’une période mystique qui va durer plusieurs années », reconnaît-il dans le même Révolution. Élève brillant dans son collège jésuite La Providence (ça ne s’invente pas), il s’initie au théâtre et c’est là, sur les planches, qu’il est foudroyé par l’amour. Il n’a pas encore tout à fait seize ans et elle en a déjà quarante mais une liaison dangereuse, et finalement durable, se noue entre Brigitte Auzière, née Trogneux, mariée et mère de trois enfants, et le jeune Emmanuel. Croyant d’abord que leur fils fréquente Tiphaine, la fille aînée de Brigitte qui a le même âge que lui, Jean-Michel et Françoise Macron voient d’un très mauvais œil cette relation forcément vouée à l’échec. Il n’en faut pas plus pour décider le Julien Sorel en herbe d’aller finir son cycle secondaire à Paris, au prestigieux lycée Henri IV. Et de continuer à voir Brigitte.
Après un bac conquis avec la mention très bien, son cursus universitaire débute sur un raté : il échoue par deux fois au concours d’entrée à l’École Normale Supérieure. « La vérité est que je ne jouais pas le jeu. J’étais trop amoureux pour préparer sérieusement le concours », a-t-il avoué à Jérôme Garcin dans l’hebdomadaire L’Obs, lors d’une interview consacrée à la littérature en février dernier. La suite sera beaucoup plus réussie : il mène d’abord de front des études à Science-Po et un DEA de philosophie à Paris X Nanterre où il rédige deux mémoires dédiés à Hegel et à Machiavel, ce qui n’est pas dénué de sens quand on se destine à une carrière en politique. C‘est durant cette période qu’il officie comme assistant du philosophe Paul Ricœur, rencontre marquante qui lui ouvre aussi les portes du comité de rédaction de la revue Esprit, mensuel des intellectuels de la deuxième gauche, celle de Pierre Mendès-France et de Michel Rocard.
De Rothschild à Hollande
Il intègre ensuite l’ENA en 2002 au sein de la promotion Léopold Sédar Senghor où il fréquente une bande où l’on retrouve entre autres Gaspard Gantzer, futur conseiller en communication de François Hollande à l’Elysée. À son retour de Strasbourg en 2004, il atterrit logiquement à l’Inspection générale des finances. C’est là, à Bercy, qu’il fait la connaissance de Jean-Pierre Jouyet, directeur de l’IGF de 2005 à 2007. Le talent et la capacité de travail du jeune inspecteur des finances ne passent pas inaperçus. Il est même approché par le camp Sarkozy, une invitation qu’il décline. « Je n’ai jamais aimé Sarkozy, il a un problème de vulgarité et de rapport à la République », confiera plus tard Emmanuel Macron à Raphaëlle Bacqué du quotidien Le Monde. En revanche, le jeune trentenaire souscrit au parrainage de Jacques Attali et devient ainsi rapporteur de la Commission sur la libération de la croissance française (le fameux rapport Attali) commandée par Nicolas Sarkozy à l’ancien conseiller spécial de François Mitterrand.
Ce poste, situé finalement au carrefour de tous les pouvoirs, lui ouvre un peu plus grandes les portes des cercles de décision. Il y enrichit son carnet d’adresses et finit par dévier de sa route quand Jean-Pierre Jouyet le présente à David de Rothschild. Coup de foudre instantané. On est en 2008 et, quelques mois après avoir épousé Brigitte dans un climat familial apaisé (elle a fini par divorcer de son mari, le banquier André Louis Auzière, en janvier 2006), Emmanuel Macron change d’orientation pour s’installer dans la même maison où servit autrefois (de 1954 à 1958), Georges Pompidou, un autre grand lettré devenu président. Chez Rothschild, le néophyte gravit rapidement les échelons et assure en même temps ses arrières. Son plus gros coup : l’acquisition par Nestlé de la branche alimentaire du groupe américain Pfizer pour 11,85 milliards de dollars le 23 avril 2012, une négociation qui lui rapporte une commission de 2 millions d’euros, cinq ans jour pour jour avant le 1er tour de la présidentielle 2017.
Depuis plusieurs mois déjà, le futur ex-banquier mène cependant une double vie : un pied chez Rothschild, un autre au sein de l’équipe de François Hollande qui prépare la primaire socialiste de 2011.
Sorte d’agent dormant au sein du PS (il y a adhéré en 2006 sans renouveler ses cotisations les années suivantes), Emanuel Macron a été introduit dans ce cercle fermé par Jean-Pierre Jouyet, encore lui. Une fois par semaine, il réunit des économistes à la brasserie La Rotonde, boulevard du Montparnasse – celle-là même où il a fêté sa victoire du 1er tour le 23 avril dernier – et planche avec eux sur le programme économique du candidat Hollande, lequel l’avait remarqué lorsque Jacques Attali le lui avait présenté pour la première fois, en 2008. La campagne électorale rapproche un peu plus le trentenaire ambitieux et le vainqueur de la primaire du PS, si bien qu’en mai 2012 Emmanuel Macron se voit intronisé secrétaire général adjoint à l’Elysée et conseiller du président Hollande pour les sujets macroéconomiques. S’il en découle une baisse très substantielle de ses revenus, ce qu’il ne manque jamais de rappeler, le voilà désormais au cœur du réacteur.
Après un bac conquis avec la mention très bien, son cursus universitaire débute sur un raté : il échoue par deux fois au concours d’entrée à l’École Normale Supérieure. « La vérité est que je ne jouais pas le jeu. J’étais trop amoureux pour préparer sérieusement le concours », a-t-il avoué à Jérôme Garcin dans l’hebdomadaire L’Obs, lors d’une interview consacrée à la littérature en février dernier. La suite sera beaucoup plus réussie : il mène d’abord de front des études à Science-Po et un DEA de philosophie à Paris X Nanterre où il rédige deux mémoires dédiés à Hegel et à Machiavel, ce qui n’est pas dénué de sens quand on se destine à une carrière en politique. C‘est durant cette période qu’il officie comme assistant du philosophe Paul Ricœur, rencontre marquante qui lui ouvre aussi les portes du comité de rédaction de la revue Esprit, mensuel des intellectuels de la deuxième gauche, celle de Pierre Mendès-France et de Michel Rocard.
De Rothschild à Hollande
Il intègre ensuite l’ENA en 2002 au sein de la promotion Léopold Sédar Senghor où il fréquente une bande où l’on retrouve entre autres Gaspard Gantzer, futur conseiller en communication de François Hollande à l’Elysée. À son retour de Strasbourg en 2004, il atterrit logiquement à l’Inspection générale des finances. C’est là, à Bercy, qu’il fait la connaissance de Jean-Pierre Jouyet, directeur de l’IGF de 2005 à 2007. Le talent et la capacité de travail du jeune inspecteur des finances ne passent pas inaperçus. Il est même approché par le camp Sarkozy, une invitation qu’il décline. « Je n’ai jamais aimé Sarkozy, il a un problème de vulgarité et de rapport à la République », confiera plus tard Emmanuel Macron à Raphaëlle Bacqué du quotidien Le Monde. En revanche, le jeune trentenaire souscrit au parrainage de Jacques Attali et devient ainsi rapporteur de la Commission sur la libération de la croissance française (le fameux rapport Attali) commandée par Nicolas Sarkozy à l’ancien conseiller spécial de François Mitterrand.
Ce poste, situé finalement au carrefour de tous les pouvoirs, lui ouvre un peu plus grandes les portes des cercles de décision. Il y enrichit son carnet d’adresses et finit par dévier de sa route quand Jean-Pierre Jouyet le présente à David de Rothschild. Coup de foudre instantané. On est en 2008 et, quelques mois après avoir épousé Brigitte dans un climat familial apaisé (elle a fini par divorcer de son mari, le banquier André Louis Auzière, en janvier 2006), Emmanuel Macron change d’orientation pour s’installer dans la même maison où servit autrefois (de 1954 à 1958), Georges Pompidou, un autre grand lettré devenu président. Chez Rothschild, le néophyte gravit rapidement les échelons et assure en même temps ses arrières. Son plus gros coup : l’acquisition par Nestlé de la branche alimentaire du groupe américain Pfizer pour 11,85 milliards de dollars le 23 avril 2012, une négociation qui lui rapporte une commission de 2 millions d’euros, cinq ans jour pour jour avant le 1er tour de la présidentielle 2017.
Depuis plusieurs mois déjà, le futur ex-banquier mène cependant une double vie : un pied chez Rothschild, un autre au sein de l’équipe de François Hollande qui prépare la primaire socialiste de 2011.
Sorte d’agent dormant au sein du PS (il y a adhéré en 2006 sans renouveler ses cotisations les années suivantes), Emanuel Macron a été introduit dans ce cercle fermé par Jean-Pierre Jouyet, encore lui. Une fois par semaine, il réunit des économistes à la brasserie La Rotonde, boulevard du Montparnasse – celle-là même où il a fêté sa victoire du 1er tour le 23 avril dernier – et planche avec eux sur le programme économique du candidat Hollande, lequel l’avait remarqué lorsque Jacques Attali le lui avait présenté pour la première fois, en 2008. La campagne électorale rapproche un peu plus le trentenaire ambitieux et le vainqueur de la primaire du PS, si bien qu’en mai 2012 Emmanuel Macron se voit intronisé secrétaire général adjoint à l’Elysée et conseiller du président Hollande pour les sujets macroéconomiques. S’il en découle une baisse très substantielle de ses revenus, ce qu’il ne manque jamais de rappeler, le voilà désormais au cœur du réacteur.
De l’Elysée à Bercy
Installé dans un petit bureau d’angle au deuxième étage du palais présidentiel, il occupe un poste avantageux d’un simple point de vue logistique et devient rapidement le collaborateur privilégié de François Hollande auquel il sert de sherpa économique pour les G8, les G20 et les Conseils européens qui se succèdent en ce début de quinquennat. « Emmanuel, c’est moi », confie même le chef de l’État aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, phrase qui, comme tant d’autres, fera le miel des auteurs du prophétique et testamentaire Un président ne devrait pas dire ça. Cette affection quasi-paternelle du chef de l'État envers son jeune conseiller ne tarde pas à faire naître jalousies et inimitiés dans l’entourage élyséen, d’autant que la ligne Macron – social-libérale – n’est pas tout à fait en phase avec politique économique social-démocrate du gouvernement Jean-Marc Ayrault.
Des « hollandais » historiques, comme Stéphane Le Foll et Michel Sapin, en prennent ombrage. Sans parler de Laurent Fabius qui le surnomme « le petit marquis saupoudré » ou d’autres encore qui ne manquent pas de relever sa proximité avec le ministre du Budget Jérôme Cahuzac, au moment où ce dernier est rattrapé par l’un des plus grands scandales de la Ve République. Sûr de son fait, traçant sa route, Macron attend son moment, celui où sonnera l’heure, inévitable selon lui, du virage libéral et des réformes impopulaires. Le calcul n’est pas inexact mais la stratégie connaît un léger contretemps.
Lorsque que l’échec des municipales de mars 2014 sonne la fin de Jean-Marc Ayrault à Matignon, François Hollande ne lui offre aucune promotion, alors que Manuel Valls lui-même souhaitait lui confier le ministère du Budget, comme le relatent dans Le Monde Solenn Le Royer et Vanessa Schneider.
Vexé, il quitte l’Elysée en juillet de la même année afin, dit-il, de « pouvoir mener des projets personnels dans les domaines de l’enseignement et de la recherche », tout en prenant le soin de préciser « dès que vous aurez besoin de moi, je serai là ». Les vacances d’été ne sont pas encore terminées que le voilà déjà de retour aux affaires le 26 août avec, cette fois-ci, un poste régalien : le ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique dans un gouvernement Valls II expurgé de ses ministres frondeurs Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti. Manuel Valls et François Hollande sont loin d’imaginer qu’ils viennent d’accueillir dans le cénacle gouvernemental celui qui va, deux ans et demi plus tard, causer définitivement leur perte.
Tout en concoctant son projet de loi pour la croissance destiné à « déverrouiller l’économie française », le jeune ministre soigne son image et s’adjoint une équipe de communication conséquente, signe qu’il songe dès lors au « coup d’après ». Le projet de loi « pour la croissance et l’activité », dite Loi Macron, est définitivement adopté à l’Assemblée nationale en juillet 2015, non sans que Manuel Valls ait par trois fois recours à l’article 49.3 de la Constitution, synonyme de passage en force d’une politique contestée, une tactique qui rend du même coup le couple Hollande-Valls encore un peu plus impopulaire. Au contraire, celui dont la loi porte le nom passe entre les gouttes : en octobre 2015, il pointe en troisième position des personnalités politiques préférées des Français, assez loin derrière Alain Juppé mais à 1 point seulement du deuxième, un certain François Bayrou.
Cette espèce de virginité dans l’opinion malgré les nuages qui s’amoncèlent à l’horizon de la fin de quinquennat ne fait que le conforter dans son idée : sortir de là avant qu’il ne soit trop tard. Emanuel Macron va alors multiplier les provocations, déclarant pêle-mêle « je ne suis pas socialiste », « quand on est jeune, 35 heures [de travail hebdomadaire ndlr] ce n’est pas assez », « la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler », « la vie d’un entrepreneur est souvent plus dure que celle d’un salarié » ou encore « la gauche, aujourd’hui, ne me satisfait pas », autant de sorties qui hérissent le poil de tous les socialistes, Premier ministre et président de la République compris. Le 6 avril 2016, un pas de plus vers l’indépendance est franchi lorsqu’il fonde dans sa ville natale d’Amiens le mouvement En Marche ! dont les initiales, EM, sont également les siennes.
En marche à toute vitesse
La philosophie du mouvement se résume en cinq axes: rejet du conservatisme, adhésion au progressisme, attachement à l’Union européenne, adaptation à la mondialisation, moralisation et modernisation de la vie politique française. C’est alors le début des Une de Paris-Match et autres magazines people soigneusement orchestrées par l’agence photographique Bestimage chargée désormais de la « com’ » du couple Macron dans la presse à grand tirage. Deux jours avant le traditionnel discours présidentiel du 14 juillet, le futur candidat fait son premier meeting En Marche ! à la Mutualité, meeting au terme duquel il s’exclame : « Ce mouvement, rien ne peut plus l’arrêter (…) Nous le porterons jusqu’en 2017 et jusqu’à la victoire ». Après avoir longtemps feint de rien voir, François Hollande est alors déterminé à en finir au plus vite, mais l’attentat de Nice sur la Promenade des Anglais repousse l’échéance.
Le départ du gouvernement est finalement acté le 30 août, Michel Sapin héritant de son ministère en plus de celui des Finances qu’il occupait déjà. « Emmanuel Macron m’a trahi avec méthode », confie le soir même un François Hollande dépité et qui commence à se dire que sa propre succession sera peut-être encore plus compliquée que prévu. Désormais libre de ses faits et gestes, le ministre-météore n’est plus en marche mais au galop vers la présidentielle. Encouragé depuis des mois déjà par Gérard Collomb, le maire de Lyon, celui qui le premier a cru en lui, il voit s’agréger autour de son nom une interminable cohorte de soutiens couvrant pour ainsi dire tout le spectre de la scène politique française, à l’exception des extrêmes. Le 16 novembre 2016, il annonce officiellement sa candidature à l’élection présidentielle à Bobigny (Seine-Saint-Denis), précisant au passage qu’il ne participera pas à la Primaire de la gauche, « ni à celle de la droite » ironisent certains.
Malgré quelques maladresses ici et là, sa campagne s’avère être un succès. Le candidat En Marche ! remplit les salles alors que les partis traditionnels – Les Républicains et le PS – sont prisonniers de primaires qui vont déboucher sur un désastre à droite et un désaveu à gauche. « Vous me reconnaîtrez une chose : c’est d’être parti dans la bataille bien avant tout cela », plaidait Emmanuel Macron, toujours au même micro RFI de Valérie Gas, il y a quelques semaines. « J’ai décidé de quitter le gouvernement alors que rien n’était déterminé. Beaucoup pensaient que le président de la République se représenterait », ajoutait-il, mettant en avant à la fois sa prise de risque et sa lucidité. « Par contre, concluait-il, j’avais pleinement conscience, et beaucoup le niaient, que la droite et la gauche n’étaient plus en capacité de porter quelque chose de signifiant pour le pays ».
Pari risqué au départ mais pari gagné à l’arrivée, à la faveur des événements bien sûr (éliminations d’Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy, renoncement de François Hollande, affaires François Fillon, défaite de Manuel Valls, solitude de Benoît Hamon), mais aussi grâce à un élan nouveau et à une vision optimiste proposée à un peuple français en pleine déprime. Au soir du 23 avril, Emmanuel Macron a réussi l’impensable : arriver en tête au premier tour (24,01% des suffrages exprimés) avec pour adversaire une Marine Le Pen donnée perdante au second tour dans tous les cas de figure.
Au terme d’une sale campagne conclue durant l'entre-deux tours par un débat d’une violence jamais atteinte, Emmanuel Macron a remporté la plus inattendue des victoires, devenant donc hier soir le plus jeune chef de l’État français depuis Napoléon Bonaparte. À présent, le plus dur est devant lui, à commencer par des élections législatives (11 et 18 juin prochains) dont l’issue, incertaine, conditionnera la suite du premier mandat électif de sa courte carrière politique.
Installé dans un petit bureau d’angle au deuxième étage du palais présidentiel, il occupe un poste avantageux d’un simple point de vue logistique et devient rapidement le collaborateur privilégié de François Hollande auquel il sert de sherpa économique pour les G8, les G20 et les Conseils européens qui se succèdent en ce début de quinquennat. « Emmanuel, c’est moi », confie même le chef de l’État aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, phrase qui, comme tant d’autres, fera le miel des auteurs du prophétique et testamentaire Un président ne devrait pas dire ça. Cette affection quasi-paternelle du chef de l'État envers son jeune conseiller ne tarde pas à faire naître jalousies et inimitiés dans l’entourage élyséen, d’autant que la ligne Macron – social-libérale – n’est pas tout à fait en phase avec politique économique social-démocrate du gouvernement Jean-Marc Ayrault.
Des « hollandais » historiques, comme Stéphane Le Foll et Michel Sapin, en prennent ombrage. Sans parler de Laurent Fabius qui le surnomme « le petit marquis saupoudré » ou d’autres encore qui ne manquent pas de relever sa proximité avec le ministre du Budget Jérôme Cahuzac, au moment où ce dernier est rattrapé par l’un des plus grands scandales de la Ve République. Sûr de son fait, traçant sa route, Macron attend son moment, celui où sonnera l’heure, inévitable selon lui, du virage libéral et des réformes impopulaires. Le calcul n’est pas inexact mais la stratégie connaît un léger contretemps.
Lorsque que l’échec des municipales de mars 2014 sonne la fin de Jean-Marc Ayrault à Matignon, François Hollande ne lui offre aucune promotion, alors que Manuel Valls lui-même souhaitait lui confier le ministère du Budget, comme le relatent dans Le Monde Solenn Le Royer et Vanessa Schneider.
Vexé, il quitte l’Elysée en juillet de la même année afin, dit-il, de « pouvoir mener des projets personnels dans les domaines de l’enseignement et de la recherche », tout en prenant le soin de préciser « dès que vous aurez besoin de moi, je serai là ». Les vacances d’été ne sont pas encore terminées que le voilà déjà de retour aux affaires le 26 août avec, cette fois-ci, un poste régalien : le ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique dans un gouvernement Valls II expurgé de ses ministres frondeurs Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti. Manuel Valls et François Hollande sont loin d’imaginer qu’ils viennent d’accueillir dans le cénacle gouvernemental celui qui va, deux ans et demi plus tard, causer définitivement leur perte.
Tout en concoctant son projet de loi pour la croissance destiné à « déverrouiller l’économie française », le jeune ministre soigne son image et s’adjoint une équipe de communication conséquente, signe qu’il songe dès lors au « coup d’après ». Le projet de loi « pour la croissance et l’activité », dite Loi Macron, est définitivement adopté à l’Assemblée nationale en juillet 2015, non sans que Manuel Valls ait par trois fois recours à l’article 49.3 de la Constitution, synonyme de passage en force d’une politique contestée, une tactique qui rend du même coup le couple Hollande-Valls encore un peu plus impopulaire. Au contraire, celui dont la loi porte le nom passe entre les gouttes : en octobre 2015, il pointe en troisième position des personnalités politiques préférées des Français, assez loin derrière Alain Juppé mais à 1 point seulement du deuxième, un certain François Bayrou.
Cette espèce de virginité dans l’opinion malgré les nuages qui s’amoncèlent à l’horizon de la fin de quinquennat ne fait que le conforter dans son idée : sortir de là avant qu’il ne soit trop tard. Emanuel Macron va alors multiplier les provocations, déclarant pêle-mêle « je ne suis pas socialiste », « quand on est jeune, 35 heures [de travail hebdomadaire ndlr] ce n’est pas assez », « la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler », « la vie d’un entrepreneur est souvent plus dure que celle d’un salarié » ou encore « la gauche, aujourd’hui, ne me satisfait pas », autant de sorties qui hérissent le poil de tous les socialistes, Premier ministre et président de la République compris. Le 6 avril 2016, un pas de plus vers l’indépendance est franchi lorsqu’il fonde dans sa ville natale d’Amiens le mouvement En Marche ! dont les initiales, EM, sont également les siennes.
En marche à toute vitesse
La philosophie du mouvement se résume en cinq axes: rejet du conservatisme, adhésion au progressisme, attachement à l’Union européenne, adaptation à la mondialisation, moralisation et modernisation de la vie politique française. C’est alors le début des Une de Paris-Match et autres magazines people soigneusement orchestrées par l’agence photographique Bestimage chargée désormais de la « com’ » du couple Macron dans la presse à grand tirage. Deux jours avant le traditionnel discours présidentiel du 14 juillet, le futur candidat fait son premier meeting En Marche ! à la Mutualité, meeting au terme duquel il s’exclame : « Ce mouvement, rien ne peut plus l’arrêter (…) Nous le porterons jusqu’en 2017 et jusqu’à la victoire ». Après avoir longtemps feint de rien voir, François Hollande est alors déterminé à en finir au plus vite, mais l’attentat de Nice sur la Promenade des Anglais repousse l’échéance.
Le départ du gouvernement est finalement acté le 30 août, Michel Sapin héritant de son ministère en plus de celui des Finances qu’il occupait déjà. « Emmanuel Macron m’a trahi avec méthode », confie le soir même un François Hollande dépité et qui commence à se dire que sa propre succession sera peut-être encore plus compliquée que prévu. Désormais libre de ses faits et gestes, le ministre-météore n’est plus en marche mais au galop vers la présidentielle. Encouragé depuis des mois déjà par Gérard Collomb, le maire de Lyon, celui qui le premier a cru en lui, il voit s’agréger autour de son nom une interminable cohorte de soutiens couvrant pour ainsi dire tout le spectre de la scène politique française, à l’exception des extrêmes. Le 16 novembre 2016, il annonce officiellement sa candidature à l’élection présidentielle à Bobigny (Seine-Saint-Denis), précisant au passage qu’il ne participera pas à la Primaire de la gauche, « ni à celle de la droite » ironisent certains.
Malgré quelques maladresses ici et là, sa campagne s’avère être un succès. Le candidat En Marche ! remplit les salles alors que les partis traditionnels – Les Républicains et le PS – sont prisonniers de primaires qui vont déboucher sur un désastre à droite et un désaveu à gauche. « Vous me reconnaîtrez une chose : c’est d’être parti dans la bataille bien avant tout cela », plaidait Emmanuel Macron, toujours au même micro RFI de Valérie Gas, il y a quelques semaines. « J’ai décidé de quitter le gouvernement alors que rien n’était déterminé. Beaucoup pensaient que le président de la République se représenterait », ajoutait-il, mettant en avant à la fois sa prise de risque et sa lucidité. « Par contre, concluait-il, j’avais pleinement conscience, et beaucoup le niaient, que la droite et la gauche n’étaient plus en capacité de porter quelque chose de signifiant pour le pays ».
Pari risqué au départ mais pari gagné à l’arrivée, à la faveur des événements bien sûr (éliminations d’Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy, renoncement de François Hollande, affaires François Fillon, défaite de Manuel Valls, solitude de Benoît Hamon), mais aussi grâce à un élan nouveau et à une vision optimiste proposée à un peuple français en pleine déprime. Au soir du 23 avril, Emmanuel Macron a réussi l’impensable : arriver en tête au premier tour (24,01% des suffrages exprimés) avec pour adversaire une Marine Le Pen donnée perdante au second tour dans tous les cas de figure.
Au terme d’une sale campagne conclue durant l'entre-deux tours par un débat d’une violence jamais atteinte, Emmanuel Macron a remporté la plus inattendue des victoires, devenant donc hier soir le plus jeune chef de l’État français depuis Napoléon Bonaparte. À présent, le plus dur est devant lui, à commencer par des élections législatives (11 et 18 juin prochains) dont l’issue, incertaine, conditionnera la suite du premier mandat électif de sa courte carrière politique.
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