Aux États-Unis, l’élection présidentielle prévue au mois de novembre pourrait être reportée. C’est du moins ce qu’a suggéré Donald Trump ce jeudi sur Twitter, invoquant des risques de fraudes liés à la mise en place du vote par correspondance dans de nombreux Etats. Le président parle alors de « l'élection la plus inexacte et la plus frauduleuse de l'histoire ». Mais la Constitution des États-Unis ne permet pas au président de décaler la date des élections et Donald Trump en est conscient.
RFI : Est-ce la première fois que ce genre de décision est annoncée dans le pays ?
Françoise Coste : C’est vraiment historique, ce n’est jamais arrivé auparavant. Non seulement il est impossible de reporter les élections, mais qu’un président le dise à voix haute, c’est une nouvelle preuve que les Etats-Unis traversent une grave crise politique, qui est en train de devenir une crise constitutionnelle. Il ne s’agit plus seulement d’une bataille entre démocrates et républicains ; c’est une crise des institutions. Si l’élection ne peut pas avoir lieu ou si elle se déroule mal parce qu’on a empêché les gens de voter par correspondance, et si le perdant refuse le résultat, il n’y a pas de mécanisme en place pour gérer cela.
Et si Donald Trump venait à perdre, mais voulait rester à la Maison Blanche, avec sa base tellement indéboulonnable, il n’est pas exclu que la situation pourrait devenir violente. Les fans de Donald Trump pourraient faire des manifestations violentes pour qu’on le laisse à la Maison Blanche.
Ce tweet dans lequel Donald Trump indique qu'il souhaite un report des élections marque-t-il un changement de stratégie dans la campagne du président américain ?
Avec cette menace, Donald Trump prépare les esprits des démocrates mais aussi ceux de ses fans républicains. S’il venait à perdre en novembre, il les prépare à une réaction de sa part où il n’accepterait pas les résultats, il ne les trouverait pas légitimes. Il considérerait que l’élection est trop serrée ou bien qu’il y a eu de la fraude. Donald Trump trouverait des excuses pour dire « je n’accepte pas ma défaite et donc je ne quitte pas la Maison Blanche ». Ce qui n’est jamais arrivé non plus. Ce serait un coup de force, on peut utiliser le terme de « coup d’Etat ». C’est une stratégie assez transparente : aux mois de janvier et février, il était persuadé à tort ou à raison qu’il serait facilement réélu. Mais depuis, il y a eu la pandémie et la crise économique
La coïncidence est d'ailleurs intéressante : ce tweet de Donald Trump a été publié quelques minutes après la parution des statistiques économiques du second trimestre 2020. Et elles sont catastrophiques puisqu’il s’agit de la pire chute de la croissance économique depuis qu’il y a des statistiques aux Etats-Unis. Donald Trump voit donc que la situation est très tendue pour lui et il essaie de se rattraper. La seule bouée qu’il a est de motiver sa base. C’est-à-dire d’envoyer des signaux à sa base, comme avec ce tweet, pour dire : « Je me battrai jusqu’au bout, je ne vous abandonne pas, il va falloir me soutenir ». Quand Donald Trump tweete cela, c’est une menace, c’est une stratégie de communication assez vicieuse.
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En envisageant un report de la présidentielle, «Donald Trump prépare les esprits»
Publié le : 30/07/2020 - 22:21
Modifié le : 31/07/2020 - 07:54
Derrière l'annonce d'un possible report de l'élection présidentielle américaine, une stratégie électorale bien réfléchie. Donald Trump à Washington, le 30 juillet 2020.
Derrière l'annonce d'un possible report de l'élection présidentielle américaine, une stratégie électorale bien réfléchie. Donald Trump à Washington, le 30 juillet 2020. REUTERS/Carlos Barria
Texte par :
Cécile Da Costa
4 mn
Donald Trump a laissé entendre ce jeudi 30 juillet que l'élection présidentielle américaine de novembre prochain pourrait être reportée. Le président américain a un peu plus tard assuré à des journalistes qu'il ne voulait pas de ce report, mais il n'en a pas moins suscité un tollé dans la classe politique. Derrière cette annonce inédite se cache une stratégie électorale bien réfléchie, analyse Françoise Coste, professeure de civilisation américaine à l’université Toulouse Jean-Jaurès.
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Aux États-Unis, l’élection présidentielle prévue au mois de novembre pourrait être reportée. C’est du moins ce qu’a suggéré Donald Trump ce jeudi sur Twitter, invoquant des risques de fraudes liés à la mise en place du vote par correspondance dans de nombreux Etats. Le président parle alors de « l'élection la plus inexacte et la plus frauduleuse de l'histoire ». Mais la Constitution des États-Unis ne permet pas au président de décaler la date des élections et Donald Trump en est conscient.
RFI : Est-ce la première fois que ce genre de décision est annoncée dans le pays ?
Françoise Coste : C’est vraiment historique, ce n’est jamais arrivé auparavant. Non seulement il est impossible de reporter les élections, mais qu’un président le dise à voix haute, c’est une nouvelle preuve que les Etats-Unis traversent une grave crise politique, qui est en train de devenir une crise constitutionnelle. Il ne s’agit plus seulement d’une bataille entre démocrates et républicains ; c’est une crise des institutions. Si l’élection ne peut pas avoir lieu ou si elle se déroule mal parce qu’on a empêché les gens de voter par correspondance, et si le perdant refuse le résultat, il n’y a pas de mécanisme en place pour gérer cela.
Et si Donald Trump venait à perdre, mais voulait rester à la Maison Blanche, avec sa base tellement indéboulonnable, il n’est pas exclu que la situation pourrait devenir violente. Les fans de Donald Trump pourraient faire des manifestations violentes pour qu’on le laisse à la Maison Blanche.
Ce tweet dans lequel Donald Trump indique qu'il souhaite un report des élections marque-t-il un changement de stratégie dans la campagne du président américain ?
Avec cette menace, Donald Trump prépare les esprits des démocrates mais aussi ceux de ses fans républicains. S’il venait à perdre en novembre, il les prépare à une réaction de sa part où il n’accepterait pas les résultats, il ne les trouverait pas légitimes. Il considérerait que l’élection est trop serrée ou bien qu’il y a eu de la fraude. Donald Trump trouverait des excuses pour dire « je n’accepte pas ma défaite et donc je ne quitte pas la Maison Blanche ». Ce qui n’est jamais arrivé non plus. Ce serait un coup de force, on peut utiliser le terme de « coup d’Etat ». C’est une stratégie assez transparente : aux mois de janvier et février, il était persuadé à tort ou à raison qu’il serait facilement réélu. Mais depuis, il y a eu la pandémie et la crise économique.
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La coïncidence est d'ailleurs intéressante : ce tweet de Donald Trump a été publié quelques minutes après la parution des statistiques économiques du second trimestre 2020. Et elles sont catastrophiques puisqu’il s’agit de la pire chute de la croissance économique depuis qu’il y a des statistiques aux Etats-Unis. Donald Trump voit donc que la situation est très tendue pour lui et il essaie de se rattraper. La seule bouée qu’il a est de motiver sa base. C’est-à-dire d’envoyer des signaux à sa base, comme avec ce tweet, pour dire : « Je me battrai jusqu’au bout, je ne vous abandonne pas, il va falloir me soutenir ». Quand Donald Trump tweete cela, c’est une menace, c’est une stratégie de communication assez vicieuse.
Pourquoi Donald Trump se positionne-t-il contre le vote par correspondance ?
Le vote par correspondance a toujours existé aux Etats-Unis. Mais cette année, il va falloir le développer parce qu’il y a beaucoup d’électeurs – des gens malades ou des personnes âgées – qui vont avoir peur d’aller voter à cause de la pandémie qui, d’ici novembre, n’aura sans doute pas disparu aux Etats-Unis. Si Donald Trump, et les républicains avec lui, s’opposent à faciliter l’accès à ce vote par correspondance, c’est parce qu’ils sont convaincus que la majorité des électeurs qui demanderaient à voter par correspondance seront plutôt des électeurs démocrates : des électeurs afro-américains, ou hispaniques, qui habitent dans des grandes villes très touchées par le virus.
L’idée de Donald Trump pour se faire élire est donc de faire en sorte qu’il y ait une participation électorale la plus faible possible, en sachant que l’abstention va profiter au parti républicain. C’était le cas en 2016 : une des raisons principales pour lesquelles Hillary Clinton a perdu, c’est parce qu’il y a eu une forte abstention de la base démocrate.
RFI : Est-ce la première fois que ce genre de décision est annoncée dans le pays ?
Françoise Coste : C’est vraiment historique, ce n’est jamais arrivé auparavant. Non seulement il est impossible de reporter les élections, mais qu’un président le dise à voix haute, c’est une nouvelle preuve que les Etats-Unis traversent une grave crise politique, qui est en train de devenir une crise constitutionnelle. Il ne s’agit plus seulement d’une bataille entre démocrates et républicains ; c’est une crise des institutions. Si l’élection ne peut pas avoir lieu ou si elle se déroule mal parce qu’on a empêché les gens de voter par correspondance, et si le perdant refuse le résultat, il n’y a pas de mécanisme en place pour gérer cela.
Et si Donald Trump venait à perdre, mais voulait rester à la Maison Blanche, avec sa base tellement indéboulonnable, il n’est pas exclu que la situation pourrait devenir violente. Les fans de Donald Trump pourraient faire des manifestations violentes pour qu’on le laisse à la Maison Blanche.
Ce tweet dans lequel Donald Trump indique qu'il souhaite un report des élections marque-t-il un changement de stratégie dans la campagne du président américain ?
Avec cette menace, Donald Trump prépare les esprits des démocrates mais aussi ceux de ses fans républicains. S’il venait à perdre en novembre, il les prépare à une réaction de sa part où il n’accepterait pas les résultats, il ne les trouverait pas légitimes. Il considérerait que l’élection est trop serrée ou bien qu’il y a eu de la fraude. Donald Trump trouverait des excuses pour dire « je n’accepte pas ma défaite et donc je ne quitte pas la Maison Blanche ». Ce qui n’est jamais arrivé non plus. Ce serait un coup de force, on peut utiliser le terme de « coup d’Etat ». C’est une stratégie assez transparente : aux mois de janvier et février, il était persuadé à tort ou à raison qu’il serait facilement réélu. Mais depuis, il y a eu la pandémie et la crise économique
La coïncidence est d'ailleurs intéressante : ce tweet de Donald Trump a été publié quelques minutes après la parution des statistiques économiques du second trimestre 2020. Et elles sont catastrophiques puisqu’il s’agit de la pire chute de la croissance économique depuis qu’il y a des statistiques aux Etats-Unis. Donald Trump voit donc que la situation est très tendue pour lui et il essaie de se rattraper. La seule bouée qu’il a est de motiver sa base. C’est-à-dire d’envoyer des signaux à sa base, comme avec ce tweet, pour dire : « Je me battrai jusqu’au bout, je ne vous abandonne pas, il va falloir me soutenir ». Quand Donald Trump tweete cela, c’est une menace, c’est une stratégie de communication assez vicieuse.
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En envisageant un report de la présidentielle, «Donald Trump prépare les esprits»
Publié le : 30/07/2020 - 22:21
Modifié le : 31/07/2020 - 07:54
Derrière l'annonce d'un possible report de l'élection présidentielle américaine, une stratégie électorale bien réfléchie. Donald Trump à Washington, le 30 juillet 2020.
Derrière l'annonce d'un possible report de l'élection présidentielle américaine, une stratégie électorale bien réfléchie. Donald Trump à Washington, le 30 juillet 2020. REUTERS/Carlos Barria
Texte par :
Cécile Da Costa
4 mn
Donald Trump a laissé entendre ce jeudi 30 juillet que l'élection présidentielle américaine de novembre prochain pourrait être reportée. Le président américain a un peu plus tard assuré à des journalistes qu'il ne voulait pas de ce report, mais il n'en a pas moins suscité un tollé dans la classe politique. Derrière cette annonce inédite se cache une stratégie électorale bien réfléchie, analyse Françoise Coste, professeure de civilisation américaine à l’université Toulouse Jean-Jaurès.
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Aux États-Unis, l’élection présidentielle prévue au mois de novembre pourrait être reportée. C’est du moins ce qu’a suggéré Donald Trump ce jeudi sur Twitter, invoquant des risques de fraudes liés à la mise en place du vote par correspondance dans de nombreux Etats. Le président parle alors de « l'élection la plus inexacte et la plus frauduleuse de l'histoire ». Mais la Constitution des États-Unis ne permet pas au président de décaler la date des élections et Donald Trump en est conscient.
RFI : Est-ce la première fois que ce genre de décision est annoncée dans le pays ?
Françoise Coste : C’est vraiment historique, ce n’est jamais arrivé auparavant. Non seulement il est impossible de reporter les élections, mais qu’un président le dise à voix haute, c’est une nouvelle preuve que les Etats-Unis traversent une grave crise politique, qui est en train de devenir une crise constitutionnelle. Il ne s’agit plus seulement d’une bataille entre démocrates et républicains ; c’est une crise des institutions. Si l’élection ne peut pas avoir lieu ou si elle se déroule mal parce qu’on a empêché les gens de voter par correspondance, et si le perdant refuse le résultat, il n’y a pas de mécanisme en place pour gérer cela.
Et si Donald Trump venait à perdre, mais voulait rester à la Maison Blanche, avec sa base tellement indéboulonnable, il n’est pas exclu que la situation pourrait devenir violente. Les fans de Donald Trump pourraient faire des manifestations violentes pour qu’on le laisse à la Maison Blanche.
Ce tweet dans lequel Donald Trump indique qu'il souhaite un report des élections marque-t-il un changement de stratégie dans la campagne du président américain ?
Avec cette menace, Donald Trump prépare les esprits des démocrates mais aussi ceux de ses fans républicains. S’il venait à perdre en novembre, il les prépare à une réaction de sa part où il n’accepterait pas les résultats, il ne les trouverait pas légitimes. Il considérerait que l’élection est trop serrée ou bien qu’il y a eu de la fraude. Donald Trump trouverait des excuses pour dire « je n’accepte pas ma défaite et donc je ne quitte pas la Maison Blanche ». Ce qui n’est jamais arrivé non plus. Ce serait un coup de force, on peut utiliser le terme de « coup d’Etat ». C’est une stratégie assez transparente : aux mois de janvier et février, il était persuadé à tort ou à raison qu’il serait facilement réélu. Mais depuis, il y a eu la pandémie et la crise économique.
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Pourquoi Donald Trump se positionne-t-il contre le vote par correspondance ?
Le vote par correspondance a toujours existé aux Etats-Unis. Mais cette année, il va falloir le développer parce qu’il y a beaucoup d’électeurs – des gens malades ou des personnes âgées – qui vont avoir peur d’aller voter à cause de la pandémie qui, d’ici novembre, n’aura sans doute pas disparu aux Etats-Unis. Si Donald Trump, et les républicains avec lui, s’opposent à faciliter l’accès à ce vote par correspondance, c’est parce qu’ils sont convaincus que la majorité des électeurs qui demanderaient à voter par correspondance seront plutôt des électeurs démocrates : des électeurs afro-américains, ou hispaniques, qui habitent dans des grandes villes très touchées par le virus.
L’idée de Donald Trump pour se faire élire est donc de faire en sorte qu’il y ait une participation électorale la plus faible possible, en sachant que l’abstention va profiter au parti républicain. C’était le cas en 2016 : une des raisons principales pour lesquelles Hillary Clinton a perdu, c’est parce qu’il y a eu une forte abstention de la base démocrate.
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