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Et si nous repensions la notion d'employabilité?



Lors de son intervention face à la presse nationale le 4 avril, le chef de l’État Sénégalais a émis le souhait de lancer une réflexion sur l’employabilité des jeunes. Un engagement qui mérite d’être salué, car il s’attaque à l’une des préoccupations majeures de notre société : comment garantir à notre jeunesse un avenir professionnel ? Mais à mon sens, il est important de dépasser cette réflexion pour envisager une approche plus ciblée, plus ancrée dans la réalité du marché du travail.

1. REPENSER L'APPROCHE AFRICAINE DE L'EMPLOYABILITÉ : UN MODÈLE À RÉINVENTER
Depuis plus d’une décennie, de nombreux pays africains investissent massivement dans la formation, notamment technique, au nom du mot magique : l’employabilité. Partout, on forme. On ouvre des centres. On signe des accords. Mais les résultats, eux, tardent à venir.

Pire encore, les jeunes formés ne trouvent pas d’emploi. Beaucoup prennent le chemin de l’exil. Résultat : nous finançons des formations pour que nos cerveaux, nos bras, nos talents, aillent construire d’autres nations. Un immense gâchis économique pour des pays aux ressources limitées.

Les jeunes Africains sont de plus en plus nombreux à être formés. Cependant, nous constatons que nombre d’entre eux peinent à trouver un emploi durable. Il ne s’agit pas seulement d’une question de quantité de diplômés ou de compétences acquises, mais également d’une déconnexion entre l’offre de formation et la réalité du marché de l’emploi.

Et si le vrai problème était ailleurs ? Et si, avant de former encore et toujours, nous commencions par créer de la valeur ici, avec ce que nous avons déjà ? Et si l’urgence n’était pas d’avoir plus de diplômés, mais d’avoir plus d’entreprises compétitives capables d’embaucher ?

Avant de parler d’employabilité, encore faut-il que nos économies deviennent créatrices de valeur. Une jeunesse formée dans une économie stérile reste une jeunesse frustrée.

2. LA CRÉATION DE VALEUR : UN ENJEU CENTRAL POUR LES ÉCONOMIES AFRICAINES

Je pose une question simple : pourquoi ne pas investir d’abord dans la restructuration des entreprises locales  en difficulte mais potentiellement viables, dans l’amélioration de leur productivité, dans la création de chaînes de valeur solides ? Pourquoi ne pas orienter une jeunesse dynamique vers des secteurs concrets où les besoins sont réels et visibles ?

Prenons l’exemple des métiers manuels : plomberie, électricité, menuiserie, cordonnerie et .. chaque jour, on peine à trouver des artisans qualifiés. Ces métiers sont indispensables, porteurs, et pourtant négligés.

Autre exemple : l’agriculture. Modernisée, digitalisée, organisée, elle peut offrir des milliers d’emplois, créer des revenus, renforcer notre souveraineté alimentaire. 

La politique de formation devrait aussi viser les familles, en les outillant à mieux gérer leurs ressources et à initier des micro-projets autour du recyclage, de l’économie familiale, et de la gestion des déchets

L’Afrique gagnerait à repenser la formation autour des vrais besoins quotidiens : artisans qualifiés, services de proximité, maintenance, agriculture, transformation locale.

Pour une employabilité utile et efficace au Sénégal

Il est essentiel d’aborder la question de l’employabilité en se concentrant sur les secteurs à fort potentiel au Sénégal, tels que les hydrocarbures, les mines, les énergies renouvelables, les nouvelles technologies ou encore la technologie industrielle. Cela ne doit pas se faire dans une optique de formation tous azimuts, mais bien dans une logique orientée vers des besoins économiques concrets et palpables.

Dans un contexte où les ressources financières sont limitées, il est impératif de les utiliser avec discernement et efficacité. L’argent public ne doit pas être gaspillé dans des projets mal ciblés ou des formations sans débouchés réels.


Il est également urgent de mettre fin à la tendance actuelle qui consiste à organiser des séminaires onéreux dans des stations balnéaires, notamment à Saly, alors même que l’État du Sénégal dispose de nombreux locaux adaptés, spécialement aménagés pour ce type d’activités.

3. L'EMPLOYABILITÉ : UN ENJEU GLOBAL AU-DELÀ DES COMPÉTENCES TECHNIQUES

L’éthique, la rigueur et la culture du travail sont aussi des piliers de l’employabilité. Il faut une éducation qui forme des citoyens engagés, pas seulement des diplômés.

Ce ne sont pas les compétences qui manquent à l’Afrique. Depuis les indépendances, des générations entières de jeunes ont été bien formées, ici comme à l’étranger. Le vrai problème, c’est l’éthique. Confiez une caisse à un cadre, et son premier réflexe n’est pas de la gérer avec rigueur, mais de chercher comment la détourner. Voilà la réalité. Le développement n’est pas qu’affaire de technique. Il est d’abord une question de morale, de loyauté, de rapport au bien public. Former des ingénieurs sans conscience civique, c’est construire des lieux de culte sur du sable."

Au lieu de toujours former davantage, il serait souvent plus rentable de mobiliser les compétences existantes : diaspora, experts locaux, coopération sud-sud. 

Il est temps de changer de logiciel.
Former, oui. Mais pour quoi ? Et pour qui ?

Magaye GAYE
Économiste international
Ancien Cadre de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD)

Babou Diallo

Lundi 7 Avril 2025 - 18:40


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