Dans le township d’Alexandra, le plus gros de Johannesburg, les gens sont arrivés très tôt ce mercredi matin pour voter, certains dès 4 heures. Les gens ont attendu dans le froid avec des thermos en attendant l’ouverture des bureaux de vote.
Le township d’Alexandra est un bidonville. Si la moitié des maisons sont en dur, l’autre moitié sont des cabanes en tôle, souvent sans eau ni électricité. Ici, les principales préoccupations des habitants sont l’emploi et les conditions de vie. Dans la queue devant l'un des bureaux de vote, les habitants d’Alexandra font part de leur envie de changement. « 20 ans de démocratie, nous en avons peu vu les fruits », disent-ils.
L'ANC sans Mandela
Il y a deux mois, les sondages donnaient l’ANC sous la barre de 60 %. Aujourd’hui, les estimations la placent à environ 62 %. Pour le parti au pouvoir, en pleine crise d’identité, il est crucial de démontrer que l’ANC de Nelson Mandela a toujours le soutien d’une grande majorité de la population.
Depuis des mois, le parti et surtout son président Jacob Zuma font face à une marée de critiques. Corruption, népotisme, mauvaise gestion, pauvreté et chômage qui ne baissent pas, une criminalité toujours importante, la colère gronde dans les townships et les bidonvilles et les manifestations violentes sont fréquentes.
Pour l’ANC, passer sous la barre des 60 % serait une vraie claque. Et pour le président, une remise en cause de son leadership. D’autant plus qu’en face, l’opposition grignote doucement l’électorat du parti au pouvoir. Les classes moyennes et les jeunes vont vers l’Alliance démocratique (DA) d’Helen Zille. Les plus pauvres, qui n’ont pas profité des fruits de la démocratie, se tournent quant à eux vers les Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Fighters, EFF) de Julius Malema.
Le défi de l’Alliance démocratique
Ce mercredi, les Sud-Africains ne votent pas seulement pour des législatives, mais également pour des régionales. Et l’enjeu est de taille pour l’opposition. Aujourd’hui, sur neuf provinces, huit sont contrôlées par l’ANC. Seule exception, la région du Cap, dirigée par l’Alliance démocratique. Elle est en quelque sorte aujourd’hui le laboratoire du parti d’Helen Zille. Richard Calland, professeur à l’université du Cap, dresse un bilan nuancé de l’action du parti dans la région. « En terme de lutte contre la corruption et de bonne gouvernance, la DA a été efficace. De là à dire que le parti gouverne pour tous, qu’il a réussi à dépasser les grosses divisions sociales dans cette région, peut-être pas. C’est un test pour la DA », juge-t-il.
Mais le parti d’Helen Zille a encore du mal à se défaire de son image de « parti blanc ». En 2009, l’Alliance démocratique avait recueilli 16 % des suffrages. Elle espère faire beaucoup mieux cette fois et compte pour cela sur le soutien de la communauté métis, très opposée à l’ANC. « Les métis/coloured* voient la DA comme un protecteur de leurs droits. Et pour parler franchement, la communauté métisse/coloured est plutôt raciste et s'estime meilleure que la communauté africaine noire », confie encore Richard Calland.
Ainsi, à Mitchell's Plain, un township de la plaine du Cap où les métis représentent plus de 90 % de la population locale, certains habitants rendent l'ANC responsable de leurs maux et l'accusent de ne rien faire pour eux.
Le plus grand défi pour l’Alliance démocratique au niveau national est donc maintenant de séduire la population noire, encore très méfiante vis-à-vis du parti. « Je pense vraiment que c’est très dur pour un ouvrier noir de faire confiance à l’Alliance démocratique aujourd’hui. Mais lors des élections municipales en 2011, pour la première fois, la DA a gagné des voix dans les communautés ouvrières noires à travers le pays – 2 ou 3 %. Alors, s’ils arrivent à monter à 6 ou 10 % cette fois, ce sera un énorme progrès », analyse Richard Calland. Le score de la DA lors de ces élections sera un bon indicateur de la déception de la population vis-à-vis de l’ANC.
Source : Rfi.fr
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